JLE

Bulletin du Cancer

MENU

Potentiel thérapeutique de drogues antagonistes de Mdm2 Volume 91, numéro 5, Mai 2004

Auteur
  • Mots-clés : Mdm2
  • Page(s) : 395
  • Année de parution : 2004

Auteur(s) : Philippe Jeanteur

La protéine suppresseur de tumeur P53 est un acteur essentiel du contrôle de la transformation maligne, ce que confirme le fait que la moitié des tumeurs ont une P53 inactive. C’est en effet un facteur de transcription qui conduit à l’arrêt de la prolifération, éventuellement suivi de l’entrée en apoptose en réponse aux agents génotoxiques. C’est dire si la réactivation thérapeutique de la voie P53 est un fantasme récurrent des chercheurs oncologues. Le Bulletin du Cancer a déjà rapporté [1] une approche visant à réactiver une P53 mutée par des drogues aidant à son repliement en une structure fonctionnelle [2]. Une autre approche consiste à interférer avec la boucle d’auto‐régulation de P53 contrôlée par l’oncoprotéine Mdm2, elle‐même surexprimée dans de nombreuses tumeurs. Cette boucle est en effet la suivante : P53 est un activateur transcriptionnel de Mdm2 qui, en retour,réprime l’activité de P53 par trois mécanismes : 1) en bloquant son activité de facteur de transcription par une interaction directe avec son domaine de trans‐activation ; 2) en contribuant à son export vers le cytoplasme où elle ne peut donc plus agir ; 3) en promouvant sa dégradation par le protéasome. L’intérêt d’une stratégie visant à empêcher l’interaction Mdm2 P53 est validé par le fait que sa suppression par des anti‐sens [3] ou le blocage de son interaction par des peptides provenant de P53  [4], sont capables d’activer les propriétés suppresseur de tumeur de P53. Ces expériences avaient le mérite d’apporter une « preuve de concept » mais l’utilisation thérapeutique de macromolécules biologiques se heurte à des inconvénients pratiques et financiers évidents, ce qui a incité les laboratoires Roche à rechercher des petites molécules chimiques susceptibles de bloquer l’interaction Mdm2 P53. Ils ont ainsi trouvé des molécules de la famille des cis‐imidazolines qu’ils ont appelées nutlines (les laboratoires Roche sont basés à Nutley, New Jersey) [5, 6] et qui sont capables de dissocier le complexe Mdm2‐P53 à des concentrations de 100 à 300 nM. Sur la base de la boucle de régulation croisée entre Mdm2 et P53 rappelée plus haut, on peut prédire que ces drogues doivent entraîner : 1) une accumulation nucléaire de P53 du fait du blocage de son export vers le cytoplasme et de l’inhibition de sa dégradation ; 2) une stimulation de l’expression de Mdm2 ainsi que de P21Waf1‐Cip1, un inhibiteur des kinases cycline‐dépendantes qui est une cible transcriptionelle majeure de P53 ; 3) un arrêt du cycle cellulaire et\ou une apoptose. De plus, tous ces effets doivent être dépendants de la présence d’une P53 normale. Ils ont tout d’abord observé que ces inhibiteurs de Mdm2 entraînaient une augmentation dose‐dépendante des taux de P53, Mdm2 et P21Waf1‐Cip1 dans les cellules HCT116 de côlon qui possèdent une P53 active. Dans les cellules coliques SW480 où P53 est mutée, on ne détecte ni Mdm2 ni P21Waf1‐Cip1 alors que le taux de P53 reste élevé mais inchangé. L’effet sur P21Waf1‐Cip1 est transcriptionnel alors qu’il est post‐traductionnel pour P53. Comme prévu également, ces drogues entraînent un arrêt du cycle cellulaire en G1 ou G2 dans les cellules P53+ mais non P53 ‐‐ . Quant aux effets anti‐prolifératifs et cytotoxiques, les cellules P53 y sont dix fois moins sensibles. Ces drogues induisent aussi une stimulation de l’apoptose par activation des caspases dans les cellules d’ostéosarcome humain SJSA‐1 qui ont une P53 normale et qui surexpriment Mdm2. Enfin, les nutlines, données par voie orale à des souris nude porteuses d’une xénogreffe de cellules SJSA‐1, entraînent une réduction de 90 % de la masse tumorale. Ces résultats, bien sûr très préliminaires, suggèrent donc une ouverture thérapeutique pour les tumeurs qui ont conservé une P53 fonctionnelle alors que bon nombre d’autres stratégies s’adressaient au contraire à celles, également fréquentes, qui avaient une P53 mutée.  

Références



1 . Jeanteur, Ph. Peut‐on guérir la p53 ? Bulletin du Cancer 2000 ; 87 : 131‐2.

2 . Foster BA, Coffey HA, Morin MJ, Rastinejad R. Pharmacological rescue of mutant p53 conformation and function. Science 1999 ; 286 : 2507‐10.

3 . Zhang R, Wang H. Antisense oligonucleotide inhibitors of MDM2 oncogene expression. Methods Mol Med 2003 ; 85 : 205‐22.

4 . Wasylyk C, et al. p53 mediated death of cells overexpressing MDM2 by an inhibitor of MDM2 interaction with p53. Oncogene 1999 ; 18 : 1921‐34.

5 . Vassilev LT, et al. In vivo activation of the P53 pathway by small‐molecule antagonists of MDM2. Science 2004 ; 303 : 844‐8.

6 . Marx J. Drug candidate bolsters cell’s tumor defenses. Science 2004 ; 303 : 23‐4.