Hépato-Gastro & Oncologie Digestive
MENUEssai thérapeutique avec des anticorps dirigés contre les molécules d’adhésion leucocytaire dans la maladie de Crohn Volume 10, numéro 3, Mai 2003
- Page(s) : 231-2
- Année de parution : 2003
Auteur(s) : Thierry Piche
Ghosh S, Goldin E, Gordon FH, Malchow HA, Rask-Madsen J, Rutgeerts P, et al. For the Natalizumab Pan European Study Group. Natalizumab for active Crohn’s disease. N Engl J Med 2003 ; 348 : 24-32Parmi les traitements anti-inflammatoires disponibles dans les
maladies inflammatoires du tube digestif, les inhibiteurs des
molécules d’adhésions (intégrines et ICAM1) font l’objet d’une
attention particulière. Les molécules d’adhésion sont des
glycoprotéines exprimées à la surface des cellules endothéliales et
des leucocytes qui facilitent la migration des leucocytes des
vaisseaux vers des sites enflammés. Les molécules situées au niveau
de l’endothélium comprennent VCAM (vascular cell adhesion
molecule), ICAM (intracellular cell adhesion molecule)
ELAM et E-selectin (endothelial cell adhesion molecule). Les
molécules d’adhésion leucocytaire comprennent LFA 1-3 (leukocyte
function-associated antigens) et VLA4 (very late antigen
4) qui appartient à la famille des α intégrines. LFA1 est un
hétérodimère composé d’une sous-unité α (CD11a, CD11b et CD11c) et
d’une sous-unité β (CD18). Des études menées chez l’homme ont
montré que les malades atteints de MICI présentaient une
augmentation de l’expression d’ELAM et ICAM sur les sites
endothéliaux enflammés et une expression normale du complexe
CD11-CD18. Le natalizumab (antegren, Elan Pharmaceuticals and
Biogen) est un anticorps monoclonal dirigé contre les intégrines α4
et qui a une activité dirigée à la fois contre les dimères α4β1 et
α4β7. L’étude publiée dans le New England Journal Medicine
concerne un essai thérapeutique avec le natalizumab chez des
malades porteurs d’une maladie de Crohn active.
Les intégrines sont des glycoprotéines de la surface cellulaire
qui ont un rôle essentiel dans la migration, l’adhésion et
l’activation de certains immunocytes. Ce sont des récepteurs
hétérodimériques associant la sous-unité α4 à des sous-unités β1 ou
β7. Les complexes α4β1 et α4β7 jouent un rôle dans la migration
endothéliale des leucocytes [1]. En particulier, α4β1 peut se lier
à VCAM1, une molécule d’adhésion endothéliale qui est exprimée à ce
niveau en cas d’inflammation intestinale comme au cours de la
maladie de Crohn. Le complexe α4β7 est impliqué dans le phénomène
de homing des lymphocytes dans l’intestin. Cette intégrine
est aussi exprimée sur les segments digestifs enflammés au cours de
la maladie de Crohn.
Des études précliniques ont montré que l’utilisation d’anticorps
dirigés contre la sous-unité α4 pouvait limiter l’inflammation et
les signes cliniques chez des animaux porteurs de maladies
inflammatoires [2, 3]. Dans deux études pilotes chez l’homme, le
natazilumab a montré son efficacité pour contrôler les symptômes au
cours de la maladie de Crohn ou la RCH [4, 5]. Dans la présente
étude, les auteurs rapportent les résultats d’un essai
thérapeutique en double aveugle qui a évalué l’effet du natalizumab
(N) chez 248 malades porteurs d’une maladie de Crohn en
poussées modérées à sévères. Dans cette étude randomisée, les
malades recevaient un des 4 traitements, 2 perfusions de
placebo (P-P), une perfusion de N à la dose de 3 mg/kg puis le
placebo (N3-P), 2 perfusions de N à la dose de 3 mg/kg
(N3-N3) ou 2 perfusions de N à la dose de 6 mg/kg
(N6-N6). Chaque traitement était administré à 4 semaines
d’intervalle. Les critères de jugement étaient l’indice d’activité
de la maladie de Crohn (score de Best), la qualité de vie des
malades et les concentrations plasmatiques de protéine C réactive.
Le taux de rémission des malades traités par N à 6 semaines
n’était pas significativement différent de celui des malades du
groupe P-P. En revanche, quand l’analyse était effectuée à d’autres
temps, les taux de rémission des malades traités par N (quelle que
soit la dose) étaient toujours plus élevés comparés à ceux traités
par placebo. La réponse au traitement (définie par une diminution
du score de Best d’au moins 70 points) était significativement
plus importante pour les malades traités par N. Le taux de
rémission le plus élevé (44 %) était observé à 6 semaines
dans le groupe N3-N3. Dans ce même groupe, la réponse au traitement
la plus forte était de 71 %. Dans cette étude, les taux de
rémission, la réponse au traitement, la qualité de vie ou les
effets secondaires n’étaient pas influencés par la dose de N
administrée et les effets secondaires observés n’étaient pas
différents entre les quatre groupes.
Dans les limites de cette étude à court terme, l’efficacité de cet
agent qui inhibe l’adhésion des leucocytes par une action sélective
sur les intégrines est à peu près semblable à celle de
l’infliximab. D’autres études devraient permettre de déterminer son
efficacité à long terme et sa place par rapport à l’infliximab au
cours de cette MICI.
Références
1. Springer TA. Traffic signals for lymphocyte recirculation and leukocyte emigration : the multistep paradigm. Cell 1994 ; 76 : 301-14.
2. Podolsky DK, Lobb R, King N, Benjamin CD, Pepinsky B, Sehgal P, et al. Attenuation of colitis in the cotton-top tamarin by anti-alpha 4 integrin monoclonal antibody. J Clin Invest 1993 ; 92 : 372-80.
3. Hesterberg PE, Winsor-Hines D, Briskin MJ, Soler-Ferran D, Merrill C, Mackay CR, et al. Rapid resolution of chronic colitis in the cotton-top tamarin with an antibody to a gut-homing integrin alpha 4 beta 7. Gastroenterology 1996 ; 111 : 1373-80.
4. Gordon FH, Lai CW, Hamilton MI, Allison MC, Srivastava ED, Fouweather MG, et al. A randomized placebo-controlled trial of a humanized monoclonal antibody to alpha4 integrin in active Crohn’s disease. Gastroenterology 2001 ; 121 : 268-74.
5. Gordon FH, Hamilton MI, Donoghue S, Greenlees C, Palmer T, Rowley-Jones D, et al. A pilot study of treatment of active ulcerative colitis with natalizumab, a humanized monoclonal antibody to alpha-4 integrin. Aliment Pharmacol Ther 2002 ; 16 : 699-705.