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Hématologie

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Inhibiteur de check-point : gare à l’anémie hémolytique auto-immune ! Volume 25, numéro 2, Mars-Avril 2019

Les inhibiteurs de check-point sont une nouvelle classe de traitements utilisés en cancérologie. Initialement introduits pour le traitement des cancers solides (mélanome, cancer du poumon, etc.), leurs indications en hématologie ne cessent de s’élargir. Ainsi, les anticorps monoclonaux inhibiteurs de check-point comme le nivolumab et le pembrolizumab (des anti-PD-1, pour programmed cell death protein) montrent des résultats très encourageant concernant les lymphomes de Hodgkin [1, 2]. Ils ont également été testés, avec plus ou moins de succès, ou sont en cours d’évaluation dans de nombreuses autres pathologies lymphoïdes, comme les lymphomes non hodgkiniens ou le myélome multiple [3], mais aussi dans les pathologies myéloïdes. Leur action, de façon très simplifiée, consiste à moduler la réponse immunitaire en restaurant et en potentialisant l’action des lymphocytes T pour lutter contre les cellules tumorales. Toutefois, les lymphocytes activés n’ayant pas une action spécifique il peut en résulter des manifestations auto-immunes, qui constituent les principaux effets indésirables de ce type de thérapeutiques. Parmi celles-ci, l’anémie hémolytique auto-immune (AHAI), bien que rare, peut s’avérer très contraignante pour le patient (fatigue, transfusions, etc.) et difficile à gérer pour le praticien. L’utilisation de plus en plus fréquente de ces molécules nécessite donc une meilleure connaissance de cet effet indésirable, relativement peu décrit auparavant dans la littérature. C’est pourquoi Leaf et al. [4] ont décidé de s’intéresser aux caractéristiques cliniques et biologiques ainsi qu’aux traitements des patients présentant une AHAI sous traitement par inhibiteur de check-point.

L’étude présentée ici est une étude rétrospective observationnelle multicentrique ayant permis de recruter quatorze patients à travers neuf centres aux États-Unis. Il s’agit à ce jour de la plus grande cohorte de patients présentant une AHAI sous inhibiteur de check-point. L’âge médian des patients était de 65 ans, avec 50 % d’hommes. La pathologie la plus fréquemment traitée était le mélanome (n = 9). Les traitements utilisés étaient le pembrolizumab (n = 6), l’ipilimumab en association avec le nivolumab (n = 4) ou seul (n = 1) et le nivolumab seul (n = 3).

Le délai médian d’apparition d’une AHAI après initiation du traitement était de cinquante-cinq jours (9-377), alors que le taux d’hémoglobine médian avant traitement et le nadir étaient de respectivement 11,8 g/dL (10,2-12,9) et 6,3 g/dL (6,1-8,0). Il faut noter que seuls huit (62 %) patients avaient un test de Coombs direct positif. Quatre patients (29 %) étaient porteurs d’un syndrome lymphoprolifératif préexistant, parmi lesquels deux avaient un test de Coombs direct positif avant l’initiation du traitement par inhibiteur de check-point. Par ailleurs, le traitement a été arrêté ou suspendu pour onze patients (79 %) et tous ont été traités par glucocorticoïdes. Trois patients ont nécessité un traitement de deuxième ligne tel que le rituximab ou des immunoglobulines polyvalentes intraveineuses. Une réponse complète, selon les critères définis par les auteurs, a pu être observée chez douze patients (86 %) et une réponse partielle chez deux (14 %). Enfin, sept patients ont soit continué le traitement, soit ont été exposé à un inhibiteur de check-point différent ; seul un d’entre eux a présenté une récidive d’AHAI.

Les auteurs ont par ailleurs identifié dix-sept cas d’AHAI sous inhibiteurs de check-point publiés dans la littérature. Parmi eux, quatorze (82 %) avaient un test de Coombs positif. Tous ont été traités par corticoïdes, quinze (88 %) ont répondu ; deux patients ont eu recours à d’autres immunosuppresseurs comme le rituximab et des immunoglobulines polyvalentes. Cinq d’entre eux ont reçu à nouveau un inhibiteur de check-point et un seul parmi eux a rechuté de l’AHAI.

Malgré une fréquence qui reste aujourd’hui encore peu élevée, l’AHAI au cours des traitements par inhibiteurs de check-point, dont l’utilisation en hématologie évolue constamment, doit conduire les cliniciens à être vigilants tant sur le plan diagnostique que de la prise en charge. L’utilisation de scores diagnostiques objectifs doit être mise en place, le test de Coombs n’étant pas des plus informatifs, et une définition précise des critères de réponse doit être établie. Actuellement, il est recommandé d’arrêter le traitement de façon permanente [5], ce qui constitue une perte de chance chez des patients déjà multitraités et souvent en situation d’impasse thérapeutique. Il apparaît dans cette étude, sur peu de patients, que le traitement avait pu être repris sans risque. Il faudra également définir des prises en charge de deuxième voire de troisième ligne chez le patient non répondeur aux corticoïdes. De nouvelles données seront nécessaires, sur des cohortes plus importantes, afin d’élucider les mécanismes de l’AHAI chez ces patients et pour améliorer sa prise en charge afin de garantir aux patients la meilleure prise en charge de leur pathologie maligne.

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