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Bulletin du Cancer

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Chez les patients atteints de cancer du larynx, la chimioradiothérapie avec cisplatine est supérieure à la chimiothérapie néoadjuvante suivie de radiothérapie et à la radiothérapie exclusive Volume 91, numéro 3, Mars 2004

Auteurs

Auteur(s) : Séverine Racadot, Jean-Jacques Mazeron

Les cancers localement évolués du larynx relèvent classiquement d’une laryngectomie totale, le plus souvent suivie d’irradiation cervicale. Afin d’éviter la mutilation représentée par cette intervention chirurgicale, il a été proposé de débuter le traitement par une chimiothérapie, habituellement par deux ou trois cycles de 5-fluoro-uracile et de cisplatine, puis d’adapter la thérapeutique à la réponse ainsi obtenue, laryngectomie en cas de régression jugée insuffisante, irradiation conservatrice en cas de bonne réponse. Plusieurs essais randomisés ont comparé une laryngectomie de première intention et l’attitude proposée ci-dessus. Celui du Department of Veterans Affairs Laryngeal Cancer Study Group, publié en 1991, a fait de cette attitude un nouveau standard [1]. Par la suite, un essai similaire de l’institut Gustave-Roussy a donné des résultats décevants, au point qu’il a dû être interrompu [2]. Les résultats de ces essais ont été pris en compte dans la méta-analyse MACH-NC, qui regroupaient tous les essais randomisés testant l’association de radiothérapie et de chimiothérapie contre une radiothérapie exclusive dans des cancers localement évolués de la sphère ORL. Lorsque les essais comparaient une chimiothérapie néoadjuvante suivie d’un traitement locorégional adapté à la réponse et un traitement chirurgical (jugé mutilant) suivi de radiothérapie, il n’y avait pas de différence statistiquement significative de survie, mais une tendance à une meilleure probabilité de survie avec le traitement non conservateur. Les auteurs ont estimé nécessaire de mettre en garde les praticiens sur ces tentatives de traitement conservateur [3]. Dans tous ces essais, la radiothérapie était classique. Un essai randomisé du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG 91-11) a randomisé, entre août 1992 et mai 2000, une chimiothérapie suivie en cas de réponse d’une irradiation classique (bras 1), une chimioradiothérapie sans chimiothérapie d’induction (bras 2) et une irradiation classique également sans chimiothérapie d’induction (bras 3), chez 547 patients atteints de cancer glottique ou sus-glottique potentiellement résécable de stade III ou IV [4, 5]. Dans le bras 1, les patients ont initialement reçu trois cycles espacés de 21 jours de cisplatine (100 mg/m² à J1) et de 5-fluoro-uracile (1 000 mg/m²/j pendant 5 jours). Dans tous les cas, la radiothérapie a délivré 70 Gy en 35 fractions et 49 jours et, seulement dans le bras 2, elle a été potentialisée par 100 mg/m² de cisplatine à J1, J22 et J43. Un curage ganglionnaire cervical était ensuite proposé en cas d’adénopathies multiples ou de diamètre de 3 cm ou plus. La durée médiane de surveillance était de 3,8 ans. Le taux de conservation du larynx était à 2 ans significativement meilleur chez les patients qui ont reçu une chimioradiothérapie (88 %) que chez ceux qui ont eu une chimiothérapie d’induction suivie de radiothérapie (75 %) ou une irradiation exclusive (70 %) (p < 0,001), mais il n’y avait pas de différence entre ces derniers groupes (p = 0,27). Il y a eu au total 19 décès iatrogènes, 5 dans le bras 1, 9 dans le bras 2 et 5 dans le bras 3. Les taux de toxicité aiguë de grades 3 et 4 étaient respectivement de 24 %, 30 % et 36 % dans les bras 1, 2 et 3, ceux cumulés de toxicité tardive de grades 3 et 4 de 81 %, 82 % et 61 %. Les taux de rechute métastatique à distance ont été réduits par la chimiothérapie, ils étaient ainsi respectivement de 9 %, 8 % et 16 % dans les bras 1, 2 et 3. Le taux de survie globale était similaire entre les trois bras de l’essai (environ 75 % à 2 ans et 55 % à 5 ans). Les auteurs ont conclu que la chimioradiothérapie était supérieure aux deux autres stratégies en termes de contrôle locorégional de la maladie et de conservation laryngée, sans que cela se traduise par un avantage de survie globale. Ils ont ajouté que, chez les patients désirant conserver leur larynx, la chimiothérapie doit être considérée comme un standard et la laryngectomie comme un traitement de rattrapage. Cette recommandation ne s’applique cependant pas s’il y a une atteinte significative de la base de la langue ou une destruction cartilagineuse.

Références

1. The Department of Veterans Affairs Laryngeal Cancer Study Group. Induction chemotherapy plus radiation compared with surgery plus radiation in patients with advanced laryngeal cancer. N Engl J Med 1991 ; 324 : 1685-90.

2. Richard JM, Sancho-Garnier H, Pessey JJ, Luboinski B, Lefebvre JL, Dehesdin D, et al. Randomized trial of induction chemotherapy in larynx carcinoma. Oral Oncol 1998 ; 34 : 224-8.

3. Pignon JP, Bourhis J, Domenge C, Designe L. Chemotherapy added to locoregional treatment for head and neck squamous-cell carcinoma : three meta-analyses of updated individual data. MACH-NC Collaborative Group. Meta-Analysis of Chemotherapy on Head and Neck Cancer. Lancet 2000 ; 355 : 949-55.

4. Mazeron JJ, Racadot S. 44th meeting of the American Society of Therapeutic Radiology and Oncology (Astro) : New Orleans, 6-10 October 2002. Bull Cancer 2002 ; 89 : 985-90.

5. Forastiere AA, Goepfert H, Maor M, Pajak TF, Weber L, Morrison W, et al. Concurrent chemotherapy and radiotherapy for organ preservation in advanced laryngeal cancer. N Engl J Med 2003 ; 349 : 2091-8.