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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Actualités du TIPS, première partie : vers une meilleure sélection des patients Volume 25, numéro 1, Janvier 2018

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

Tableaux

Introduction

Le TIPS (Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt) correspond à la création d’une anastomose calibrée entre le réseau veineux hépatique et le réseau portal. L’utilisation du TIPS au cours des trente dernières années était limitée par un taux élevé de dysfonction des prothèses et par les complications du shunt chez des patients mal sélectionnés. Depuis le développement des prothèses couvertes en polytétrafluoroéthylène (PTFE), le taux de dysfonction est devenu faible. Alors que le traitement par TIPS permet un contrôle des complications de l’hypertension portale (HTP), l’amélioration en termes de survie était marginale jusqu’à récemment. Aujourd’hui, une meilleure sélection des bons candidats au TIPS permet d’observer une augmentation de la survie chez certains patients. Ainsi, les progrès techniques associés à une meilleure sélection des patients ont conduit à reconsidérer la place du TIPS dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge des complications de l’HTP.

Historique et objectif

Le TIPS est une procédure de radiologie interventionnelle. Il correspond à la création d’une dérivation porto-systémique maintenue perméable par la mise en place d’un stent couvert (figure 1). Il réalise une anastomose entre la veine porte et la veine cave inférieure via une veine hépatique et permet une baisse immédiate de la pression portale. Le concept remonte à 1969 imaginé par J Rösch et al. chez le chien afin de proposer une alternative moins invasive que la chirurgie pour traiter l’HTP [1]. Au début des années 1980, RF Colapinto et al. ont pour la première fois réalisé un TIPS chez l’homme dans le traitement de l’hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes [2]. Mais en l’absence d’implantation de matériel prothétique permettant de pérenniser le néo-trajet, le taux de récidive hémorragique était important. Il a fallu attendre le développement des endoprothèses métalliques pour obtenir une meilleure perméabilité du shunt. Les premières prothèses ont été mises en place chez l’homme à partir du début des années 1990 [3]. Depuis, la standardisation de la technique et l’amélioration du matériel avec notamment le développement de prothèses couvertes dédiées [4] ont permis sa large diffusion avec une amélioration du taux de succès de la procédure et de la perméabilité à long terme du shunt. Le TIPS a depuis maintenant plus de dix ans supplanté la chirurgie de dérivation porto-systémique, plus morbide, et qui ne pouvait être envisagée que chez des patients aux fonctions hépatocellulaires parfaitement conservées.

Le TIPS a supplanté la chirurgie de dérivation porto-systémique, plus morbide

La mise en place d’un TIPS se fait sous anesthésie générale ou sous sédation. La technique de mise en place est résumée sur la figure 2. L’ascite doit être évacuée la veille de l’intervention pour améliorer les conditions ventilatoires, diminuer l’angle entre la veine cave inférieure et les veines hépatiques et améliorer la qualité des images radiographiques. Le gradient de pression porto-systémique est mesuré en fin de procédure (entre la veine porte et la veine cave inférieure). L’objectif hémodynamique est d’obtenir un gradient inférieur à 12 mmHg.Un gradient résiduel inférieur à 5 mmHg serait un facteur de risque d’encéphalopathie hépatique et d’insuffisance hépatocellulaire.

L’objectif hémodynamique est d’obtenir un gradient inférieur à 12 mmHg

Indications

Hémorragie digestive liée à l’hypertension portale

L’hémorragie digestive liée à hypertension portale représente en 2018 une indication de choix de mise en place de TIPS. Cela correspond en pratique à trois situations :

Le TIPS dit « de sauvetage »

L’hémorragie réfractaire correspond à un saignement non contrôlé par l’association du traitement vasoactif, antibiotique et de la ligature endoscopique. Cette situation représente environ 5 % des patients en France [5]. Dans ces conditions et en fonction des constatations endoscopiques, il est recommandé de mettre en place un traitement d’attente par sonde de tamponnement ou une prothèse œsophagienne. La prothèse hémostatique serait une alternative plus sure et efficace que la sonde de tamponnement en l’attente d’un traitement spécifique par TIPS. La mise en place du TIPS dans cette circonstance, permet un contrôle de l’hémorragie dans près de 90 % des cas [6]. En revanche, le taux de mortalité à six semaines reste élevé et la médiane de survie à un an proche de 50 %. La première cause de décès est la défaillance multiviscérale. Même en l’absence d’étude contrôlée, c’est une indication reconnue de mise en place de TIPS en urgence du fait d’un pronostic très sombre et de l’absence d’alternative thérapeutique.

La mise en place du TIPS pour hémorragie réfractaire permet un contrôle de l’hémorragie dans 90 % des cas

Le TIPS préemptif, ou « Early TIPS »

Au cours d’un épisode d’hémorragie digestive par HTP bien contrôlée par les méthodes médicales et endoscopiques, les facteurs de risque de récidive hémorragique précoce sont la sévérité de la maladie, la sévérité de l’épisode hémorragique (présence de signes de choc) et l’existence d’une hémorragie active lors de l’endoscopie chez un malade sous traitement vasoactif. Le concept de « Early TIPS » a été introduit pour la première fois par Monescillo et al. en 2004 [7]. Il consiste en la mise en place d’un TIPS précoce, chez les malades considérés comme à haut risque de récidive hémorragique (gradient de pression hépatique élevé dans cette étude). Il concerne uniquement les patients chez qui le traitement médical et endoscopique est un succès avec l’absence de saignement en fin de procédure (sinon c’est un TIPS de sauvetage). Dans une deuxième étude plus pragmatique, les malades à haut risque de récidive hémorragique étaient définis comme les patients Child-Pugh B avec saignement actif lors de l’endoscopie initiale ou les malades Child-Pugh C 10 à 12 (tableau 1). Ce travail multicentrique prospectif européen comparait le traitement conventionnel (traitement vasoactif associé au traitement endoscopique et à l’antibiothérapie) combiné à la mise en place d’un TIPS, à une stratégie classique avec traitement conventionnel puis relai par bêtabloquant et ligatures jusqu’à éradication. L’absence de récidive hémorragique à un an était de 50 % dans le groupe conventionnel contre 97 % dans le groupe TIPS précoce [8]. La survie à un an était de 61 % dans le groupe conventionnel contre 86 % dans le groupe TIPS précoce. La durée d’hospitalisation des malades du groupe TIPS était significativement réduite. Il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes pour le risque d’encéphalopathie hépatique. Ces résultats ont été confirmés par plusieurs autres cohortes [9, 10] et un registre européen en cours de publication (V Hernandez-Géa et al. AASLD 2016).

Le concept de « Early TIPS » consiste en la mise en place d’un TIPS précoce, chez les malades considérés comme à haut risque de récidive hémorragique

La conférence de Baveno VI recommande la mise en place d’un TIPS préemptif pour chaque patient répondant aux critères tels que définis dans l’étude princeps (Child B avec saignement actif ou Child C10-12) [15]. Dans la cohorte nationale CHOC, près d’un tiers des patients répondaient à ces critères mais seulement 7 % avaient accès au TIPS préemptif [5].

Prévention secondaire de la rupture de varices œsophagiennes

Après un premier épisode d’hémorragie digestive liée à l’HTP, la prévention de la récidive repose sur l’association d’un traitement bêtabloquant non cardiosélectif et de la ligature en cas de VO ou de l’encollage en cas de varices gastriques. En cas de récidive hémorragique malgré une prévention secondaire bien conduite, la mise en place d’un TIPS doit être discutée [11]. Les perspectives actuelles tendent à proposer le TIPS plus précocement en prévention secondaire de la récidive hémorragique. Une méta-analyse a montré une supériorité du TIPS en prophylaxie secondaire comparé au traitement conventionnel en termes de récidive hémorragique mais il n’existait pas de bénéfice en termes de survie [12]. Il est important de noter que le TIPS n’a actuellement aucune place en prévention primaire.

Le TIPS est un traitement de seconde ligne et doit être discuté après échec de la prévention secondaire bien conduite de la récidive hémorragique

Ascite réfractaire

L’ascite réfractaire est définie comme une ascite ne pouvant pas être mobilisée ou dont la récidive précoce (moins de 4 semaines après l’évacuation initiale) ne peut être prévenue par les traitements médicamenteux. L’ascite réfractaire peut être « résistante » aux traitements diurétiques ou « intraitable » en raison de la survenue d’effets indésirables imposant l’arrêt des traitements diurétiques. Le bénéfice de la mise en place d’un TIPS pour la prévention de la récidive de l’ascite est largement démontré. Dans la méta-analyse de F. Salerno et al.[13], la récidive d’ascite tendue survenait chez 42 % des patients traités par TIPS et 89 % des patients traités par paracentèses. En termes de survie, les six essais randomisés montraient jusque-là des résultats discordants. L’étude de D. Lebrec et al. [14] montrait une survie inférieure chez les patients traités par TIPS alors que les essais de M. Rössle et al. [15], P. Gines et al. [16] et A. Sanyal et al. [17] mettaient en évidence une survie similaire entre les deux groupes de patients. Enfin, les deux études de F. Salerno et al. [18] et Y. Narahara et al. [19] trouvaient quant à elles un bénéfice en termes de survie chez les patients traités par TIPS. Ces résultats contradictoires peuvent en partie être expliqués par l’hétérogénéité des critères d’inclusions et d’exclusion au sein de chaque étude. Par ailleurs, il existe une courbe d’apprentissage au cours du temps concernant à la fois la technique et la bonne sélection des patients. L’étude récente de C. Bureau et al. a permis de définir des critères permettant de sélectionner les « bons » candidats au traitement par TIPS. Un taux de bilirubine < 50 μmol/L et de plaquettes > 75 G/L sont associés à une meilleure survie sans transplantation [20]. Récemment, un essai randomisé multicentrique français [21] chez des patients sélectionnés avec ascite récidivante a mis en évidence un bénéfice en termes de survie sans transplantation à un an du TIPS réalisé avec une prothèse couverte. La survie sans transplantation à 1 an était de 92 % dans le groupe TIPS et de 52 % dans le groupe paracentèse. Le nombre de ponctions d’ascite était inférieur dans le groupe TIPS (32 vs. 320). Il y avait plus d’hémorragie digestive liée à l’HTP, de complications herniaires et d’hospitalisations dans le groupe paracentèses. Le taux de survenue d’une encéphalopathie hépatique était similaire dans les deux groupes (35 %).

Le TIPS devient un traitement de première ligne chez des patients avec une ascite tendue récidivante non contrôlée par les diurétiques

Hydrothorax réfractaire

L’hydrothorax est caractérisé par la présence d’un épanchement pleural, en l’absence de pathologie cardiaque ou pulmonaire sous-jacente. Il concerne 5 % des patients cirrhotiques avec ascite réfractaire. Il prédomine à droite dans 85 % des cas. L’intérêt du TIPS dans la prise en charge de l’hydrothorax réfractaire a été suggéré au cours d’une analyse [22] incluant six études non contrôlées avec un total de 198 patients. La réponse au TIPS était complète dans près de 56 % des cas avec une régression totale de l’hydrothorax. La réponse était partielle chez 18 % des patients. Dans 21 % des cas, le TIPS ne permettait aucune amélioration. Cela suggère donc un bénéfice du TIPS chez près de 80 % des patients cirrhotiques atteints d’hydrothorax réfractaire. Il n’existe actuellement aucune étude contrôlée. Les critères de sélection des patients sont superposables à ceux utilisés pour l’ascite réfractaire.

Le TIPS apporte un bénéfice chez 80 % des patients cirrhotiques atteints d’hydrothorax réfractaire

Maladie vasculaire du foie

Thrombose porte chez le patient avec cirrhose

La présence d’une thrombose porte n’est plus une contre-indication à la mise en place d’un TIPS, et pourrait même parfois être une indication. La mise en place d’un TIPS dans un contexte de TVP complique cependant la procédure et doit être réservée à des équipes expertes. Le traitement de première intention repose sur une anticoagulation curative. Cependant, deux études récentes ont remis en question les recommandations actuelles concernant la prise en charge thérapeutique de la thrombose de la veine porte (TVP). Il existe un taux faible de reperméabilisation du tronc porte ainsi qu’un sur-risque hémorragique chez les patients traités par traitement anticoagulant qui comporte donc de nombreuses limites [23]. Dans cette situation, le TIPS pourrait être une alternative à ce traitement. Dans l’analyse de X. Qi et al. [12] incluant 54 articles pour un total de 424 patients traités par un TIPS pour TVP, le taux de succès était de 67 %. La mise en place d’un TIPS chez les patients porteurs d’une TVP pourrait donc être une option intéressante en cas d’échec ou de contre-indication au traitement par anticoagulant en particulier chez des patients avec une complication liée à l’HTP.

La présence d’une thrombose porte n’est plus une contre-indication à la mise en place d’un TIPS, et pourrait même parfois être une indication

Récemment, un essai contrôlé randomisé réalisé chez 73 patients porteurs d’une cirrhose avec TVP non néoplasique et antécédent d’hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes, a comparé un traitement par TIPS au traitement combiné par bêtabloquant et ligature dans la prévention de la récidive hémorragique [24]. Le traitement par TIPS était plus efficace que le traitement combiné avec absence de récidive chez 78 % contre 46 % des patients, respectivement. La prévalence de l’encéphalopathie hépatique et la survie à deux ans étaient similaires dans les deux groupes de patients. Dans l’étude de A. Luca et al. réalisée chez 70 malades, on observait une recanalisation complète du tronc porte chez 57 % des patients traités par TIPS et une amélioration au moins partielle chez plus de 85 % (alors même qu’il n’y avait pas eu d’angioplastie ni d’anticoagulants au cours et après la procédure) [25]. Bien que la difficulté de mise en place du TIPS soit impactée par la présence d’un cavernome, celui-ci ne constitue pas non plus une contre-indication formelle. Cela implique en revanche une évaluation minutieuse du système veineux péri-portal au préalable. Devant la présence d’une large collatéralité veineuse portale, la mise en place du TIPS peut être effectuée en son sein.

La thrombose portale est une complication fréquente des patients porteurs de cirrhose sévère en attente de transplantation hépatique. Maintenir un réseau portal perméable représente un véritable challenge lorsqu’il existe un projet de transplantation hépatique. La présence d’une TVP impacte la faisabilité de l’intervention et augmente significativement le risque de complication et la mortalité post opératoire. La mise en place d’un TIPS pourrait être indiquée chez les candidats à la transplantation hépatique afin de préserver la perméabilité du tronc porte. Dans le travail récent de l’équipe de R. Salem et al., le taux de succès chez les patients sur liste de greffe était de plus de 90 % grâce en particulier à un abord trans-splénique [26].

Syndrome de Budd-Chiari

La prise en charge thérapeutique du syndrome de Budd-Chiari (SBC) repose sur l’introduction précoce d’un traitement anticoagulant afin de prévenir l’extension de la thrombose. En cas d’échec, le rétablissement d’un drainage veineux hépatique à basse pression repose sur la reperméabilisation des voies de drainage obstruées par angioplastie plus ou moins mise en place d’un stent. En cas d’échec, une dérivation porto systémique par TIPS peut être envisagée. Le traitement de dernier recours repose sur la transplantation hépatique. Le TIPS dans le traitement du SBC a fait l’objet de nombreuses publications récentes, et son efficacité est proche de 90 %. Le TIPS peut être mis en place par voie trans-veineuse hépatique ou bien par voie trans-cave. La courbe d’apprentissage dans cette indication est longue car l’abord est techniquement plus complexe et nécessite les compétences d’un centre expert. Une étude multicentrique incluant 124 malades traités par TIPS montre une excellente survie sans transplantation à 1 et 5 ans, de respectivement 88 % et 78 % [27], résultats confirmés par une étude européenne prospective [28]. Le TIPS a donc actuellement toute sa place dans la prise en charge du syndrome de Budd-Chiari aigu ou chronique entre le traitement médical et la greffe.

Hypertension portale non cirrhotique intrahépatique

L’hypertension portale non cirrhotique correspond à un groupe hétérogène de maladies rares, caractérisées par la présence d’une HTP en l’absence de cirrhose. La complexité des nomenclatures a amené récemment le groupe Européen des maladies vasculaires du foie (VALDIG) à réunir ces atteintes sous le nom de « maladie vasculaire porto-sinusoïdale » (MVPS). Ces maladies sont fréquemment trouvées dans le cadre d’hémopathie maligne, d’exposition à des toxiques, immunosuppresseurs (azathioprine) ou chimiothérapies (oxaliplatine), un état pro-thrombotique est également fréquemment associé ou bien encore une infection chronique par le VIH ou une maladie inflammatoire. La prise en charge des complications de l’HTP se fait par analogie à la prise en charge chez les patients porteurs d’une cirrhose en raison du très faible nombre de données dans ce groupe de patients. Récemment, une étude rétrospective multicentrique internationale a inclus 41 patients porteurs d’une HTP non cirrhotique traité par TIPS pour la prise en charge d’une hémorragie digestive non contrôlée ou d’une ascite réfractaire [29]. La mortalité globale était de 27 % lors du suivi à 5 ans et elle était plus importante chez les patients traités pour ascite réfractaire. Les autres facteurs associés à une mortalité élevée étaient un taux de créatininémie > 100 μmol/L et la présence de comorbidités extrahépatiques associées. Les auteurs suggèrent donc que les patients avec HTP non cirrhotique, une fonction rénale conservée et sans comorbidités extrahépatique sont de bons candidats à la mise en place d’un TIPS pour le traitement des complications sévères de l’HTP.

Des données suggèrent que certains patients avec hypertension portale non cirrhotique compliquée seraient de bons candidats à la mise en place d’un TIPS

Prise en charge de l’hypertension portale avant chirurgie

La réalisation d’une chirurgie hépatique (principalement la résection de tumeur primitive) ou extra-hépatique intra-abdominale (chirurgie de paroi, résection digestive dans un contexte carcinologique, chirurgie biliaire…) a une morbi-mortalité augmentée chez les patients porteurs d’une hépatopathie chronique. La présence d’une HTP participe à la morbidité opératoire et constitue même un facteur indépendant de survie au cours de la chirurgie hépatique [30]. Elle expose au risque de complications hémorragique peropératoire et de décompensation post opératoire. Une hypertension portale significative ≥ 10 mmHg est un facteur de risque de complications postopératoire et de mortalité. Le dépistage de l’HTP est indispensable dans le cadre du bilan préopératoire d’un patient porteur d’une cirrhose en vue d’une intervention chirurgicale, même en cas de cirrhose compensée. L’impact pronostique de l’HTP sur la survie à 3 mois et la survenue d’une décompensation hépatique post résection de CHC a été validé dans une étude récente [30]. Des techniques non invasives telles que le FibroScan® ont été évaluées pour le dépistage de l’HTP dans le bilan préopératoire d’une chirurgie abdominale chez les patients porteurs d’une cirrhose avec des résultats prometteurs. Cependant, en l’absence de signes cliniques, endoscopiques ou radiologiques d’HTP, il est recommandé une mesure du gradient porto systémique afin d’écarter une HTP significative avant une prise en charge chirurgicale.

Le concept de « TIPS néoadjuvant » pour décompression portale a été proposé pour la première fois en 1995 avant la réalisation d’une endoscopie interventionnelle à haut risque, puis en 2001 dans le cadre de la réalisation d’une chirurgie abdominale chez sept patients atteints de cirrhose avec HTP [31]. Depuis, plusieurs petites séries de patients ont été publiées, confirmant l’intérêt du TIPS préopératoire. Il n’existe cependant à ce jour qu’une seule étude contrôlée comparant la survie à un an d’un groupe de patients ayant eu une chirurgie abdominale non hépatique après la pose d’un TIPS à un groupe contrôle de patients opérés sans « TIPS néoadjuvant » [32]. Cette étude ne montrait pas de différence significative en termes de complications post-opératoires ni de survie à un an entre les deux groupes. Mais il est important de souligner que les patients des deux groupes n’étaient pas strictement comparables, et que les patients du groupe « TIPS » avaient des fonctions hépatocellulaires plus altérées que les patients du groupe contrôle, rendant ces résultats difficilement interprétables. Un essai contrôlé est nécessaire pour valider le bénéfice du TIPS néoadjuvant dans cette indication.

Plusieurs petites séries publiées suggèrent l’intérêt du TIPS préopératoire

Les données sont donc parcellaires et hétérogènes mais il semble que le TIPS puisse être utile pour préparer une chirurgie abdominale non hépatique (cancer du côlon par exemple) [33]. En revanche sa mise en place avant un geste d’hépatectomie est très controversée et doit relever de la discussion au cas par cas dans un centre expert. Le problème de la chirurgie abdominale de paroi (hernie ou éventration) rejoint plus le problème de l’ascite réfractaire qui compromet le pronostic fonctionnel de la chirurgie et de la cicatrisation). Les meilleurs candidats au TIPS préopératoire pourraient donc être les patients avec fonctions hépatocellulaires conservées avec des complications de l’hypertension portale au premier plan et une chirurgie non hépatique.

Liens d’intérêts

Chloé Billey et Martin Depaire déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article. Christophe Bureau déclare les liens d’intérêts suivants : Gore : intervenant - essais cliniques ; AlfaWasserman Norgine : consultant ; Abbvie Gilead : invitation congrès.

Take home messages

  • La mise en place du TIPS pour hémorragie réfractaire permet un contrôle de l’hémorragie dans 90 % des cas.
  • La conférence de Baveno VI recommande la mise en place d’un TIPS préemptif pour chaque patient Child B avec saignement actif ou Child C10-12.
  • Le TIPS est un traitement de seconde ligne et doit être discuté après échec de la prévention secondaire bien conduite de la récidive hémorragique.
  • Le TIPS devient un traitement de première ligne chez des patients avec une ascite tendue récidivante non contrôlée par les diurétiques.
  • La présence d’une thrombose porte n’est plus une contre-indication à la mise en place d’un TIPS, et pourrait même parfois être une indication.

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