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Bulletin du Cancer

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Un nouvel espoir pour les patients atteints d’un glioblastome multiforme Volume 91, numéro 9, Septembre 2004

Auteurs

Auteur(s) : Jean-Philippe Spano, Jean-Jacques Mazeron

Le traitement standard du glioblastome repose sur une chirurgie radicale, lorsqu’elle est possible, suivie d’une radiothérapie, avec ou sans chimiothérapie adjuvante. Le pronostic est globalement défavorable. Les durées médianes de survie sont dans la plupart des séries de 9 à 12 mois, et le taux de survie à 2 ans de 8 % à 12 % [1].
Le témozolomide, agent alkylant, a fait la preuve de son activité dans les gliomes en rechute [2, 3]. L’étude randomisée de phase II de Yung et al. [4], qui a comparé le témozolomide à la procarbazine chez des patients atteints de récidive de glioblastome, a conclu à la supériorité du témozolomide en termes de taux de survie à 6 mois (21 % contre 8 %, p < 0,008).
En se fondant sur des résultats expérimentaux laissant augurer une synergie entre le témozolomide et l’irradiation in vitro, Stupp et al. [5], dans une étude récente de phase II, ont aussi montré, chez 64 patients atteints de glioblastome, que la chimioradiothérapie concomitante avec témozolomide non seulement était bien tolérée mais pouvait aussi être efficace. La durée médiane de survie était de 16 mois et les probabilités de survie à 1 et 2 ans étaient respectivement de 58 % et 31 % ; les patients de moins de 50 ans et ceux ayant bénéficié d’une exérèse radicale avaient les meilleurs résultats.
Il semblait donc légitime de mettre en route une étude de phase III pour confirmer ces résultats. Elle a été réalisée par l’EORTC (European Organization for Research and Treatment of Cancer) et le NCIC (National Cancer Institute of Canada). Les premiers résultats ont été présentés en session plénière au congrès annuel de l’Asco (American Association of Clinical Oncology) de 2004. 
L’essai a inclus 573 patients issus de 85 centres. Les patients, âgés de 18 à 70 ans (médiane 56 ans), étaient tous atteints d’un glioblastome nouvellement diagnostiqué sur la base d’un prélèvement anatomopathologique. L’indice de performance était selon l’OMS de 0 à 2. Quarante-cinq pour cent ont bénéficié d’une exérèse macroscopiquement complète et 44,5 % d’une exérèse partielle. Tous les patients ont alors reçu moins de 6 semaines plus tard une irradiation focale de 60 Gy en 30 fractions et 6 semaines. La moitié ont reçu, après randomisation, une chimiothérapie par le témozolomide. La chimiothérapie a débuté en même temps que la radiothérapie. La prise de témozolomide était quotidienne, à la dose de 75 mg/m2, samedi et dimanche compris, pendant les 6 semaines de la radiothérapie. La chimioradiothérapie concomitante était suivie de 6 cycles de 5 jours de témozolomide débutant toutes les 4 semaines, à la dose de 150 à 200 mg/m2/j. 
La dose de radiothérapie a pu être délivrée à 93 % des patients. La chimiothérapie concomitante a été administrée sans interruption à 76 %, avec interruption temporaire chez 11 % ; elle a dû être interrompue prématurément chez 12 %. La chimiothérapie adjuvante a été donnée à 76 % des patients, mais seulement 36 % ont reçu les 6 cycles.
La durée médiane de suivi était de 2 ans. Les durées médianes de survie sans progression tumorale étaient respectivement de 7,2 et 5 mois dans les groupes avec et sans témozolomide (p < 0,001), celles de survie globale de 15 et 12 mois (p < 0,001). Les probabilités de survie à 2 ans étaient de 26 % et 8 % (p < 0,001). Une toxicité hématologique de grade 3 ou 4 a été observée chez 7 % des patients pendant la chimioradiothérapie concomitante et chez 16 % pendant la chimiothérapie adjuvante.
Au total, il s’agit de la première étude qui démontre ainsi un avantage nettement significatif en termes de survie pour des patients atteints de glioblastome multiforme traités par chimiothérapie. L’identification de nouveaux marqueurs biologiques prédictifs de réponse est également en cours.
Il faudra bien sûr attendre les analyses ultérieures pour se faire une opinion définitive de l’association de radiothérapie et de témozolomide chez les patients atteints de glioblastome, mais beaucoup considèrent déjà qu’il s’agit là du nouveau protocole standard international. Il s’agit en tout cas du seul progrès significatif obtenu dans le traitement de cette maladie de pronostic défavorable depuis bien longtemps. On peut cependant s’interroger sur le rôle respectif des chimiothérapies concomitante et adjuvante dans l’amélioration de la probabilité de survie.

Références

1. Levin V, Leibel S, Gutin P. Neoplasms of the central nervous system. In : DeVita V Jr, Hellman S, Rosenberg S (eds) : Cancer : principles and practice of oncology. Philadelphia, PA, Lippincott-Raven, 2000.

2. Stupp R, Gander M, Leyvraz S, et al. Current and future developments in the use of temozolomide for the treatment of brain tumors. Lancet Oncol 2001 ; 2 : 552-60.

3. Linassier C, Destrieux C, Benboubker L, et al. Role of high-dose chemotherapy with hematopoietic stem-cell support in the treatment of adult patients with high-grade glioma. Bull Cancer 2001 ; 88 : 871-6.

4. Yung WK, Albright RE, Olson J, et al. A phase II study of temozolomide vs procarbazine in patients with glioblastoma multiforme at first relapse. Br J Cancer 2000 ; 83 : 588-93.

5. Stupp R, Dietrich PY, Ostermann Kraljevic S, et al. Promising survival for patients with newly diagnosed glioblastoma multiforme treated with concomitant radiation plus temozolomide followed by adjuvant temozolomide. J Clin Oncol 2002 ; 20 : 1375-82.