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Annales de Biologie Clinique

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Réviser le concept de valeurs de référence : une nécessité Volume 59, numéro 4, Juillet - Août 2001

Auteurs
Centre de médecine préventive, Université Henri-Poincaré, Inserm U. 525, 2, avenue du Doyen-Jacques-Parisot, 54501 Vandœuvre-lès-Nancy cedex 01, France
  • Page(s) : 383-92
  • Année de parution : 2001

Le concept théorique de valeurs de référence est apparu dans les années 1970 sous l'impulsion d'un groupe scandinave et notamment de R. Gräsbeck [1, 2]. Parallèlement à la proposition du concept, plusieurs groupes, tant scandinaves que nord-américains ont, à la même époque, initié une série de travaux sur la variabilité affectant un examen de laboratoire [3-7]. Ces travaux fondateurs ont largement contribué à l'émergence d'une nouvelle approche de l'interprétation d'un examen de laboratoire : la notion de « constante biologique », prise dans son acception première avait définitivement vécu. En revanche, ces travaux n'ont pas connu l'audience qu'ils méritaient auprès de la communauté internationale des biologistes. Les efforts de deux groupes, un groupe francophone sous l'égide de la SFBC, puis ultérieurement à l'échelon international sous le patronage de l'IFCC-LM, ont formalisé de façon approfondie le concept de valeurs de référence [8-28]. Le groupe français a d'ailleurs associé à ses travaux des représentants des sociétés de biologie clinique des pays francophones (Espagne, Belgique, Suisse et Canada). Les documents élaborés de 1973 à 1983 ont précisé le concept de valeurs de référence ainsi que les méthodes de production, l'intérêt et l'utilisation des valeurs de référence. Dès lors, les « valeurs de référence » ont été largement popularisées auprès des instances supranationales, des pouvoirs publics, des administrations, des services de santé et bien évidemment des professionnels de santé eux-mêmes. Par exemple, les organismes internationaux les mentionnent dans les référentiels professionnels, réglementaires ou normatifs (par exemple : référentiel qualité EC4, norme ISO 15189), dans l'Union européenne, la Directive 98/79/CE du 27 octobre 1998, fait obligation aux fabricants de communiquer des limites de références, avec une description de la population de référence considérée, sur les notices incluses dans les coffrets réactifs. Les biologistes sont tenus de les mentionner dans les comptes rendus d'analyse en application des recommandations internationales et nationales, notamment du guide de bonne exécution des analyses (GBEA) en vigueur en France. Ce formidable succès du concept des valeurs de référence, maintenant universellement reconnu et appliqué, masque une réalité moins réjouissante. En effet, au cours des années écoulées, la mise en œuvre des textes fondateurs ne l'a pas été avec toute la rigueur qui imprégnait l'esprit d'origine : bien souvent les professionnels confondent des notions aussi différentes que « valeurs de référence » ou « limites de référence », sans parler des « limites de décision ». Les méthodes proposées dans la littérature pour les déterminer se sont multipliées à tel point que bien des biologistes ne savent plus très bien ce qui doit être fait. Cela est dû en grande partie au fait que ces recommandations sont trop théoriques et que leurs utilisateurs sous-estiment le travail nécessaire à leur mise en œuvre. Il paraît opportun de revoir d'un point de vue pratique les textes fondateurs et de développer l'usage des valeurs de référence grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'objet de cet article est donc d'attirer l'attention des biologistes sur la nécessité d'agir vite, en vue de préciser le concept et de proposer une démarche pratique.