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Environnement, Risques & Santé

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Compte-rendu d’atelier de la section méthodologie d’évaluation des risques sanitaires de la SFSE sur les expositions par voie cutanée Volume 17, numéro 3, Mai-Juin 2018

Si la peau joue, entre autres, le rôle de barrière anatomique dans le but de protéger les organes internes et de réguler la température, elle peut aussi être une voie d’entrée des contaminants dans l’organisme, voire le siège d’effets sanitaires locaux.

En 2016, la Sectionméthodologie d’évaluation des risques sanitaires de la Société française de santé et environnement (SFSE) a discuté de la prise en compte de la voie cutanée en évaluation des risques sanitaires, en particulier autour des présentations suivantes :

  • « Physiologie de la peau, effets locaux des expositions aiguës et chroniques » par le Colonel Denis Josse, ex-chercheur en toxicologie à l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), actuellement pharmacien chef du SDIS 06.
  • « Déterminants du passage transcutané, contribution de la voie cutanée à l’exposition totale aux pesticides », par Aurélie Berthet, chercheure, Institut universitaire romand de santé au travail (IST).
  • « Substances d’intérêt pour le transfert par voie cutanée », par Marie Jailler, Société publique d’aide à la qualité de l’environnement (SPAQuE).

Les points saillants à retenir pour l’évaluation des risques sanitaires liés aux contaminations environnementales sont les suivants.

  • Sur les mécanismes :
    • La peau est constituée de différentes couches : la couche cornée (stratum corneum) composée de cellules mortes qui joue le rôle à la fois de barrière et de réservoir et où se déroule la diffusion passive des composés, l’épiderme d’épaisseur variable en fonction de la zone du corps, le derme et l’hypoderme. Il existe deux voies de passage privilégiées du polluant : à travers la couche cornée et par diffusion le long du follicule pileux, situé dans une zone vascularisée (le poil coupé ne change rien).
    • Il convient de distinguer l’absorption cutanée dans la couche cornée et la pénétration transcutanée (passage dans le sang à partir de la surface cutanée).
    • Les facteurs influençant la diffusion passive d’une substance à travers la peau sont : la taille des molécules, la polarité, le métabolisme du composé, la concentration du composé, des éventuels adjuvants, le caractère lipophile/hydrophile exprimé par le paramètre Kow (lorsque le Log Kow est compris entre 1,5 et 4, la perméation peut être facilitée), la solubilité dans l’eau, la volatilité, la température (la vasodilatation augmente l’absorption), le pH de la peau, l’épaisseur de la couche cornée, l’existence de lésions cutanées (personne n’a une peau intacte), le ratio surface peau/poids corporel, l’ethnie, etc.
  • Sur les expérimentations :
    • La peau des porcs (puis rats et cochons d’Inde) est du point de vue de la structure et de la perméabilité la plus proche de celle de l’homme (poils et couche cornée plus fine pour celui-ci) et le porc constitue donc le modèle animal le plus pertinent de transfert cutané.
    • Les expérimentations, notamment par le modèle de la cellule de Franz constituée de chambres donneuse et réceptrice séparées par un échantillon de peau, permettent de déterminer un coefficient de perméation Kp.
    • Les informations obtenues à partir des modèles animaux ou ex vivo sont surtout relatives, plus qu’absolues.
  • Sur les modélisations :
    • L’évaluation de l’exposition peut être « directe » par échantillonnage sur la peau ou « indirecte » par biomonitoring (quantité absorbée par le corps) et dosimétrie inverse.
    • Les coefficients d’absorption cutanée expérimentaux eau-peau dépendent beaucoup des conditions expérimentales (solvant associé, dose appliquée) et il paraît a priori plus prudent d’utiliser les coefficients modélisés à partir des paramètres physicochimiques... en vérifiant qu’eux-mêmes ne soient pas trop incertains.
    • Le coefficient d’absorption sol-peau dépend de la quantité appliquée. Or pour les sols pollués, les concentrations sont relativement faibles entraînant donc une éventuelle sous-estimation de cette voie.
    • La voie air-peau est souvent négligée alors qu’il existe des preuves expérimentales chez l’homme de son importance pour certains composés semivolatils [1].

En conclusion, malgré l’existence du guide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) « Dermal Exposure » [2], jugé peu opérationnel, et celui de l’United States Environmental Protection Agency (US EPA) [3] qui ne traite pas de tous les contextes d’exposition, la section estime qu’il serait nécessaire d’avoir une traduction opérationnelle des recherches récentes sur le sujet pour les prendre en compte dans les évaluations des risques sanitaires. Une production de consensus paraît nécessaire pour répondre à la question pratique « Comment prendre en compte le contact cutané dans les évaluations des risques chroniques ? ». S’il n’existe pas de valeur toxicologique de référence (VTR) spécifique à la voie cutanée, il serait en effet souhaitable de disposer de recommandations sur la modélisation de la contribution de cette voie à l’exposition totale, selon notamment les contextes d’exposition (matrice associée eau, sol, air) et l’état physique (solide, liquide, gazeux) du contaminant lors du contact. Une étape de screening est sans doute pertinente pour identifier les composés nécessitant une prise en compte de cette voie dans l’évaluation, par exemple en ciblant les polluants dont le Log Kow est compris entre 1,5 et 4 et pour lesquels l’exposition cutanée est potentiellement pertinente, comme sur des sites pollués : BTEX, naphtalène (parmi les 16 hydrocarbures aromatiques polycycliques [HAP]), chlorobenzènes et chlorophénols, certains pesticides (lindane, alachlor, atrazine, simazine, etc.).

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