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Annales de Biologie Clinique

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Intérêt de l’examen cytologique du frottis sanguin dans l’évolution d’une prolifération lymphoïde B : à propos d’un cas Volume 59, numéro 6, Novembre - Décembre 2001

Auteurs
Laboratoire d’hématologie, GH Charles-Foix-Jean-Rostand, 7, avenue de la République, 94205 Ivry-sur-Seine
  • Page(s) : 761-3
  • Année de parution : 2001

Monsieur M., âgé de 70 ans, est hospitalisé début 2000 pour bilan d’une anémie. Dans ses antécédents personnels sont retrouvés une polyradiculonévrite aiguë (1979), une gammapathie monoclonale bénigne de type IgG kappa (1982), une hépatite virale C et post-éthylique (1983), un accident vasculaire cérébral sans séquelles (1986), une hypertension artérielle traitée, un diabète non insulino-dépendant traité par voie orale, une insuffisance cardiaque sur cardiopathie dilatée. En 1988, une hyperlymphocytose à 106.109/L est découverte fortuitement. Le diagnostic de leucémie lymphoïde chronique (LLC) B atypique est alors porté, 30 % des cellules lymphoïdes sanguines étant identifiées comme des prolymphocytes. Monsieur M. reçoit à l’époque différentes cures de chimiothérapie qui se sont toutes avérées inefficaces sur l’hyperlymphocytose : cures de chloraminophène seul, cures de miniCHOP, et enfin prednimustine (Stéréocyt®, agent alkylant qui n’est plus commercialisé actuellement). En 1990, étant donné l’existence d’une volumineuse splénomégalie (débord de 10 cm), il est décidé d’effectuer une splénectomie. L’examen anatomopathologique de la rate confirme l’envahissement splénique par une prolifération lymphoïde B. Devant le bon état général du patient et la disparition de l’hyperlymphocytose, une abstention thérapeutique est décidée à partir de décembre 1990. Le patient est considéré en rémission complète depuis 1996. Lors de son hospitalisation à l’hôpital Charles-Foix début 2000, l’examen clinique du patient ne révèle ni hépatomégalie, ni adénopathies superficielles. Il n’existe pas de signes d’insuffisance hépatocellulaire. Le bilan hématologique révèle une anémie modérée (Hb : 109 g/L), normocytaire (VGM : 92 fL), normochrome, arégénérative (réticulocytes : 39.109/L), et une thrombocytose modérée à 530.109/L très probablement liée à la splénectomie. Le chiffre de leucocytes est de 11,2.109/L, la formule sanguine montrant une hyperlymphocytose à 7,6.109/L, sans neutropénie. L’examen du frottis sanguin du patient (figure 1) montre un aspect polymorphe des cellules lymphoïdes : environ la moitié sont des petits lymphocytes matures normaux (38 % des éléments nucléés), l’autre moitié (30 % des éléments nucléés) est constituée de cellules monomorphes de taille intermédiaire, au noyau à chromatine fine comprenant un volumineux nucléole central ou subcentral, et au cytoplasme basophile dépourvu de granulations. L’aspect cytologique est compatible soit avec celui d’un lymphome du manteau, soit avec celui d’une prolifération prolymphocytaire malgré l’aspect lâche de la chromatine. Devant la réapparition de l’hyperlymphocytose et la présence de ces lymphocytes anormaux, un myélogramme et un immunophénotypage médullaire sont pratiqués. Le myélogramme révèle une moelle hypoplasique avec une infiltration par 37,5 % de lymphocytes dont certains ont un aspect plus jeune : cellules de grande taille, cytoplasme nettement basophile, noyaux nucléolés à chromatine fine. L’immunophénotypage médullaire (laboratoire d’hématologie, Pr H. Merle-Béral, hôpital de la Salpêtrière) permet de mettre en évidence une population lymphocytaire clonale B kappa + CD5+/FMC7+/CD79b+/CD10–/CD23– (tableau 1) plutôt évocatrice d’un lymphome du manteau. La recherche d’une hyper-expression de la cycline D1 par des techniques de biologie moléculaire s’est avérée négative, ce qui, en revanche, n’est pas en faveur d’un lymphome du manteau. Le diagnostic retenu est donc celui d’une LLC mixte (LLC/LPL B). Compte tenu des antécédents cardiaques du patient, une simple surveillance clinique et biologique est décidée. Le patient décède quelques mois plus tard des suites d’un choc septique sévère.