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Méthotrexate et lymphome dans la polyarthrite rhumatoïde Volume 8, numéro 3, Mai - Juin 2002

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  • Année de parution : 2002

Le méthotrexate (MTX) est un des immunosuppresseurs le plus souvent utilisé en Médecine Interne et en Rhumatologie. Il a fait la preuve de son efficacité au cours de la polyarthrite rhumatoïde (PR) où il est maintenant très largement prescrit en première intention à une posologie habituellement comprise entre 7,5 mg et 12,5 mg par semaine. Il est également utilisé au cours d'autres connectivites comme le lupus et les polymyosites, au cours des vascularites nécrosantes, de la maladie de Still de l'adulte ou des sarcoïdoses graves par exemple. Plusieurs études ont suggéré qu'il pourrait favoriser l'émergence de lymphomes.

Afin d'apprécier ce risque, des rhumatologues français ont mené une étude multicentrique prospective pendant une période de 3 ans dans 61 départements de rhumatologie, répartis dans tout l'hexagone. Ils ont colligé tous les cas de lymphomes survenus chez les patients traités par MTX pour une PR et suivis dans ces unités. Durant cette période, 25 cas de lymphomes ont ainsi été diagnostiqués. Il s'agissait de 18 lymphomes non hodgkiniens (LNH), principalement de type B à grandes cellules, avec une localisation extranodale dans la moitié des cas, et de sept maladies de Hodgkin (MDH). L'âge moyen des patients au moment de la survenue du lymphome était de 63 ans et la PR évoluait en moyenne depuis 16 ans. La durée moyenne de traitement par MTX était de 5,2 ans (1,4 à 13 ans) avec une dose cumulative de 2,2 g. Curieusement, un syndrome de Sjögren n'était présent que chez deux malades alors que la survenue d'un lymphome est pourtant une complication « classique » du Sjögren qui complique par ailleurs souvent l'évolution de la PR. Aucun patient n'était infecté par le virus de l'hépatite C ou le VIH. L'EBV recherché par hybridation in situ et par immuno-histochimie n'était présent que chez trois des patients atteints de LNH alors qu'il était trouvé chez cinq des sept malades atteints de MDH.

Après la découverte du lymphome, huit patients n'ont pas reçu de chimiothérapie et seulement surveillés après arrêt du MTX. Cette option thérapeutique a été décevante puisqu'une rémission n'a été observée que dans trois cas, dont deux ont rechuté ultérieurement, ce qui a nécessité l'utilisation d'une chimiothérapie. Le recours à la chimiothérapie paraît donc inéluctable dans la quasi- totalité des cas. Le pronostic a été sévère puisque 11 malades sont décédés (sept dans le groupe LNH et quatre parmi les malades atteints de MDH). Les courbes de survie étaient similaires dans les deux groupes. Le résultat le plus important de cette intéressante étude est qu'au plan épidémiologique, l'incidence des LNH ne paraît pas supérieure à celle observée dans la population générale d'un âge comparable. En revanche, le risque de survenue d'une MDH serait 7,4 fois supérieur à celui de la population générale. Ce dernier chiffre doit cependant être interprété avec la plus grande prudence en raison de la faiblesse de l'effectif.

Cette étude malgré ses limites méthodologiques liées au risque inévitable de « laisser passer » des observations a le très grand mérite de donner pour la première fois des chiffres qui reposent sur une étude longitudinale pendant une période définie et non pas sur un registre national rétrospectif où le risque de sous-déclaration est beaucoup plus élevé. Même si le pronostic des lymphomes survenant dans cette situation apparaît sévère, ces données sont cependant relativement consolantes pour les rhumatologues et les internistes qui prescrivent maintenant largement le MTX au cours de la PR et d'autres maladies systémiques non malignes, dans la mesure où le risque de survenue de lymphome apparaît voisin de celui observé dans la population générale. La prudence reste cependant de mise au cours des autres maladies systémiques que la PR car le MTX est alors souvent prescrit à une posologie supérieure (20 mg hebdomadaire voire 40 mg par exemple en traitement d'attaque des polymyosites les plus sévères). Il aurait d'autre part été intéressant de profiter de cette étude pour apprécier l'incidence de survenue de carcinomes qui sont une autre complication potentielle de l'utilisation au long cours des immunosuppresseurs.

Mariette X, et al. Lymphomas in rheumatoid arthritis patients treated with methotrexate: a 3-year prospective study in France. Blood 2002 ; 99 : 3909-15.