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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Nouveautés dans les biomarqueurs de l’hépatotoxicité des médicaments et des plantes médicinales Volume 25, numéro 6, Juin 2018

Illustrations


  • Figure 1

Tableaux

Introduction

L’hépatotoxicité des médicaments est la principale cause de retrait des médicaments du marché pharmaceutique et d’interruption du développement de nouvelles molécules. Son incidence dans la population générale varie de 2,4/100 000 à 19/100 000 selon le caractère rétrospectif ou prospectif des études [1]. Les lésions hépatiques sont d’une très grande variété au point de reproduire pratiquement toutes les maladies hépatiques non iatrogènes [1, 2].

Plus de 1 300 médicaments « classiques » sont actuellement répertoriés, auxquels s’ajoutent de façon croissante des plantes médicinales, des compléments alimentaires et des produits chimiques [1, 2]. La base de données américaine LiverTox régulièrement actualisée liste et décrit l’hépatotoxicité des xénobiotiques incriminés [2]. L’hépatite aiguë est de très loin la principale manifestation, représentant plus de 90 % des atteintes hépatiques médicamenteuses [1, 2]. En dépit des progrès importants en toxicologie et malgré la qualité croissante des essais cliniques en matière de sécurité, la fréquence des hépatites médicamenteuses n’a pas diminué au cours des dix dernières années. C’est la raison pour laquelle des efforts importants sont faits pour identifier des marqueurs diagnostiques et prédictifs, en particulier, sur le rôle de facteurs génétiques [1, 2]. Selon une définition proposée en 1993, un biomarqueur est un test de laboratoire sensible et assez spécifique pour confirmer la nature liée au médicament d’une lésion hépatique. Idéalement, un biomarqueur d’hépatotoxicité doit non seulement être la signature d’une lésion hépatique, mais doit aussi permettre d’identifier le xénobiotique en cause ou au moins une classe d’entités chimiques.

Cette mini-revue vise à décrire les biomarqueurs actuellement utilisés pour caractériser et diagnostiquer les hépatites médicamenteuses et ceux qui sont récemment testés pour améliorer le diagnostic et surtout prédire le risque d’hépatotoxicité.

L’hépatotoxicité des médicaments est la principale cause de retrait des médicaments du marché pharmaceutique

Outils pour la caractérisation, le pronostic et le diagnostic des hépatites médicamenteuses

Biomarqueurs permettant de caractériser le phénotype de l’atteinte hépatique

Une biopsie hépatique est très rarement réalisée car elle n’apporte pas, le plus souvent, d’information spécifique sur l’origine médicamenteuse ou le médicament suspecté [3]. De ce fait, la caractérisation de l’atteinte hépatique est basée essentiellement sur des critères biologiques, et cliniques quand ils sont présents. Les marqueurs biologiques utilisés en pratique courante sont : l’activité sérique de l’alanine aminotransférase (ALAT), de l’aspartate aminotransférase (ASAT), des phosphatases alcalines (ALP), de la gamma-glutamyl-transférase (γGT), concentration sérique de la bilirubine totale et conjuguée, albuminémie, facteurs de coagulations, taux de prothrombine et l’INR. Grâce à ces marqueurs simples, on peut définir l’existence d’une atteinte hépatique, son type et sa sévérité selon les recommandations internationales [4, 5].

Biomarqueurs de l’existence d’une atteinte hépatique aiguë médicamenteuse

On définit l’atteinte hépatique aigue selon un multiple de la valeur limite supérieure de la normale du test (LSN) des paramètres suivants [4] :

  • Augmentation ALAT ≥ 5 × LSN.
  • Ou augmentation PAL ≥ 2 × LSN.
  • Ou augmentation ALAT > 3 LSN et élévation simultanée de la bilirubinémie totale > 2 LSN.

Biomarqueurs de la gravité de l’atteinte hépatique médicamenteuse

La gravité de l’atteinte est très variable, de la simple augmentation de transaminases à l’hépatite fulminante mortelle [1, 2]. Les médicaments sont d’ailleurs la première cause d’hépatite fulminante [1, 2]. L’évaluation de la gravité des hépatites médicamenteuses est basée sur une combinaison de critères biologiques et cliniques (tableau 1). Au cours du développement d’un nouveau médicament, il est important de pouvoir prédire la survenue de cas d’hépatotoxicité grave. Par exemple, la fréquence de survenue de l’augmentation isolée de l’ALAT, notamment de plus trois fois la limite supérieure de la normale, n’est pas bien corrélée à la survenue d’hépatite clinique grave (tableau 2). C’est également le cas pour les statines avec lesquelles on assiste fréquemment à une augmentation des transaminases mais les hépatites cliniques sont très rares.

Il y a de nombreuses années, Hyman Zymmerman a mis en évidence que, quand les hépatites aiguës cytolytiques médicamenteuses se compliquent d’un ictère, le risque de survenue d’une insuffisance hépatique grave est d’environ 10 % [6]. La Food and Drug Administration (FDA) en a extrapolé la « Hy's law rule » caractérisée par l’association de l’ALAT > 3× LSN et de la bilirubinémie totale > 2× LSN comme signal d’alerte de risque d’hépatotoxicité grave dans les atteintes aiguës cytolytiques après avoir éliminé une cause non médicamenteuse [6]. Cette règle est maintenant systématiquement appliquée dans les essais cliniques concernant des médicaments en développement. En complément, une représentation graphique de cette combinaison a été créé, le « eDISH plot » (Evaluation of Drug-Induced Serious Hepatotoxicity), pour faciliter la détection du risque de survenue d’événements d’hépatotoxicité grave dans les essais thérapeutiques [6, 7](figure 1).

L’association de l’ALAT > 3× LSN et de la bilirubinémie totale > 2× LSN est un signal de risque d’hépatotoxicité grave

Biomarqueurs diagnostiques

Actuellement, le diagnostic d’hépatite médicamenteuse repose principalement sur des critères chronologiques, des critères cliniques et l’élimination de diagnostics différentiels. En l’absence de spécificité dans la majorité des cas, il s’agit souvent d’un diagnostic d’élimination. De ce fait, des scores de causalité pour évaluer l’imputabilité de façon plus efficace sont calculés [1, 2, 4]. Le plus utilisé est le Roussel Uclaf Causality Assessment Method ou RUCAM qui a été récemment actualisé [8](tableau 3). Il n’existe que très rarement des marqueurs d’orientation ou spécifiques des hépatites médicamenteuses.

Dosage du médicament en cause ou d’un de ces métabolites

Un prototype est le paracétamol dont le mécanisme de toxicité est direct, prédictible et dose dépendante. La concentration plasmatique en paracétamol est directement corrélée à la toxicité hépatique (> 200 μg/L 4h ou > 100 μg/L 8h après l’ingestion) [2].

Auto-anticorps spécifiques (tableau 4)

L’hépatotoxicité de quelques médicaments est associée à la présence d’anticorps spécifiques. Ils associent une très bonne spécificité et sensibilité et constituent un très bon marqueur diagnostique. C’est le cas des anticorps anti-mitochondries de type 6 avec l’isoniazide, des anticorps anti-LKM2 ou anti-cytochrome 2C9 avec l’acide tiénilique, des anticorps anti-cytochrome 1A2 avec la dihydralazine, des anticorps anti cytochrome 3A avec les anti-épileptiques et des anticorps anti-cytochrome 2E1 avec l’halothane [1].

Un autre exemple intéressant est celui d’un anticorps anti-époxyde hydrolase, marqueur spécifique de l’hépatotoxicité de la Germandrée petit-chêne (Teucrium chamaedrys). Cette plante médicinale, utilisée initialement comme antipyrétique et antalgique des douleurs abdominales a obtenue en 1986 une autorisation de mise sur le marché comme aide à l’amaigrissement [1]. En quelques mois, plus de 30 cas d’hépatites médicamenteuses ont été collectés par les centres de pharmacovigilance avec notamment des hépatites fulminantes [1, 9]. Elle a donc été retirée du marché et sa vente libre est désormais interdite. Le mécanisme d’hépatotoxicité a été ensuite démontré : l’oxydation de la Germandrée par le CYP 3A entraine la formation de métabolites réactifs qui sont la cible dans le sang des anticorps anti-époxyde hydrolase [9, 10].

Dans de rares cas, l’hépatotoxicité médicamenteuse est associée à la présence d’anticorps sériques spécifiques

Détection sérique d’adduits réactifs

Un autre exemple de biomarqueur basé sur un des principaux mécanismes de toxicité est la formation de métabolites réactifs toxiques à partir du médicament [1]. Ce métabolite toxique peut se fixer de façon irréversible sur diverses organelles et structures moléculaires dont des protéines. Le complexe métabolite réactif-protéine forme un adduit qui peut être détectable dans le sang. Un exemple récent est la détection dans le sang ou les urines spécifiques d’un métabolite toxique formé à partir des alcaloïdes de la pyrrolizidine [9, 10]. À l’origine de la mise en place de ce biomarqueur, « Tusanqi », une préparation traditionnelle chinoise utilisée à visée antalgique, normalement sans risque mais ayant entrainé une série de 50 cas de syndrome d’obstruction sinusoïdal [10]. La toxicité a été liée à une confusion entre deux plantes au cours de la fabrication de cette préparation, l’inoffensive Sedum Aizoon a été malencontreusement remplacée par la Gycora Segetum contenant des alcaloïdes toxiques [10]. Un biomarqueur des alcaloïdes de la pyrrolizidine a été mis en place, testé initialement chez le rat puis chez un patient ayant présenté un syndrome d’obstruction sinusoïdal mais avec une évolution favorable et a permis de poser le diagnostic de certitude avec une spécificité de 95,8 % et une sensibilité de 100 %. Le taux d’adduits de métabolites réactifs pyrroliques-protéine diminue rapidement les 40 premiers jours mais reste détectable dans le sang pendant environ 300 jours [9-11].

Métabolome

Pour les lésions hépatiques induites par Polygonum multiflorum, une autre approche diagnostique est utilisée, basée sur la métabolomique (recherche de lysophosphatidylcholine, phosphatidylcholine, prostagladine, acides gras, 2,3,5,41-tétrahydroxy trans-stilbène-2-O -D-glucoside…) [10, 11].

Nouveaux biomarqueurs candidats

Les tests biochimiques et biologiques actuels manquent de sensibilité et de spécificité pour la détection précoce, la prédiction et l’évaluation de la sévérité des hépatites médicamenteuses. De plus, les mécanismes précis impliqués dans l’hépatotoxicité sont mal connus pour la plupart des médicaments. De ce fait, de nombreux biomarqueurs sont en cours d’évaluation et ont été proposés ces dernières années. On peut les classer selon le type d’information qu’ils peuvent apporter : détection précoce d’atteinte hépatique, marqueur de la progression ou pronostic (tableau 5).

Marqueurs précoces de lésions hépatiques [12, 13]

Micro-ARN 122 et 192

Les micro-ARN peuvent réguler l’expression des gènes après exposition à certains facteurs environnementaux ou toxiques. Les micro-ARN circulants, miR-122 et miR-192 sont hépato-spécifiques. Le micro-ARN 122 semble être un marqueur précoce de lésion hépatique (viral, alcool ou toxique). Dans les intoxications au paracétamol, le micro-ARN 122 est plus sensible et plus précoce que l’augmentation des transaminases. En cas de lésions musculaires, on n’observe pas d’augmentation du micro-ARN 122 dans le sang contrairement à l’ALAT. Il est donc plus spécifique dans cette situation.

Cytokératine 18

C’est une protéine du cytosquelette très abondante au niveau hépatique mais non spécifique. Elle est relarguée en cas de nécrose hépatocytaire. Son augmentation est précoce en cas de toxicité hépatique, avant celle des ALAT.

HMGB-1 (High Mobility Group Box 1)

C’est une protéine liée à la chromatine qui est passivement relarguée en cas de nécrose hépatocytaire et qui participe à l’activation de système immunitaire comme c’est le cas dans certaines hépatites idiosyncrasiques. Elle augmente précocement en cas de lésion hépatique, avant l’ALAT.

GLDH (glutamate dehydrogenase)

C’est une enzyme présente dans la matrice mitochondriale hépatique mais aussi au niveau cérébral et rénal. Sa localisation est préférentielle au niveau centrolobulaire, lieu de la toxicité du paracétamol. Ce marqueur est plus sensible que d’autres enzymes cytosoliques.

Le micro-ARN 122 est un marqueur plus sensible et plus précoce que l’ALAT en cas d’hépatite médicamenteuse

Marqueurs d’un type de lésions hépatiques [12, 13]

MCSFR-1 (Macrophage Colony Stimulating Factor Receptor 1)

C’est un autre marqueur de l’activation du système immunitaire. Il est très augmenté dans les cas d’hépatotoxicité idiosyncrasique. Par exemple, il augmente en cas d’hépatotoxicité idiosyncrasique secondaire au flupirtine et non en cas de toxicité du paracétamol (toxicité directe) alors que les transaminases sont augmentées dans les deux cas.

Marqueurs pronostiques [12-14]

La cytokératine 18

La cytokératine 18 pourrait également être un marqueur pronostique de l’atteinte hépatique car elle est plus augmentée chez les patients décédés ou transplantés après un surdosage en paracétamol en comparaison avec les patients ayant spontanément récupérés.

Les acides biliaires

L’augmentation de certains acides biliaires (acide glycochenodéoxycholique, acide taurochenodeoxycholique, acide taurocholique) a été mise en évidence dans certains cas d’hépatotoxicité (flupirtine) même en l’absence de cholestase biologique. Ils sont associés à la gravité de l’hépatite car plus augmentés chez les patients avec hépatite fulminante [14].

MCSFR1 et ostéopontine

MCSFR1 et ostéopontine sont plus élevées chez des patients avec hépatototoxicité et critères de gravité selon la règle « Hy's law » en comparaison a des patients n’ayant pas de critères de gravité (SAFE-T consortium, données non publiées).

HMGB1

HMGB1est aussi un marqueur pronostique.

En dehors des micro-ARN 122 et 192, ces biomarqueurs ne sont pas spécifiques du foie ou de médicaments particuliers et leur utilisation est peut-être difficile quand ils nécessitent la spectrométrie de masse. En attendant la confirmation de la validité de ces nouveaux biomarqueurs, l’association ALAT et bilirubine totale comme définie par la règle « Hy's law » reste actuellement la meilleure méthode pour prédire un évènement hépatotoxique grave dans un essai clinique.

Pharmacogénétique (tableau 6)

Depuis longtemps, un lien entre hépatites médicamenteuses idiosyncrasiques, rares et imprévisibles, et facteurs génétiques est démontré de façon croissante à l’échelle d’une population. Cependant, peu d’associations robustes ont été mises en évidence entre pharmacogénétique et des médicaments spécifiques [15-17]. Jusqu’à présent, les études génétiques dans ce domaine reposaient sur l’hypothèse du gène candidat. Plus récemment, des études concernant tout le génome ont été réalisées chez les patients atteints d’hépatite médicamenteuse [16]. Cela a permis le développement d’un nouveau modèle de toxicité pour les hépatites médicamenteuses idiosyncrasiques impliquant des voies métaboliques spécifiques du médicament qui génèrent des métabolites réactifs et des voies de signalisation communes conduisant à du stress cellulaire et de la nécrose (directement ou via des réactions immunitaires). Les variants génétiques identifiés sont présentés en fonction de leur rôle dans le métabolisme du médicament.

Les enzymes du métabolisme de la phase 1

La formation de métabolites réactifs par le cytochrome P450 joue un rôle clé dans la physiopathologie des hépatites médicamenteuses. De nombreuses études se sont intéressées aux différents variants du cytochrome et leur implication mais un lien robuste a été établi seulement dans de rares cas [15-17].

Les enzymes de détoxification de la phase 2

La N acétyltransférase 2 (NAT2) est impliquée dans les hépatites médicamenteuses. Il existe plusieurs variants avec une activité d’acétylation différente. Une faible capacité d’acétylation est associée à une augmentation du risque d’hépatotoxicité due aux sulfamides et à l’isoniazide [15]. Les glutathion transférases T1 et M1 sont des enzymes cytosoliques qui protègent la cellule du stress oxydatif, une réduction de son activité (génotype GST T1 et M1 null) est associée à un risque plus élevé d’hépatotoxicité des antibiotiques et des AINS par exemple [16]. La manganèse-superoxide-dismutase (MnSOD) est une enzyme mitochondriale elle aussi impliquée dans la protection de la cellule vis-à-vis du stress oxydatif. L’augmentation de l’activité de cette enzyme est associée à un risque accru d’hépatotoxicité. Le mécanisme n’est pas complètement élucidé, peut-être via l’augmentation de la production de peroxyde d’hydrogène [16]. Bien que la gluco-conjugaison soit un mécanisme de détoxification, elle peut parfois conduire à la production de métabolites toxiques réactifs. C’est le cas par exemple du diclofénac qui, lorsqu’il est gluco-conjugué par l’UGT2B7, produit des acyl-glucuronides qui peuvent être toxiques pour les hépatocytes. Le diclofénac est principalement métabolisé par le CYP2C9 mais la présence d’au moins un allèle du variant UGT2B7*2 est associée à un risque élevé d’hépatotoxicité [15-17].

Transporteurs hépatobiliaires

La détoxification hépatique des xénobiotiques se fait via leur conjugaison avec le glutathion, les sulfates ou les glucuronates. Ces métabolites conjugués sont ensuite transportés par les transporteurs hépatobiliaires à l’extérieur de l’hépatocyte, cette étape constitue une cible d’hépatotoxicité. L’excrétion des xénobiotiques dans la bile implique les transporteurs de la famille MRP : MDR1 (ABCB1), MDR3 (ABCB4), MRP2 (ABCC2) et BSEP (ABCB11). Les hépatites cholestatiques secondaires au sulindac, à la flucloxaciline, au terbinafine et au bosentan sont associées à une inhibition du BSEP canaliculaire. Les patients présentant des mutations des gènes codants pour BSEP et MDR3 ont trois fois plus de risques de développer une hépatite cholestatique secondaire à la prise de contraception orale, de certains antibiotiques, des inhibiteurs de la pompe à proton et des psychotropes [15, 16].

Complexes d’histocompatibilité MHC

Il y a une association établie entre certains polymorphismes HLA et les effets secondaires médicamenteux hépatiques ou non hépatiques. Une des premières associations mises en évidence est celle entre HLAB1*1501-DRB5*0101-DQB1*0602 et amoxicilline-acide clavulanique, elle concerne 57 % des patients avec hépatites à l’association amoxicilline-acide clavulanique contre 12 % des patients sains [16].

Andrade et al. ont mis en évidence que les hépatites cholestatiques ou mixtes avaient plus fréquemment l’haplotype HLA-DRB1*15 et HLA-DQB1*06 et moins fréquemment l’haplotype DRB1*07 et DQB1*02 en comparaison aux hépatites cytolytiques [16].

Plus récemment, le ximelagatran, un anticoagulant oral, a été retiré du marché en raison de son hépatotoxicité. L’analyse du génome a mis en évidence un haplotype HLA DRB1*07 (OR 4,41) et DQA1*02 (OR 4,41) chez les patients avec hépatite médicamenteuse. De la même façon, une association très forte entre hépatotoxicité du flucloxacilline et HLA-B*5701 (OR 80,6) a été mise en évidence [18].

Le génotype HLA-B*35 : 02 est un test de diagnostic utile dans le cadre des hépatites secondaires à la minocycline car il permet de différencier une hépatite auto-immune idiopathique d’une hépatite auto-immune médicamenteuse alors que les marqueurs sérologiques (Ac anti-nucléaire et anti-muscle lisse) peuvent être présents dans les deux cas [19].

Dérégulation des cytokines

La dérégulation de la production de cytokines peut intervenir dans la pathogénèse des hépatites médicamenteuses. Des variants de l’interleukine 10 et 4 sont associés à l’hépatotoxicité secondaire au diclofénac[17].

ADN mitochondrial

Certains médicaments (valproate, salicylate, anti-rétroviraux) peuvent être hépatotoxiques via une toxicité mitochondriale. Une étude a mis en évidence une association entre la toxicité du valproate et des variants génétiques du gène codant pour l’ADN polymerase gamma mitochondrial [15].

Il y a une association établie entre certains polymorphismes HLA et les effets secondaires médicamenteux hépatiques

Autres outils [20, 21]

Parmi les autres outils mis au point pour diagnostiquer ou prédire les hépatites médicamenteuses, on peut signaler le logiciel DILIsym®. Ce logiciel mathématique intègre de nombreux paramètres (différentes cellules hépatiques, systèmes biochimiques intracellulaires, distribution et métabolisme des médicaments, variabilité inter-individuelle…) pour prédire les risques d’hépatotoxicité des médicaments en cours de développement. Il a par exemple été utilisé avec succès pour explorer les réponses toxicologiques divergentes pour la tolcapone et l’entecapone, deux médicaments utilisésdans les études cliniques de la maladie de Parkinson chez l’homme.

Applications pratiques actuelles

L’association haplotype HLA et hépatotoxicité a parfois une valeur prédictive négative (VPN) supérieure à 0,95. Dans ce cas, le génotypage pourrait être utilisé pour exclure l’implication d’un médicament incriminé et ainsi considérer d’autres diagnostics. La VPN peut aussi être utile pour différencier deux médicaments possiblement toxiques quand ils sont administrés de façon concomitante. Le génotype peut également être utilisé pour différencier les cas d’hépatite auto-immune idiopathique de celle induite par un médicament [18]. Dans les cas d’association forte avec un médicament spécifique, le génotypage a contribué à mieux déterminer le mécanisme d’hépatotoxicité du lumiracoxib et de la flucoxacilline [18, 22].

La capacité de prédire si un médicament peut être hépatotoxique chez un individu donné est un enjeu essentiel. Cela n’est pas encore possible mais les progrès sont en marche. Les tests prédictifs vont être d’interprétation de plus en plus rapide et de moins en moins coûteux. Dans un avenir proche, il est concevable de créer une carte métabolique génétiquement déterminée qui pourrait être utilisable par le prescripteur avant l’introduction d’un traitement.

Conclusion

Les outils actuellement utilisés pour établir le diagnostic, le pronostic ou la gravité d’une hépatite médicamenteuse sont insuffisants. De grands progrès ont été faits pour découvrir de nouveaux biomarqueurs d’hépatotoxicité mais la plupart de ceux étudiés ont une valeur limitée parce qu’ils ne sont basés sur des études animales, qu’ils manquent de validation chez les humains, et qu’ils ne sont pas facilement disponibles dans pratique clinique. Des tests génétiques commencent à améliorer les possibilités diagnostiques des hépatites médicamenteuses. Dans un avenir proche, ils devraient permettre la prédiction du risque hépatique.

Take home messages

  • Les hépatites médicamenteuses sont la principale cause de retrait du marché des médicaments.
  • Les tests hépatiques simples (ALT, AST, ALP, GGT, bilirubinémie) permettent de définir l’existence d’une atteinte hépatique, son type et sa sévérité.
  • Les marqueurs diagnostiques spécifiques sont rares : auto-anticorps, détection sérique d’adduits réactifs ou le dosage sanguin du médicament.
  • De nouveaux biomarqueurs sanguins permettant une détection précoce du risque d’hépatotoxicité et sa gravité sont en développement et en cours de validation.
  • Il existe une association entre pharmacogénétique et hépatotoxicité.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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