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Bulletin du Cancer

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Les mini-allogreffes de moelle osseuse (hématologie et tumeurs solides) Volume 88, numéro 1, Janvier 2001

Auteur
Unité de transplantation et hématologie III, Département d'hématologie, Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13273 Marseille Cedex 9.
  • Page(s) : 110-3
  • Année de parution : 2001

La transplantation de cellules souches hématopoïétiques allogéniques représente une thérapeutique éprouvée pour certaines hémopathies malignes comme la leucémie myéloïde chronique (LMC) et les leucémies aiguës. Le pouvoir curatif de la greffe allogénique est classiquement basé sur deux mécanismes d'action : le conditionnement par fortes doses de chimiothérapie et/ou radiothérapie induisant une cytoréduction importante des cellules tumorales résiduelles de l'hôte, et surtout le contrôle antitumoral immunologique assuré par les cellules lymphocytaires T allogéniques appelé effet graft versus leukemia (GVL) [1]. La toxicité de ce traitement est essentiellement liée à la réaction immunologique postgreffe elle-même (effet graft versus host ou GVH) dont la forme aiguë (apparition moins de trois mois après la greffe) entraîne principalement la destruction de la peau, du foie et des muqueuses digestives, mais aussi en partie à la période d'aplasie initiale due à l'effet myéloablatif du conditionnement (utilisé dans le double but de « créer de l'espace » dans la moelle et d'obtenir une immunosuppression suffisante du receveur pour permettre la prise de greffe lympho-hématopoïétique). En outre, les événements de cette période initiale, notamment infectieux, participent à la genèse de la GVH [2]. L'accès à ce traitement a donc été limité aux patients jeunes (moins de 45-50 ans) et possédant un donneur HLA-compatible intrafamilial ou non apparenté, avec cependant une augmentation de l'incidence et de la sévérité de la GVH dans ce dernier cas. Il existe de nombreuses situations dans lesquelles la greffe allogénique pourrait être le traitement de choix, mais elle est récusée du fait de l'impossibilité de réaliser ce conditionnement classique dit « myéloablatif ». Effets GVH et GVL sont extrêmement liés. Les premières preuves ont été observées de façon indirecte. Le risque de rechute leucémique est corrélé au degré de réactivité immunologique traduit par l'existence de signes de GVH ; ainsi il est plus faible en présence de GVH chronique et augmenté en cas de diminution de l'incidence de GVH aiguë [3], de greffes T-déplétées [4, 5] ou de greffes syngéniques [6]. Le rôle des lymphocytes T dans ces réactions a été démontré lors des essais d'immunomodulation T : la déplétion lymphocytaire T du greffon ainsi que le blocage fonctionnel des cellules T par un anticorps monoclonal antirécepteur de l'IL2 augmentent significativement le taux de rechutes et diminuent la survie des patients allogreffés pour hémopathies malignes [7, 8]. À l'inverse, l'injection de lymphocytes du donneur chez des patients en rechute après allogreffe a démontré de façon directe l'effet allogénique antileucémique [9-11]. Le groupe européen de l'EBMT a voulu étudier le taux de rémissions complètes (RC) après une transfusion de leucocytes (cellules mononucléées totales contenant la fraction immunologiquement active, les lymphocytes T) issus du donneur de moelle. Les résultats démontrent 73 % de RC dans les leucémies myéloïdes chroniques (disparition de bcr-abl, marqueur moléculaire du clone Ph1+). Ces RC survenaient d'autant mieux qu'il s'agissait d'une rechute cytogénétique ou en phase chronique alors qu'une rechute en phase aiguë était plus difficile à maîtriser. La toxicité de ces rattrapages par immunothérapie allogénique est marquée en premier lieu par une GVH de grade supérieur ou égal à 2 dans 41 % des cas, et une insuffisance médullaire transitoire. Au total, la procédure s'est accompagnée de 64 décès sur 135 patients ; 47 patients décédés avaient une leucémie détectable au moment du décès [9].