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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Hépatite E : quelques questions non résolues Volume 25, numéro 1, Janvier 2018

Pourquoi une telle prévalence dans le sud de la France ?

La séroprévalence chez les donneurs de sang est de l’ordre de 22 % en France mais il existe en effet une forte disparité en fonction des régions avec 3 zones où la prévalence dépasse 40 %, le Nord-Est, le Sud-Est et le Sud-Ouest [1]. La prévalence atteint même 70 % en Ariège. Le risque de transmission du VHE lors de la consommation de viande de porc ou de gibier est bien connu en particulier pour la consommation de saucisse de foie mais elle ne peut pas expliquer à elle seule cette disparité. Il existe donc d’autres facteurs encore inconnus.

Les trois zones hyper-endémiques sont le Sud-Est, Sud-Ouest et Nord-Est

Faut-il faire un dépistage génique pour tous les dons de sang ?

En France un donneur de sang sur 2 200 est virémique pour le VHE [2].Une étude anglaise réalisée en 2012-2013 trouvait un taux de 1/28 48 [3]. Dans cette étude, les auteurs révèlent que 62 poches contaminées ont été transfusées, et 42 % d’infections par le VHE constatées. Le risque de transmettre le VHE était finalement minime et corrélé au volume transfusé et à la charge virale. La plupart des infections par le VHE sont asymptomatiques (quel que soit le mode de transmission). Une réflexion est donc actuellement en cours sur la nécessité de réaliser un dépistage génique sur les dons de sang. Il est actuellement fait pour les dons de plasma. Ce sont surtout les patients polytransfusés, par exemple en hématologie, ou certains transplantés qui sont à risque d’infection par le VHE.

Le risque de transmission du VHE par transfusion est minime

Quel est l’impact de l’infection VHE chez le cirrhotique ?

L’infection par le VHE chez le patient atteint de cirrhose est un facteur de décompensation [4], le plus souvent un ictère ou une encéphalopathie. La présence d’une cirrhose sous-jacente chez un patient présentant une hépatite aiguë E est un facteur de mauvais pronostic et de mortalité [5]. Il est donc recommandé de donner des règles hygiéno-diététiques aux patients porteurs d’une cirrhose et, en particulier, de bien cuire la viande de porc et de bannir les saucisses de foie.

L’infection par le VHE est un facteur de risque de décompensation de cirrhose

Quelles atteintes neurologiques sont spécifiques du VHE ? Comment les prendre en charge ?

Une atteinte neurologique plus ou moins marquée est présente dans près de 20 % des cas d’hépatite aiguë E. Les atteintes le plus souvent associées à une infection par le VHE sont : le syndrome de Parsonage et Turner, le syndrome de Guillain-Barré et les mono- ou multinévrites [6, 7],mais d’autres formes ont également été rapportées récemment [8]. Ces infections par le VHE sont caractérisées par l’absence d’ictère et des perturbations très minimes du bilan hépatique. La prise en charge de l’atteinte neurologique ne diffère pas qu’elle ait été déclenchée ou non par le VHE. Chez les patients virémiques qui ont une atteinte neurologique sévère, un traitement par ribavirine pour tenter de faire baisser au plus vite la charge virale peut se discuter au cas par cas [9].

Le VHE est un virus neurotrope

Quelle est la durée et la dose de ribavirine en cas d’infection chronique ?

La ribavirine est le traitement de choix de l’hépatite E chronique [10]. La posologie doit être adaptée au poids du patient, au taux d’hémoglobine et à la présence d’une insuffisance rénale, fréquente chez ces patients. La posologie ne diffère pas de celle utilisée dans le traitement du VHC. La durée du traitement est fixée à 3 mois. Le contrôle de l’efficacité se fait par la charge virale et la recherche du VHE dans les selles tous les mois. L’arrêt du traitement à 3 mois ne peut être envisagé que lorsque le VHE est indétectable au 3e mois dans le sang et dans les selles. Ce traitement permet d’obtenir près de 80 % de RVS.

L’hépatite E chronique doit être traitée par 3 mois de ribavirine

Que faire en cas de rechute ?

En cas de rechute, il est recommandé de faire un traitement plus long sur 6 mois. Chez le patient transplanté, il n’y a pas pour l’instant de traitement de deuxième ligne. Le sofosbuvir qui a une activité minime in vitro ne semble finalement pas être efficace in vivo. Chez le patient immunodéprimé non transplanté, infecté par le VIH par exemple, une association ribavirine-interféron pégylé peut être efficace. L’interféron est contre-indiqué chez les patients transplantés du fait du risque de rejet.

L’hépatite aiguë E est-elle vraiment grave chez la femme enceinte et si oui pourquoi ? L’est-elle aussi dans les pays industrialisés ?

Dans les pays en voie de développement, l’hépatite aiguë E est très souvent symptomatique chez la femme enceinte, particulièrement aux 2e et 3e trimestres. L’évolution vers une hépatite fulminante est fréquente conduisant au décès dans 15 à 25 % des cas. L’hépatite aiguë E augmente également le risque de fausse-couche, de prématurité et de mortinatalité. Il y a un risque de transmission materno-fœtale pouvant entraîner chez le nouveau-né une hépatite anictérique ou ictérique, une hypoglycémie voire le décès. Ce mauvais pronostic ne s’explique pas uniquement par l’absence de structure de soins ou par le terrain dénutri ou débilité des patientes mais pourrait être propre au VHE. En effet, une étude réalisée à New Dehli chez 220 patientes consécutives enceintes avec une hépatite ictérique virale a montré que : 1) le VHE est la cause dans 60 % des cas, 2) le VHE multiplie par 2,7 le risque d’hépatite fulminante par rapport aux autres virus, 3) le VHE multiplie par 6 le risque de décès.

Des études ont suggéré que l’évolution sévère pouvait être due aux modifications hormonales et immunologiques de la grossesse chez des patientes avec une altération de la réponse immunitaire lymphocytaire, une diminution de l’expression des récepteurs à la progestérone et une charge virale plus élevée en cas d’hépatite fulminante [11]. La virulence de la souche virale VHE1 et le terrain génétique pourraient également jouer un rôle. En effet, les hépatites graves sont fréquentes en cours de grossesse presque exclusivement dans certaines régions comme le Nord de l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh ou la souche virale VHE1 est endémique [12].

L’hépatite fulminante au cours de la grossesse est exceptionnelle dans les pays industrialisés. Seulement trois cas d’infection autochtone par VHE3 chez la femme enceinte ont été publiés en Allemagne et en France [13]. Ces cas étaient d’évolution simple pour la mère et pour le nouveau-né.

Globalement, on peut probablement conclure que seule l’infection par VHE1 dans certaines zones d’endémie est grave chez la femme enceinte et le nouveau-né.

Liens d’intérêts

l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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