JLE

Environnement, Risques & Santé

MENU

Perturbateurs endocriniens et preuves épidémiologiques en santé au travail : nécessité et défis méthodologiques Volume 16, numéro 5, Septembre-Octobre 2017

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4
Auteur
Institut national de recherche et sécurité
Département épidémiologie en entreprise
1, rue du Morvan
CS 60027
54519 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex
France
* Tirés à part

Concernant les perturbateurs endocriniens (PE), si les études expérimentales animales sont conséquentes avec en conclusion des effets biologiques et nocifs sur les organismes vivants solidement argumentés, il en est tout autrement pour les études épidémiologiques, notamment en santé au travail. Globalement le niveau de preuve de ces études est plutôt faible pour établir une relation de cause à effet. Si par nature les études épidémiologiques observationnelles sont porteuses de limites méthodologiques, celles sur les PE présentent des complications spécifiques. Il est proposé dans cette présentation de rapporter les préoccupations clés rencontrées dans la mise en place d’études épidémiologiques sur les PE notamment en milieu de travail.

Des interrogations existent quant à la survenue d’effets des PE pour des faibles concentrations d’exposition voire très faibles concentrations. Quantifier ces faibles doses et pouvoir montrer des différences d’effets entre groupes exposés et non exposés est un premier défi méthodologique. Trouver des groupes témoins pertinents en est un autre, du fait de l’existence d’un bruit de fond d’exposition aux PE en population générale. Expérimentalement, il apparaît que les très faibles effets non repérables de certains PE peuvent se combiner (effets additifs ou synergiques), et si ceux-ci sont présents en nombre suffisant, avoir un effet propre repérable. Ainsi, la possibilité d’effets combinés de PE peut augmenter le niveau de risque dans le groupe témoin et diminuer encore la possibilité de mettre en évidence un effet. De ce constat, une autre conséquence est à attendre. Les études épidémiologiques se focalisent en général sur la recherche d’effet propre molécule par molécule. En phase avec les résultats expérimentaux, certaines études épidémiologiques ne rapportent pas d’association pour des PE testés individuellement mais rapportent des associations positives pour des combinaisons de PE. Si ces résultats ne permettent pas de conclusions définitives, les outils d’investigation pour des expositions à des mélanges de substances (mixture) doivent être développés. Prendre en compte l’existence de courbes dose-réponse non monotones est un autre défi de taille. Elles peuvent expliquer des résultats paradoxaux comme des effets plus forts à faibles doses qu’à fortes doses et des résultats divergents entre études épidémiologiques. Autre particularité partagée pour un certain nombre de PE : des effets différents suivant le moment de l’exposition. Sur le plan méthodologique et concernant l’impact sur un organisme en développement (fœtus), pouvoir mesurer les niveaux d’exposition durant des fenêtres de temps relativement précises se présente comme un enjeu fort pour démontrer un lien entre PE et événement de santé.

Ces difficultés spécifiques expliquent sans doute le faible nombre d’études épidémiologiques en santé au travail sur les PE. Au regard de la complexité des mécanismes de régulation de l’organisme humain et des différences inter-espèces, les modèles animaux peuvent ne pas être pertinents. Il existe particulièrement pour l’étude des PE une difficulté d’extrapoler à l’homme les données animales. Pour évaluer l’importance de ce facteur de risque émergent en termes d’impact sur la santé humaine, le développement d’études épidémiologiques est une nécessité et tout particulièrement en milieu professionnel.