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Impact du caryotype et des mutations sur la survie des leucémies aiguës myéloblastiques des patients âgés traités par 5-azacytidine ou traitement conventionnel Volume 25, numéro 1, Janvier-Février 2019

Les nouvelles recommandations de l’European Leukemia Net (ELN) indiquent la recherche systématique de mutations au diagnostic des leucémies aiguës myéloblastiques (LAM) afin d’affiner leur pronostic [1].

Les auteurs ont repris les patients de l’étude randomisée multicentrique internationale, AZA-AML-001, ayant eu des analyses génétiques et cytogénétiques pour évaluer l’impact du traitement par 5-azacytidine (AZA) versus un traitement conventionnel dans différents sous-groupes pronostiques [2, 3].

Les patients âgés de 65 ans ou plus avec plus de 30 % de blastes, moins de 15 G/L de GB et un score ECOG ≤ 2 étaient éligibles. Les patients étaient présélectionnés pour un traitement intensif « 3 + 7 » (cytarabine 100-200 mg/m2 par jour 7 j, et anthracycline 3 j), un traitement par faible dose d’aracytine (10 jours par mois) ou le meilleur soin de support. Après la présélection, les patients étaient randomisés 1:1 pour recevoir de l’AZA 7 jours tous les 28 jours (75 mg/m2 par jour en SC) versus des soins de supports adaptés.

Le caryotype était réalisé localement et revu de façon centralisée par le Pr Hagemeijer. Les sous-groupes ELN ont été ainsi définis : caryotype favorable (CBF) aucun patient inclus dans l’étude, groupe défavorable défini par les anomalies 3q, la t(6;9) les anomalies 11q MLL sauf la t(9;11), anomalies -5/5q-, -7 ou anomalies 17p et caryotypes complexes avec au moins trois anomalies (n = 154, soit 31,8 %), risque intermédiaire I (caryotype normal ; n = 220, soit 45 %), intermédiaire II (anomalies autres ; n = 111, soit 23 %), des catégories supplémentaires d’intérêt ont été définies (trisomie 8 ; n = 28 ; caryotype monosomal ; n = 101, soit 20,8 % ; -7/7q- ; n = 73, soit 15 % ou 7q- ; n = 21, soit 4 %).

L’essai AZA-AML-001 a inclus 488 patients (241 bras AZA ; 247 bras conventionnel) et 485 analyses cytogénétiques ont été revues. Quarante-quatre patients ont reçu un traitement intensif, 158 des doses faibles d’aracytine, 45 des soins de suite et 240 ont reçu de l’AZA. Un antécédent de syndrome myélodysplasique était plus fréquent dans le groupe AZA (23 % versus 14 %).

La cohorte « biomarqueurs » était composée de 156 patients ayant des analyses génétiques à l’entrée dans l’étude (83 du groupe AZA ; 73 du groupe conventionnel). Un panel de 39 gènes a été étudié en NGS avec une profondeur de 200 pb, seuil de détection des mutations 3 % de fréquence allélique (VAF). Les duplications en tandem de FLT3 ont été recherchées par amplifications des exons 14 et 15 en PCR puis analyse de taille de fragments.

La médiane de survie était comparable dans le groupe AZA versus traitement conventionnel pour les patients à risque cytogénétique intermédiaire I (14,1 mois versus 10,1 mois avec un HR = 0,83 et p = 0,44), la survie globale est estimée à 60 % dans le groupe AZA et 45 % dans le groupe conventionnel. Pour le groupe de risque cytogénétique intermédiaire II, la survie globale est comparable (8,9 mois versus 9,6 mois ; HR : 1,19 ; p = 0,78). Cependant, une meilleure survie globale est observée dans le groupe de cytogénétique défavorable en faveur de l’AZA (5,3 mois versus 2,9 mois ; HR : 0,71 ; p = 0,04) avec une survie estimée de 29 % à un an versus 14,7 %.

Dans le groupe avec caryotype complexe, ceux traités par AZA ont une survie globale de 4,8 mois contre 2,8 mois pour ceux traités de façon conventionnelle (HR : 0,64 ; p = 0,037) avec 22 % de survie à un an contre7,9 %. Dans les sous-groupes de caryotype monosomal, la médiane de survie est de moins de 3 mois pour les patients traités en conventionnel et de 5 mois avec l’AZA.

Des anomalies moléculaires ont été trouvées dans 33 des 39 gènes étudiés et chez 153 des 156 patients testés, les mutations les plus fréquentes étaient dans les gènes DNMT3A (27 %), TET2 (25 %), TP53 (21 %), RUNX1 (18 %), NPM1 (16 %), IDH1 (15 %), IDH2 (8 %), NRAS (12 %), FLT3 (ITD 10 %-TKD 5 %), ASXL1 (11 %), STAG2 (10 %). La moitié des patients avec mutations de FLT3 ont une mutation NPM1, seulement trois patients ont des mutations de CEBPa et toutes sont monoalléliques. La médiane de survie ne diffère pas pour les patients avec un, deux ou trois mutations et plus dans les deux groupes de traitement. Les patients traités de façon conventionnelle avec mutations de TP53 ont une survie diminuée par rapport à ceux non mutés (2,4 mois versus 12,5 mois) de même que ceux mutés pour NRAS (4,3 mois versus 10,3 mois). La survie globale n’est pas différente dans le groupe traité par AZA entre les patients mutés ou non pour TP53 (7,2 mois versus 12 mois) ni pour NRAS (11,8 mois versus 8,9 mois). En revanche, la survie globale est moins bonne pour les patients FLT3 mutés recevant l’AZA (5,4 mois versus 12 mois pour les non-mutés). Malgré des médianes de survie similaires dans les deux groupes, les mutations de TET2 influencent significativement la survie globale des patients traités par AZA. Cependant, les patients mutés TET2 ne bénéficient pas de traitement par l’AZA par rapport au traitement conventionnel (9,6 mois versus 11 mois).

Il n’y a pas de différence de médiane de survie entre les deux types de traitement pour les mutations qui influence la méthylation (DNMT3A, IDH1/2, TET1 ou TET2).

La survie globale est influencée par la fréquence allélique de TP53 pour les deux types de traitement. La fréquence allélique de TET2 n’influence négativement que le bras AZA.

Finalement, les résultats de cette étude montrent un avantage de l’AZA vis-à-vis du traitement standard pour les patients les plus graves (caryotypes défavorables, mutations de TP53 ou NRAS). Au contraire, les patients avec mutations de FLT3 ou de TET2 ne bénéficient pas d’un traitement par l’AZA dans cette étude et devraient plutôt recevoir un traitement conventionnel.

Les autres mutations n’ont pas d’effet statistiquement significatif dans cette étude et nécessitent des études complémentaires dans de plus grandes cohortes de patients.

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