Hépato-Gastro & Oncologie Digestive
MENURôle des facteurs génétiques dans le reflux gastro‐œsophagien Volume 11, numéro 1, Janvier-Février 2004
- Page(s) : 81
- Année de parution : 2004
Auteur(s) : Thierry Piche
Mohammed I, Cherkas LF, Riley SA, Spector TD, Trudgill NJ. Genetic influences in gastro-oesophageal reflux disease: a twin study. Gut 2003 ; 52 :1085-9.
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est un facteur de risque de
l’adénocarcinome de l’œsophage dont l’incidence n’a cessé
d’augmenter au cours des quatre dernières décennies. Sa
physiopathologie est encore mal comprise et largement
multifactorielle. Le rôle des facteurs génétiques a été suggéré
dans plusieurs travaux. Des cas familiaux d’œsophagite,
d’endobrachyœsophage (EBO) ou d’adénocarcinome ont été rapportés
[1, 2] et des symptômes de reflux sont souvent observés au sein
d’une même famille [3]. Enfin, l’incidence de l’EBO et de
l’adénocarcinome est influencée par le sexe ou l’origine ethnique
des malades [4]. Un travail récent a montré que la prévalence des
symptômes de RGO était plus élevée chez des jumeaux monozygotes
comparée à des dizygotes [5]. Le but de la présente étude était
d’évaluer les symptômes de reflux chez des jumeaux mono ou
dizygotes et de confirmer l’influence des facteurs génétiques dans
le RGO.
Quatre mille quatre cent quatre-vingts paires de jumeaux ont été
étudiées à partir d’un registre. Chaque sujet recevait un
questionnaire qui évaluait les symptômes de RGO pendant l’année
écoulée et les facteurs de risque de reflux. Le taux de réponse au
questionnaire était de 56 % et un total de 1960 paires de
jumeaux a été étudié. Dans cet échantillon, la prévalence du reflux
était de 18 % chez les jumeaux mono ou dizygotes. Les taux de
concordance pour les symptômes de reflux étaient significativement
plus élevés chez les monozygotes comparés aux dizygotes. Dans ce
travail, le meilleur modèle statistique pour expliquer la
variabilité du RGO dans cette population combinait des facteurs
génétiques et des facteurs environnementaux. En tenant compte des
facteurs confondants, comme l’âge ou l’indice de masse corporelle,
l’influence des facteurs génétiques sur la variation phénotypique
était estimée à 43 %.
La physiopathologie du RGO est mieux connue depuis
l’identification des relaxations transitoires du sphincter
inférieur de l’œsophage (RT SIO). Plusieurs études ont montré que
les RT SIO étaient un mécanisme essentiel qui favorisait la
survenue des épisodes de reflux chez les sujets sains ou les
malades avec RGO pathologique. Pourtant, il est peu probable que
les RT SIO soient influencées par des facteurs génétiques car leur
nombre ne semble pas différent chez les malades ou les sujets
sains. Des anomalies de distribution du contenu gastrique sont
actuellement envisagées pour expliquer la plus forte proportion de
reflux acides au cours des RT SIO chez les malades. Une relaxation
fundique post-prandiale d’amplitude et de durée augmentée, voire
une stase gastrique, ont été observées chez des malades avec RGO.
L’influence des facteurs génétiques sur les anomalies de la
motricité gastrique au cours du RGO mériterait d’être évaluée.
Finalement, cette étude indique que plusieurs gènes sont
probablement impliqués dans la physiopathologie du RGO, ce qui
laisse entrevoir des perspectives thérapeutiques tout à fait
innovantes...
Références
1. Jochem VJ, Fuerst PA, Fromkes JJ. Familial Barrett’s esophagus associated with adenocarcinoma. Gastroenterology 1992 ; 102 : 1400-2.
2. Eng C, Spechler SJ, Ruben R, Li FP. Familial Barret esophagus and adenocarcinoma of the gastroesophageal junction. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 1993 ; 2 : 397-9.
3. Trudgill NJ, Kapur KC, Riley SA. Familial clustering of reflux symptoms. Am J Gastroenterol 1999 ; 94 : 1172-8.
4. El-Serag HB, Mason AC, Petersen N, Key CR. Epidemiological differences between adenocarcinoma of the œsophagus and adenocarcinoma of the gastric cardia in the USA. Gut 2002 ; 50 : 368-72.
5. Cameron AJ, Lagergren J, Henriksson C, Nyren O, Locke GR, Petersen NL. Gastroesophageal reflux disease in monozygotic and dizygotic twins. Gastroenterology 2001 ; 122 : 155-9.