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Exposition aux polluants organiques persistants et diabète incident dans la Nurses’ Health Study II Volume 17, numéro 6, Novembre-Décembre 2018

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Si les études transversales indiquent une relation entre les concentrations plasmatiques de polluants organiques persistants (POP) et le statut diabétique, les études prospectives dans ce champ sont encore rares. Les auteurs de ces analyses au sein de la Nurses’ Health Study II (NHS II) ne recensent que cinq études de petite taille (incluant moins de 70 cas de diabète de type 2) ayant examiné l’effet de l’exposition à des POP lipophiles comme les polychlorobiphényles (PCB) et les pesticides organochlorés (OC) sur le risque de diabète subséquent. Elles soutiennent globalement l’hypothèse d’un effet diabétogène de l’exposition aux POP, mais forment un ensemble hétérogène rapportant des résultats variables pour un même composé. Le niveau des preuves est moindre pour les substances perfluoroalkylées (PFAS) non lipophiles mais également polluants ubiquitaires et persistants de l’environnement auxquels les populations continuent d’être exposées longtemps après l’arrêt de leur utilisation industrielle.

Des échantillons de sang ont été collectés entre les années 1995 et 2000 chez 29 611 participantes à la NHS II (cohorte de 116 430 femmes établie en 1989 avec un rythme de suivi bisannuel), qui étaient alors âgées de 32 à 52 ans. Dans le groupe des femmes indemnes de diabète, maladie cardiovasculaire et cancer au moment de la collecte, 793 cas incidents de diabète de type 2 étaient recensés en juin 2011 (en excluant les diagnostics portés dans l’année suivant le prélèvement de sang). Pour chaque cas (authentifié à la lumière des critères de l’American Diabetes Association), un témoin a été sélectionné par randomisation dans la population non diabétique à la date du diagnostic du cas (appariement sur l’âge au moment du prélèvement, sa saison, son heure et la durée du jeûne [< ou ≥ 8 h], ainsi que le groupe ethnique [caucasien ou autre], le statut ménopausique et la prise d’un traitement hormonal substitutif).

Ving-trois POP lipophiles à des taux détectables dans plus de la moitié des échantillons ont été conservés pour les analyses (l’hexachlorobenzène [HCB], le ß-hexachlorocyclohexane [ß-HCH], le p-p’-dichlorobiphényldichloroéthylène [p-p’-DDE] et 20 congénères PCB), ainsi que cinq PFAS quasiment constamment retrouvés (les sulfonates de perfluorooctane [PFOS] et de perfluorohexane [PFHxS], et les acides perfluorooctanoïque [PFOA], perfluorononanoïque [PFNA] et perfluorodécanoïque [PFDA]). Les modèles utilisés pour examiner les relations entre les concentrations plasmatiques et le risque de diabète étaient ajustés sur les variables d’appariement, les facteurs de risque connus de diabète (incluant les antécédents familiaux, le niveau d’activité physique et la qualité de l’alimentation), ainsi que sur les variables prédictrices des concentrations plasmatiques préalablement établies dans la population témoin, ce qui confère un intérêt spécifique à ce travail.

Analyses relatives aux POP lipophiles

Pour ces substances stockées dans le tissu adipeux et remises en circulation à l’occasion d’un amaigrissement, les auteurs ont porté une attention particulière au poids corporel et à son évolution avec l’avancée en âge, qui influencent également le risque de diabète. Tirant avantage du suivi régulier du poids des participantes à la NHS II, ils ont construit trois variables : la variation du poids entre l’inclusion et la date de l’échantillonnage sanguin (variation pondérale antérieure), l’indice de masse corporelle (IMC) au moment de l’échantillonnage, et la variation du poids entre la date de l’échantillonnage et celle du diagnostic (variation pondérale postérieure).

Conformément aux facteurs d’accumulation et d’élimination connus des POP, leurs concentrations plasmatiques sont corrélées à l’âge, à la variation pondérale antérieure, ainsi qu’à la parité et la durée de la période d’allaitement. Ces facteurs de confusion potentiels pris en compte, des associations sont mises en évidence avec l’exposition au HCB (odds ratio [OR] de diabète dans le dernier tertile des concentrations versus le premier égal à 2,12 [IC95 : 1,53-2,93]), au ß-HCH (OR = 3,68 [2,53-5,35]), au p’-DDE (OR = 1,66 [1,17-2,36]), et à la somme de cinq congénères PCB mono-ortho-substitués à effet dioxin-like (PCB-DL [105 + 118, 156, 157 et 167] : OR = 2,60 [1,81-3,72]). Seule cette dernière association reste significative (OR = 1,78 [1,14-2,76]) après ajustement supplémentaire sur l’IMC qui affaiblit toutes les estimations.

Dans ce même modèle final, la somme des PCB non dioxin-like apparaît marginalement associée au risque de diabète (OR dernier versus premier tertile = 1,43 [0,93-2,20]). La répartition des PCB en quatre catégories fonctionnelles fait apparaître une association avec un groupe de cinq congénères (PCB-74, 105, 118, 156 et 167) à activité anti-œstrogénique et immunotoxique (OR = 1,75 [1,11-2,76]).

La variation pondérale postérieure n’est pas identifiée comme un facteur susceptible de modifier l’association entre les concentrations de POP et le risque de diabète. La nécessité de prendre en compte la variation pondérale antérieure à leur détermination est en revanche illustrée par une analyse stratifiée selon l’importance de la prise de poids (faible, intermédiaire ou élevée, correspondant respectivement à des gains médians de 0,45, 6,35 et 13,6 kg) qui met en évidence son effet modificateur sur les associations avec les trois pesticides organochlorés comme avec les PCB-DL. À titre d’exemple, l’excès de risque de diabète dans le dernier tertile des concentrations de PCB-DL chez les femmes au poids le plus stable (OR = 2,41 [1,22-4,77]) n’est pas observé chez celles dont le poids s’est accru notablement (OR = 0,90), ni même modérément (OR = 0,97).

Résultats concernant les PFAS

Comblant le manque de connaissance en la matière, la recherche de déterminants des concentrations de PFAS en identifie deux principaux : la durée de la période d’allaitement (inversement corrélée aux taux de quatre substances à l’exception du PFDA) et la consommation de certains aliments tels que les produits de la mer (positivement associée aux taux de PFHxS et de PFNA) et les pop-corn (PFOS), sur la base d’un questionnaire de fréquence alimentaire (130 types d’aliments et plusieurs tailles de portions proposés) administré pour la première fois en 1991 puis reconduit tous les quatre ans. Les concentrations de PFOS sont par ailleurs inversement corrélées à la qualité de l’alimentation évaluée par l’indice AHEI (alternative healthy eating index) fondé sur la consommation de 11 types d’aliments et boissons identifiés en tant que facteurs de risque ou protecteurs de maladies chroniques. L’IMC à l’inclusion n’est (inversement) corrélé qu’au PFDA.

Dans le modèle pleinement ajusté, le risque de diabète est associé aux concentrations de PFOS (OR [dernier versus premier tertile] = 1,62 [1,09-2,41]) et de PFOA (OR = 1,54 [1,04-2,28]). L’arrêt de la production et de l’utilisation de ces deux composés aux États-Unis ne lève pas les préoccupations sanitaires liées à leur capacité de perturbations métaboliques observées expérimentalement, qui nécessitent d’être mieux décrites chez l’homme. Des effets nets sur l’HbA1c, l’insuline et l’adiponectine ne sont pas identifiés dans cette étude, mais le caractère transversal de ces analyses limite leur intérêt.


* Zong G1, Valvi D, Coull B, et al. Persistent organic pollutants and risk of type 2 diabetes: a prospective investigation among middle-aged women in Nurses’ Health Study II. Environ Int 2018 ; 114 : 334-342. doi : j.envint.2017.12.010

# Sun Q, Zong G, Valvi D, Nielsen F, Coull B, Grandjean P. Plasma concentrations of perfluoroalkyl substances and risk of type 2 diabetes: a prospective investigation among U.S. women. Environ Health Perspect 2018 ; 126(3) : 037001. doi : 10.1289/EHP2619

1 Department of Nutrition, Harvard TH Chan School of Public Health, Boston, États-Unis.

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