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Bulletin du Cancer

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Stress et charge allostatique : perspectives en psycho-oncologie Volume 93, numéro 3, Mars 2006

Auteur
Clinique de psycho-oncologie, Institut Jules-Bordet, 121, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles, Belgique

Depuis ses débuts en tant que domaine scientifique à part entière, à la fin des années 1970, la psycho-oncologie est restée essentiellement descriptive. En particulier, peu de progrès conceptuels ont été réalisés dans l’étude des processus, tant psychodynamiques que biologiques, qui sous-tendent l’adaptation psychologique à l’expérience de la maladie cancéreuse. De plus, les spécificités des réponses psychopathologiques au cancer et de leur prise en charge pharmacologique optimale restent mal élucidées. Par ailleurs, ces dernières années ont vu se réaliser des avancées significatives dans la compréhension des mécanismes biologiques du stress et de ses conséquences pour le cerveau, l’organisme et la santé. Dans cet article, nous examinerons les applications du concept de charge allostatique à l’étude du stress et de la psychopathologie associée à l’expérience du cancer. Alors que l’homéostasie se conçoit comme le maintien de variables biologiques dans des marges de fluctuation étroite, l’allostasie peut se définir par la capacité à maintenir la stabilité à travers le changement. Dans ce contexte, l’activité excessive ou dérégulée de systèmes allostatiques (adaptatifs) produit des effets délétères pour le cerveau (réduction de la neurogenèse, altération des processus de mort cellulaire programmée, branchement dendritique) et pour l’organisme (augmentation du risque cardiovasculaire). Ces effets nuisibles du stress cumulatif ont été définis comme la charge allostatique ou le coût infligé à l’organisme pour le maintien de la stabilité. Nous formulons l’hypothèse que ce concept de charge allostatique se révèle particulièrement pertinent pour l’étude des facteurs de stress multiples, répétés et chroniques associés à l’expérience du cancer. À la lumière de ce modèle, nous proposons une nouvelle classification des troubles psychopathologiques en psycho-oncologie : le syndrome de stress spécifique du cancer, avec ses trois sous-types (dépressif, post-traumatique et dysallostatique). Nous proposons également des hypothèses relatives aux corrélats biologiques potentiels des processus psychodynamiques ainsi que des suggestions pour l’étude d’approches pharmacologiques innovatrices dans le traitement des syndromes de stress en oncologie (anticonvulsivants, antagonistes de la CRH, agonistes des récepteurs 5HT-1A…).