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L’immunothérapie : cellules T à récepteurs antigéniques chimériques, inhibiteurs de check-points et anticorps bispécifique Volume 26, numéro 1, Janvier-Février 2020

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

L’immunothérapie est une approche visant à utiliser le système immunitaire d’un patient, voire à l’améliorer, pour éradiquer ou contrôler l’évolution de sa pathologie. En cancérologie, elle met à profit les propriétés des cellules immunitaires pour éliminer les cellules tumorales. L’un des premiers exemples d’immunothérapie efficace a été la greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques (CSH), même si la mise en évidence de l’effet du greffon contre la tumeur a été tardive, dans le cadre d’un développement initialement largement empirique [1].Cependant, l’immunothérapie allogénique ne s’adresse qu’à un nombre restreint de patients atteints d’hémopathies malignes (HM) ou d’autres pathologies avec une histoire naturelle moins agressive. Son manque de spécificité est associé à un profil de toxicité incompatible avec l’état de santé de certains patients.

Les connaissances acquises sur la régulation immunitaire et les points de contrôle (check-points) de l’immunité antitumorale ont permis de développer une nouvelle génération d’immunothérapies anticancéreuses.

Ces immunothérapies anticancéreuses sont très prometteuses pour de nombreux types de cancers incluant les tumeurs solides et les hémopathies malignes.

Les caractéristiques particulières des hémopathies malignes font qu’elles sont des cibles idéales pour les immunothérapies l’une d’elles étant la proximité de contact entre cellules cancéreuses et cellules immunitaires.

Dans cette revue, nous allons rappeler les principes biologiques et le mécanisme d’action des inhibiteurs de check-points, des anticorps bispécifiques ou encore des cellules T à récepteurs antigéniques chimériques (CAR-T cells). Nous allons également discuter des applications et des résultats des essais cliniques en cours pour ces immunothérapies en cancérologie puis des effets indésirables relatifs à chaque type d’immunothérapie.

Inhibiteurs de check-points

Les inhibiteurs de check-points sont des anticorps monoclonaux humanisés dirigés contre les points de contrôle immunitaires.

L’activation des lymphocytes T (LT) dépend essentiellement de deux signaux distincts :

  • le signal 1 est antigène-dépendant : il est médié par la liaison du récepteur T (TCR) au peptide antigénique présenté par les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) situé sur les cellules présentatrices d’antigène (CPA),
  • le signal 2 est antigène-indépendant : il est médié soit par des cytokines, soit par des molécules de costimulation de la famille B7 présentées par les CPA.

En l’absence de signal 2 de costimulation, les LT restent anergiques : c’est ce qu’on appelle la tolérance immunologique – qui, en conditions physiologiques, permet de prévenir la survenue de maladies auto-immunes ou encore les réactions excessives du système immunitaire.

Les check-points sont des récepteurs cytoplasmiques ayant un rôle coactivateur ou co-inhibiteur dans la modulation et le processus d’activation des cellules immunitaires.

Ils sont exprimés principalement par les LT et se lient aux molécules de costimulation à l’origine du signal 2.

Les cellules tumorales utilisent la voie des check-points pour échapper à la surveillance antitumorale du système immunitaire et proliférer. Elles expriment des molécules de costimulation telles que PDL-1, et ainsi empêchent l’activation des LT.

Les inhibiteurs de check-points permettent de remédier à l’immunosuppression induite par les cellules tumorales.

Plusieurs check-points ont été identifiés et sont actuellement ciblés par des thérapeutiques, notamment (figure 1) :

  • l’axe PD-1 (récepteur)/PDL-1 (ligand) (PD-1 pour programmed death protein 1),
  • l’axe CTLA-4 (pour cytotoxic T lymphocyte associated antigen 4).

CTLA-4

La première génération d’immunothérapies inhibitrices de check-points développée était dirigée contre le CTLA-4 (ou CD152), une molécule appartenant à la superfamille des immunoglobulines. Présente au sein de vésicules intracytoplasmiques des LT au repos, elle est exprimée précocement au niveau de la membrane cytoplasmique des LT suite à une reconnaissance antigénique et se lie avec une forte affinité aux ligands de la famille B7 (CD80 ou CD86). C’est un corécepteur inhibiteur du système immunitaire [2]. Le blocage de cette voie de signalisation par des anticorps monoclonaux permet de restaurer la prolifération de LT activés et de cibler des antigènes cancéreux faiblement immunogènes.

L’ipilimumab est le chef de file des anti-CTLA-4. L’inhibition anti-CTLA-4 a été très étudiée chez les patients atteints de mélanomes métastatiques, chez qui il induit un contrôle immunitaire à long terme, mais beaucoup moins dans les hémopathies malignes [3].

Cette molécule a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) par la Food & Drug Administration (FDA) et l’Agence européenne du médicament (EMA) en 2011 dans le mélanome métastatique suite à deux essais cliniques de phase III. Plusieurs essais cliniques de phase I/II ont testé l’ipilimumab, seul ou en association avec le nivolumab, dans le lymphome B en rechute ou réfractaire. Il a également été testé au cours d’une phase I/Ib chez des patients atteints d’hémopathies malignes en rechute postallogreffe. Le trémélimumab, un autre anticorps monoclonal anti-CTLA-4 humain, est testé en association avec le durvalumab qui cible PDL-1 dans les cancers hématologiques pédiatriques.

PD-1/PDL-1

La deuxième génération d’inhibiteurs de check-points est dirigée contre l’axe PD-1/PDL-1.

Le récepteur PD-1 (ou CD279) est une protéine transmembranaire exprimée par de nombreux types cellulaires dont les LT, les lymphocytes B (LB), les cellules natural killer (NK) et les cellules dendritiques (DC) [2].

PDL-1 (B7H1) ou PDL-2 (B7DC) sont les deux ligands de PD-1. Ils appartiennent à la famille B7 des protéines transmembranaires. La liaison du récepteur PD-1 à ses ligands induit un signal inhibiteur et bloque l’activation des LT. Ce signal médié par l’axe PD-1/PDL-1 intervient plus tardivement dans le processus d’activation des LT et permet d’inhiber la prolifération et la migration cellulaire des LT ainsi que de diminuer leur activité cytotoxique (sécrétion de médiateurs cytotoxiques) au niveau du microenvironnement tumoral. L’utilisation d’inhibiteurs de check-point dirigés contre PD-1/PDL-1 permet de restaurer la réponse immunitaire et d’inhiber la croissance tumorale.

Le nivolumab est un anti-PD-1 indiqué dans le traitement de différentes tumeurs solides. Il a été évalué chez des patients atteints d’hémopathies malignes en rechute ou réfractaire : lymphome non hodgkinien (LNH), myélome multiple (MM) et lymphome de Hodgkin (LH) notamment [3]. Les résultats de phase I et II ont été particulièrement intéressants chez les patients atteints de LH, notamment ceux en rechute postautogreffe et post-traitement par brentuximab avec un taux de réponse proche des 70 %. Il a obtenu une extension d’AMM en 2017 dans cette indication [4]. Les résultats des essais cliniques de phase précoce testant le nivolumab et le pembrolizumab en monothérapie chez les patients atteints de MM ont été décevants. Ils peuvent être en partie expliqués par la faible capacité d’infiltration des effecteurs cellulaires. Plus récemment, les essais testant ces thérapeutiques en association avec des immunomodulateurs ont été interrompus par la FDA du fait d’un rapport bénéfice/risque défavorable [5].

Le pembrolizumab, un autre anti-PD-1 indiqué dans différentes tumeurs solides a également été évalué dans le LH avec des taux de réponse d’environ 65 %.

D’autres études évaluent actuellement différentes combinaisons avec le pembrolizumab.

Enfin, le pidilizumab est actuellement évalué en phase II chez des patients atteints de lymphome B Diffus à grandes cellules (LDGCB) en rechute postautogreffe. Les anti-PDL-1 atézolizumab, durvalumab et avélumab ont essentiellement été évalués pour les tumeurs solides. Ils sont actuellement évalués seuls ou en association dans différents types de lymphomes [6]. Globalement, ils permettent l’obtention de réponses durables et améliorent l’espérance de vie des patients atteints de très nombreux types tumoraux dont les hémopathies malignes.

Toxicité des inhibiteurs de check-points

Ces thérapeutiques permettent d’obtenir des résultats encourageants. Cependant, elles sont souvent accompagnées d’un état de fatigue intense, de troubles gastro-intestinaux et plus rarement d’effets indésirables inflammatoires et immunologiques possiblement graves et imprévisibles. Cela se traduit par des dysfonctionnements endocriniens (dysthyroïdie, diabète), des maladies auto-immunes, des atteintes cutanées (ipilimumab notamment) ou encore des toxicités cardiaques (pour les anti-PD-1) [7].

Perspectives

D’autres check-points ont été identifiés et pourraient constituer des cibles pour les thérapeutiques de demain :

  • corécepteurs inhibiteurs : lymphocyte activation gene-3 (LAG-3) et T-cell immunoglobulin and mucin domain-containing protein-3 (TIM-3) [2]
  • corécepteurs activateurs : OX40 ou encore GITR (pour glucocorticoid-induced tumour necrosis factor receptor).

Innate Pharma a développé un inhibiteur de check-point, le monalizumab, testé actuellement, seul ou en association, dans différentes indications en oncologie. C’est un anticorps humanisé dirigé contre le NKG2A, un récepteur inhibiteur reconnaissant les molécules HLA-E (pour humain leukocyte antigen E) exprimées par les lymphocytes mais également par des cellules malignes ou infectées par des virus. HLA-E est fréquemment surexprimé par les cellules tumorales dans les tumeurs solides ou hémopathies malignes et leur permet de se protéger du système immunitaire. Le blocage de ce récepteur par le monalizumab restaure la capacité de reconnaissance et de destruction des cellules anormales médiée par les cellules du système immunitaire, notamment les LT et cellules NK [8].

D’autres stratégies sont également en développement pour cibler spécifiquement des molécules de surface de cellules immunitaires comme les NK ou les macrophages. Innate Pharma développe par exemple le lirilumab (IPH2102/BMS-986015), un anticorps monoclonal humain qui permet de bloquer l’interaction entre des récepteurs inhibiteurs de la famille KIR (pour killer cell Ig-like receptor) et leurs ligands.

Il favorise ainsi l’activation des cellules NK et autres sous-catégories de cellules lymphocytaires et la destruction des cellules malignes.

Anticorps bispécifiques

Rappels : la structure des anticorps

Pour rappel, les anticorps sont des glycoprotéines dirigées contre des antigènes spécifiques.

Ils se composent de quatre chaines polypeptidiques (figure 2) : deux copies identiques de chaînes lourdes (CH) et deux copies identiques de chaînes légères (CL). Les régions variables (en rouge) correspondent au site de reconnaissance de l’antigène.

 

Il existe cinq isotypes d’anticorps selon les caractéristiques structurales de leur chaîne lourde et leur nombre de sous unités: IgG, IgM, IgA, IgE et IgD. Il existe également plusieurs sous-types d’IgG (1 à 4). Chaque isotype se distingue par ses propriétés biologiques et son lieu de production, qui lui confèrent des propriétés particulières et un usage thérapeutique.

Les anticorps bispécifiques ont, comme leur nom l’indique, la capacité de se lier à deux cibles à la fois et permettent de mettre en contact deux cellules. Cette technologie tire parti du potentiel cytotoxique des LT du patient envers les cellules tumorales indépendamment de l’interaction TCR/CMH.

Ils sont construits à partir des parties variables VH et VL d’un anticorps (deux scFv) reliés par un linker leur conférant une bonne flexibilité (figure 3).

Le scFv N-terminal reconnaît l’antigène exprimé à la surface des cellules tumorales (reconnaissance non restreinte par le CMH), alors que le scFv C-terminal se lie à CD3 ζ. Cela crée une synapse immunologique entre la cellule tumorale et le LT effecteur qui lui permet de s’activer, de proliférer et de sécréter des perforines et des granzymes, induisant ainsi l’apoptose des cellules cancéreuses [9].

C’est une classe thérapeutique qui ne cesse de croître avec plus de 50 spécialités actuellement en développement.

Le blinatumomab est le chef de file des anticorps bispécifiques ; il est dirigé contre les marqueurs CD3 et CD19, ce dernier étant spécifique des LB. Il est indiqué dans la leucémie aiguë lymphoïde B (LAL-B) négatives pour le chromosome Philadelphie (Ph-) de l’adulte ainsi qu’en pédiatrie dans cette même indication.

En dehors de la LAL, les anticorps bispécifiques se sont révélés efficaces dans plusieurs autres hémopathies malignes et sont en cours d’évaluation :

  • AMG330 ciblant CD3/CD33 dans la leucémie aiguë myéloïde (LAM) : étude de phase I [10],
  • plusieurs antigènes sont actuellement testés dans le MM dont BCMA (pour B cell maturation antigen) [11].

Toxicité des anticorps bispécifiques

Les effets indésirables les plus communément rencontrés par les patients sont, pour le versant hématologique, une neutropénie et une thrombocytopénie, mais également un syndrome de relargage cytokinique (CRS) dû à la libération de cytokines pro-inflammatoires – l’inteleukine [IL] 6, l’IL-2 et l’interféron γ (INFγ) principalement – par les LT activés. Le CRS se manifeste par une fièvre, des frissons et une hypotension plus ou moins importante qui peut ensuite évoluer vers une défaillance d’organes et une détresse respiratoire.

Plus rarement, des effets indésirables neurologiques (ICANS, pour immune effector cells-associated neurologic syndrome) généralement réversibles peuvent également survenir (crises d’épilepsie, œdème cérébral, etc.). Il est indiqué de traiter ces patients avec de la dexaméthasone pour prévenir les complications [9].

Cellules T à récepteurs antigéniques chimériques

Les CAR-T cells sont des « cellules-médicament » : d’un point de vue réglementaire, ce sont des médicaments de thérapie génique. Ils constituent une véritable innovation de rupture qui offre un nouveau mode de prise en charge des patients atteints d’hémopathies malignes.

Ce sont des LT humains modifiés génétiquement pour exprimer à leur surface un récepteur chimérique dirigé spécifiquement contre un antigène tumoral. Cette technologie permet de renforcer les fonctions effectrices des LT, et de s’affranchir de la restriction par le CMH.

Construction

Les récepteurs CAR sont constitués de plusieurs modules, dont la combinatoire a conduit à distinguer des CAR :

  • de première génération : sans domaine de costimulation,
  • de deuxième génération : un seul domaine de costimulation (c’est le cas des deux CAR-T cells aujourd’hui autorisés et commercialisés),
  • de troisième génération : plusieurs domaines de costimulation.

Les CAR de quatrième génération correspondent à des constructions plus complexes où le CAR est associé à une autre séquence génétique dont le produit est censé stimuler l’activité des CAR-T cells et des cellules immunitaires endogènes du site tumoral [12] :

  • la partie extracellulaire est construite à partir des domaines variables d’un anticorps (VH et VL) reliés entre eux par un linker, leur conférant ainsi une certaine flexibilité,
  • le domaine transmembranaire assure l’ancrage,
  • le domaine intracellulaire joue un rôle de signalisation. Il se compose d’un ou deux domaines de costimulation selon les générations de CAR-T cells associés au domaine intracellulaire de signalisation de la chaîne CD3 ζ du TCR (figure 4).

Obtention des cellules T à récepteurs antigéniques chimériques

Les cellules mononucléées sanguines périphériques du patient sont prélevées par cytaphérèse. Les LT sont sélectionnés puis transduits à l’aide d’un vecteur viral défectif (un rétrovirus ou un lentivirus) contenant la séquence spécifique codant le récepteur antigénique chimérique ; des techniques de transduction non virale sont en cours d’évaluation, de même que les techniques d’édition de gène, qui offrent l’avantage de pouvoir insérer le CAR au locus du TCR, mais n’ont pas atteint le stade de la commercialisation.

Les LT génétiquement modifiés sont ensuite activés par des anticorps anti-CD3 et anti-CD28, ainsi que grâce à de l’IL-2, puis mis en culture pendant plusieurs jours dans un bioréacteur jusqu’à obtention de doses satisfaisantes pour être réinjectées au patient.

Lorsque le CAR-T cell entre en contact avec sa cible, il s’active, prolifère et sécrète de nombreuses cytokines. Cela aboutit à la destruction des cellules cibles et à une lymphopénie B. L’hypogammaglobulinémie et l’éventuelle aplasie B peuvent être compensées par l’administration d’immunoglobulines si nécessaire (figure 4).

Essais cliniques et cellules T à récepteurs antigéniques chimériques commerciaux

Deux spécialités autologues ciblant l’antigène CD19 ont obtenu une AMM en 2017 aux États-Unis et en 2018 en Europe suite à des essais cliniques internationaux.

KTE-C19(axicabtagène ciloleucel)

Développé par Kite Gilead, le KTE-C19 a été évalué lors d’une étude multicentrique de phase I/II, ZUMA-1 (NCT02348216) chez des patients atteints de LDGCB en rechute ou réfractaires : 82 % des 111 patients traités ont atteint les objectifs de taux de réponse attendus avec 54 % de réponse complète ; 40 % des patients étaient toujours en réponse complète après 15 mois de suivi [13, 14].

Parmi ces patients, 13 % ont développé des CRS de grade III/IV et deux patients sont décédés des suites d’un CRS ; 28 % des patients ont développé une neurotoxicité. Cette étude a abouti à la commercialisation du Yescarta® dans le LDGCB en rechute ou réfractaire de l’adulte.

CTL019 (tisagenlecleucel)

Développé par Novartis, le CTL019 a été évalué lors de deux essais cliniques :

  • ELIANA (NCT02435849), étude de phase II simple bras multicentrique s’adressant aux enfants et adultes jeunes jusqu’à 21 ans, atteints de LAL en rechute ou réfractaire. Soicante-quinze patients sur 92, initialement inclus ont reçu les CAR-T cells. Quatre-vingt-un pour cent des patients étaient en réponse complète à 12 mois ; 46 % ont présenté un CRS de grade III/IV dont un patient décédé des suites d’un CRS. Quarante pour cent des patients ont développé une neurotoxicité [15],
  • JULIET (NCT02445248), étude d’extension de phase II multicentrique s’adressait aux adultes atteints de LDGCB en rechute ou réfractaire. Cinquante-trois pour cent des 99 patients inclus dans le protocole ont atteint les objectifs de taux de réponse attendus avec 40 % de réponse complète à six mois postinjection [16].

Ces études ont abouti à la commercialisation du Kymriah® dans le LDGCB en rechute ou réfractaire de l’adulte et dans la LAL en rechute ou réfractaire de l’enfant et de l’adulte jeune jusqu’à 25 ans inclus.

Toxicité des cellules T à récepteurs antigéniques chimériques

Les résultats obtenus jusqu’alors sont encourageants malgré des toxicités importantes qui nécessitent l’intervention d’équipes formées et pluridisciplinaires. Le CRS est fréquemment rencontré chez ces patients et survient généralement durant la première semaine suivant la perfusion des cellules. Les manifestations cliniques peuvent aller de la simple fièvre (CRS grade I), jusqu’à la mise en jeu du pronostic vital avec hypovolémie et dysfonctions d’organes (CRS grade IV) [17].

L’immunomonitoring des patients développant un CRS a permis de détecter des concentrations très élevées de certaines cytokines circulantes notamment l’IL-6. Le tocilizumab, un anti-IL-6-R initialement indiqué dans la polyarthrite rhumatoïde a reçu une extension d’utilisation pour la prise en charge des CRS chez les patients traités par CAR-T cells.

Par ailleurs, les patients peuvent également présenter des effets indésirables neurologiques ICANS généralement réversibles (désorientation, crises d’épilepsie, œdème cérébral, encéphalopathies, etc.), du fait de l’inflammation de la barrière hémato-encéphalique et du probable passage de LT. Il est indiqué de traiter les patients avec de la dexaméthasone pour prévenir les complications.

Perspectives

Les nouvelles générations de CAR-T cells sont déjà à l’étude avec une optimisation de leur construction améliorant ainsi leur activité thérapeutique. Les CAR-T cells de troisième ou de quatrième génération possèdent à présent deux molécules de costimulation. L’engouement général autour de ces thérapeutiques a pour conséquence une évolution très rapide des cibles thérapeutiques et un élargissement à de nouvelles indications (tumeurs solides, maladies auto-immunes).

Des équipes de recherche travaillent également au développement de CAR-T cells allogéniques. Cela permettrait une production sans doute mieux standardisée sous forme de petits lots, et d’assurer la disponibilité de ces cellules à tout moment pour tout patient (off the shelf) et de s’affranchir des contraintes dues aux délais de production, d’environ un mois actuellement.

Parmi les spécialités en développement, deux CAR-T cell anti-BCMA sont actuellement évalués lors d’études de phase I/II dans le MM chez des patients en rechute ou réfractaires. bb2121 (étude KarMMa, NCT03361748) de chez Celgène/BMS [18] et LCAR-B38M-02 (étude LEGEND-2, NCT03090659) de chez Janssen & Janssen [19] et présentent des résultats préliminaires encourageants. JCAR17 (Lisocabtagene Maraleucel), un autre CAR-T cell de chez Celgène/BMS, s’adresse aux patients atteints de LDGCB. C’est un CAR-T de deuxième génération ciblant le CD19, produit à partir de deux sous-ensembles cellulaires : les LTCD4+ et les CD8+, séparément, à un ratio 1:1. Il est actuellement évalué au cours d’une étude de phase II en Europe et au Japon suite aux résultats très encourageants de l’étude de phase I menée aux États-Unis (TRANSCEND NHL001, NCT03483103). [17]

Conclusion

L’immunothérapie constitue une véritable révolution dans la prise en charge des pathologies cancéreuses. Les nouvelles thérapeutiques (anticorps monoclonaux, anticorps bispécifiques, CAR-T cells et autres stratégies) sont autant de nouveaux outils en évaluation ou déjà disponibles qui complètent l’arsenal thérapeutique en cancérologie et permettent de tendre vers une médecine de précision, plus personnalisée. Elles permettent de proposer un traitement adapté à un patient donné selon les caractéristiques de sa tumeur.

L’immunomonitoring biologique, via des biomarqueurs prédictifs du taux de réponse aux traitements, constitue un des axes majeurs de la recherche actuelle. Ainsi, ces thérapeutiques pourraient être proposées aux patients ayant le plus de chance d’être répondeurs et permettrait également de mieux comprendre les mécanismes de résistance.

L’évaluation en vie réelle apparaît nécessaire afin de mieux appréhender ces thérapeutiques innovantes et d’affiner nos connaissances notamment en matière d’effets indésirables dans des conditions moins drastiques que celles des essais cliniques. Les patients traités par CAR-T cells, notamment, font l’objet d’un suivi à long terme et les données cliniques relatives aux patients traités par des spécialités commerciales doivent être reportées sur des registres.

Par ailleurs, l’arrivée des immunothérapies et autres thérapeutiques innovantes sur le marché représente un réel défi pour notre système de santé en ce qui concerne leur financement. Un consensus commun entre les organismes régulateurs et les industriels dans le mécanisme d’évaluation et de fixation des prix doit être trouvé pour ces traitements actuellement extrêmement coûteux.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article.

L’auteur et la rédaction remercient le Pr Chabannon d’avoir encadré la rédaction de cet article.

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