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Environnement, Risques & Santé

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La fiction de la responsabilisation des individus au cœur des décisions en « santé-environnement » : une analyse sociologique Volume 10, numéro 3, Mai-Juin 2011

Auteur
Université de Provence Laboratoire Population Environnement Développement UMR 151 - Université de Provence/IRD Centre Saint Charles Case 10 3, place Victor Hugo 13331 Marseille cedex 3 France

Les problématiques de « santé-environnement » qui se développent de façon accélérée depuis une dizaine d’années se caractérisent par leur transversalité, leur complexité et une certaine résistance à la maîtrise scientifique qualifiée d’incertitude. Face à cette situation, la prise de décision politique paraît particulièrement délicate et cible des populations dites « vulnérables » à travers des campagnes d’informations ou encore des programmes d’éducation à la santé, à l’environnement, au bâtiment, etc. L’objectif de notre présentation est d’éclairer les implicites de cette forme d’action publique. Nous verrons ainsi, à partir de l’exemple de l’air intérieur, que les actions mises en place sont centrées sur la volonté de « responsabiliser » les individus face à un environnement domestique institué comme dangereux, le but étant de faire de l’individu le gestionnaire de son environnement immédiat. La « responsabilisation » comme mode de gestion des problèmes publics et comme discours se retrouve dans d’autres domaines tels que la lutte contre la fraude à l’Assurance sociale, les mesures de retour à l’emploi, les franchises médicales, la sécurité routière ou le tri des déchets. Elle s’appuie sur la construction historique de l’individu moderne, sujet animé par la volonté d’exister par lui-même et pour lui-même. En matière de santé, cela se traduit par l’injonction douce à devenir un « individu sentinelle » de son corps, en recherche de bien-être, se souciant également de ceux qui l’entourent, de son environnement. Or, cette conception de l’individu qui s’autocontrôle et se maîtrise ne tient pas compte des réalités d’un déterminisme social toujours présent et des mécanismes de production des inégalités sociales de santé. En ce sens, la « santé-environnement » est un domaine particulièrement révélateur d’une recomposition du lien social entre l’individu et la société jugée protectrice mais aussi source d’agressions. Cette proposition repose sur un travail d’enquête par entretiens et observation participante, toujours en cours, mené dans le cadre d’une thèse de sociologie.