JLE

Hématologie

MENU

Promesses de l’association dasatinib-blinatumomab en traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique avec chromosome Philadelphia Volume 26, numéro 6, Décembre 2020

L’avènement des inhibiteurs de la tyrosine kinase ABL (ITK) a considérablement amélioré le devenir des patients atteints de leucémie aiguë lymphoblastique avec présence d’un chromosome Philadelphia (LAL Ph+) [1]. Le groupe coopérateur italien GIMEMA a notamment développé une stratégie d’induction sans chimiothérapie, associant des corticoïdes et un traitement par ITK, permettant d’obtenir des taux de réponse hématologique complète proches de 95 % [2]. Afin d’optimiser la profondeur de la réponse et de réduire la charge tumorale résiduelle, les auteurs de cette étude ont évalué l’adjonction d’une consolidation par blinatumomab (anticorps monoclonal bispécifique anti-CD3 et anti-CD19) à une stratégie d’induction par corticoïdes et dasatinib chez des patients au diagnostic d’une LAL Ph+[3].

Entre mai 2017 et janvier 2019, 63 patients ont été inclus dans cette étude de phase II. Les patients recevaient sept jours de corticoïdes, suivis d’un traitement oral par dasatinib (140 mg/j, de J8 à J85), puis d’une consolidation par blinatumomab (28 μg/j). L’âge médian de la population était de 54 ans (24-82) et la leucocytose médiane au diagnostic était de 13 000 leucocytes/mm3 (600-88 000). Quarante et un patients présentaient un transcrit de fusion p190, 17 un transcrit p210 et cinq patients présentaient les deux transcrits. Sur le plan moléculaire, la délétion IKZF1 était l’aberration la plus fréquente (54 %), suivie des mutations de CDKN2A/CDKN2B (28 %), de PAX5 (22 %), de RB1 (13 %) et de EBF1 (11 %).

Au terme du traitement d’induction, 98 % des patients (n = 62) étaient en réponse hématologique complète et 29 % (n = 17) en réponse moléculaire complète. Cinquante-six patients ont reçu deux cycles de blinatumomab avec un délai médian d’administration de 10 jours (7-41) au décours de l’induction. Après deux cycles de blinatumomab, 60 % des patients étaient en réponse moléculaire complète (52 % en intention de traiter). Le taux de patients en réponse moléculaire était amélioré par la réalisation de cycles supplémentaires de blinatumomab (70 % à trois cycles et 81 % à quatre). La présence d’un transcrit de fusion p190, d’un transcrit p210 ou d’une délétion IKZF1 n’influençait pas significativement ces résultats.

Avec un suivi médian de 18 mois (1-25), les taux de survie globale (SG) et de survie sans progression (SSP) étaient respectivement de 95 % (95%CI : 80-97) et de 88 % (95 %CI ; 80-97). Les résultats étaient comparables en présence d’un transcrit de fusion p190 ou p210. En revanche, la présence d’une délétion IKZF1 associée à une autre mutation impactait significativement la SG et la SSP, par rapport aux patients sans délétion IKZF1 (82 versus 100 % et 64 versus 100 % respectivement). De manière intéressante, six mutations ABL1, détectées chez des patients en progression moléculaire au terme du traitement d’induction étaient éliminées par le traitement par blinatumomab.

En termes de tolérance clinique, les principaux effets indésirables de grade ≥ 3 étaient des réactivations virales à cytomégalovirus (n = 6), des infections (n = 6) et des neutropénies (n = 4). Vingt-quatre patients ont reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques au décours de la consolidation par blinatumomab : neuf ont développé une maladie du greffon contre l’hôte (GVH) aiguë, un patient une GVH chronique. La mortalité liée à la transplantation était de 4 % (un décès).

En conclusion, cette étude de phase II révèle une efficacité impressionnante pour cette stratégie sans chimiothérapie, en termes de taux de réponse moléculaire complète et de SG, avec un profil de tolérance acceptable chez des patients atteints d’une LAL Ph+ nouvellement diagnostiquée.

Licence Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International