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Bulletin du Cancer

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Ras se signale là où on ne l‘attendait pas Volume 90, numéro 8, Août 2003

Auteur
  • Page(s) : 671-2
  • Année de parution : 2003

Auteur(s) : Gilles L’Allemain

Environ 30 % des cancers, tous types confondus, portent des mutations sur les protéines Ras. Ces GTPases monomériques ont ainsi été largement impliquées dans le processus de cancérisation [1, 2]. Jusqu’ici, il était admis que les protéines Ras régulaient leur signal depuis la membrane plasmique. Depuis l’année dernière, une coalition américano-britannique [3] avait montré qu’elles véhiculaient un signal spécifique dans l’appareil de Golgi, organite interne de la cellule par lequel transitent les protéines afin de recevoir leurs dernières modifications post-traductionnelles avant leur destination finale. Aujourd’hui, une partie des mêmes auteurs va plus loin en précisant la nature et le rôle d’un tel signal [4]. En effet, le tour de force de ces équipes a été de montrer que le traitement des cellules, soit avec des inhibiteurs de phospholipase C, soit avec des agents chélateurs de calcium, soit à l’aide du lanthane, bloqueur de canaux calciques, inhibait l’activation de Ha-Ras présente dans l’appareil de Golgi sans toucher au signal de Ha-Ras spécifique de la membrane plasmique où, pourtant, le calcium est un second messager avéré. La distinction Golgi-membrane plasmique a pu être faite grâce au greffage de marqueurs fluorescents à des protéines spécifiques de chaque compartiment. Ce remarquable travail a été corroboré par la récente et élégante technique de FRET (fluorescence resonance energy transfer) qui utilise le transfert d’énergie entre molécules biologiques fluorescentes, transfert qui est d’autant plus élevé que les protéines sont spatialement proches, comme cela est le cas au sein d’un même compartiment subcellulaire. Les auteurs montrent aussi que la protéine RasGRP1 (Ras guanine nucleotide releasing protein 1), facteur d’échange de GDP sur Ras, joue un rôle prépondérant à la fois dans l’activation des lymphocytes T et dans la différenciation de la lignée de phéochromocytome PC12 en étant l’intermédiaire réactionnel préférentiel de Ha-Ras au niveau de l’appareil de Golgi. Ainsi, les auteurs mettent le doigt sur une nouvelle voie de signalisation qui utilise les protéines Src/ PLCγ1/Ca2 + /RasGRP1 et qui est activée spécifiquement par la portion de Ha-ras localisée au niveau de l’appareil de Golgi. 

En outre, ce remarquable travail établit que cette voie Golgi-spécifique de Ha-Ras intervient dans le processus de transformation des fibroblastes et surtout in vitro dans le phénomène d’acquisition de la résistance des cellules aux radiations ionisantes. Au total, ces travaux ouvrent d’autres perspectives jusque-là insoupçonnées pour un rôle élargi des protéines de la famille des oncogènes Ras. Plus généralement, le fait que les protéines Ras interviennent sur différentes voies de signalisation et dans différents compartiments subcellulaires pourrait permettre d’expliquer pourquoi leur action semble requise tout au long du processus tumoral, y compris lorsque la tumeur est bien établie. Il va être crucial de déterminer quelles voies de signalisation de Ras sont concernées à chaque stade tumoral.

Références

1. Soussi T. Ha-ras, N-ras et Ki-ras. Bull Cancer 2001 ; 88 : 131-3.

2. Larsen CJ. La fonction oncogénique de Ras revisitée. Bull Cancer 2003 ; 90 : 123-5.

3. Chiu VK, Bivona T, Hach A, Sajous JB, Silletti J, Wiener H, et al. Ras signalling on the endoplasmic reticulum and the Golgi. Nature Cell Biol 2002 ; 4 : 343-50.

4. Bivona T, De Castro IP, Ahearn IM, Grana TM, Chiu VK, Lockyer PJ, et al. Phospholipase C activates Ras on the Golgi apparatus by means of RasGRP1. Nature 2003 ; published on line 29 June ; doi :10.1038/nature01806.