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ANALYSE D'ARTICLE

Utilisation du téléphone portable et qualité du sperme dans la cohorte états-unienne EARTH

L’hypothèse d’un lien entre l’utilisation du téléphone portable et une altération de la qualité du sperme n’est pas soutenue par cette étude chez des participants à l’Environment and Reproductive Health Study (EARTH), qui contredit un précédent travail dans une population d’hommes en bilan d’infertilité.

This study of Environment and Reproductive Health Study (EARTH) participants does not support the hypothesis of a link between mobile phone use and altered semen quality and thus contradicts a previous work of men undergoing infertility testing that found such a link.

Plusieurs facteurs environnementaux sont suspectés de contribuer au déclin de la qualité du sperme rapporté dans certaines études en Europe et aux États-Unis, parmi lesquels l’exposition au champ électromagnétique de radiofréquence (CEM-RF) émis par les téléphones portables. Les preuves expérimentales comme épidémiologiques sont toutefois limitées et les effets observés sur les différents paramètres examinés sont souvent discordants.

Dans cet ensemble peu cohérent, une première étude transversale dans la population états-unienne, publiée en 2008, a mis en évidence une relation inverse entre la durée d’utilisation quotidienne du portable et quatre paramètres du spermogramme (nombre, mobilité, viabilité et morphologie des spermatozoïdes) chez 361 hommes engagés dans un bilan d’infertilité de leur couple. Cette seconde investigation dans une population similaire repose également sur des données d’exposition autodéclarées, mais leur recueil a été plus complet et un plus grand nombre de covariables a été pris en compte.

Population et schéma de l’étude

Dans le cadre de l’étude longitudinale EARTH, mise en place au Massachusetts General Hospital Fertility Center, 384 membres masculins de couples rencontrant des difficultés à procréer ont été recrutés entre 2004 et 2015. À partir de 2008, le questionnaire d’entrée, administré par une infirmière, a été enrichi de questions relatives aux habitudes d’utilisation du téléphone au cours des trois mois précédents : durée moyenne d’utilisation quotidienne (permettant de constituer trois sous-groupes d’utilisateurs : moins de 2 h/j, entre 2 et 4 h, plus de 4 h/j), fréquence de l’usage d’un casque ou d’une oreillette (cinq catégories, de jamais à toujours) et emplacement habituel de l’appareil (poche de pantalon ceinture, sacoche ou autre).

Ces données étaient disponibles pour 169 participants, dont 162 avaient fourni un échantillon de sperme pour analyse (volume de l’éjaculat, concentration et compte total des spermatozoïdes ainsi que des formes mobiles, pourcentage des formes morphologiquement normales), en moyenne neuf semaines après l’inclusion dans la cohorte. D’autres prélèvements avaient été effectués à intervalles d’environ dix semaines lorsque la partenaire avait dû subir plusieurs cycles de traitement. En excluant les données d’analyses de 45 échantillons obtenus après une durée d’abstinence inconnue, le matériel exploitable comportait 350 spermogrammes concernant 153 participants. Les paramètres de qualité du sperme étaient rarement inférieurs aux valeurs seuils de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la concentration des spermatozoïdes (7 % des échantillons anormaux), leur compte total (8 %) et le pourcentage des formes normales (15 %), mais la prévalence de l’asthénospermie atteignait 40 %.

La répétition de l’échantillonnage pour 56 % des participants (à deux reprises : 28 %, trois : 9 % et au moins quatre : 19 %) a été prise en compte par l’utilisation d’un modèle linéaire à effets mixtes intégrant la variabilité intra-individuelle. Les covariables contrôlées étaient l’âge, l’indice de masse corporelle, l’origine ethnique et la durée d’abstinence.

Absence de relation claire

Les analyses ont été réalisées en référence au groupe des non-utilisateurs de portable (31 % de la population). Si quelques résultats sont significatifs, ils ne dessinent pas un schéma d’ensemble cohérent. L’analyse selon l’emplacement habituel de l’appareil identifie, par exemple, deux associations isolées, l’une positive entre le port dans une poche de pantalon et le compte total des formes mobiles, la seconde négative entre un autre emplacement et le volume de l’éjaculat. L’utilisation du téléphone avec une oreillette ou un casque est associée à une augmentation significative du compte des formes mobiles, sans différence sur les cinq autres paramètres examinés par rapport aux non-utilisateurs. La prise en compte de la durée d’utilisation ne dégage aucune tendance claire. Des stratifications supplémentaires (antécédents de chirurgie de l’appareil reproducteur, épisode fébrile au cours des trois derniers mois, tabagisme, consommation d’alcool, de compléments alimentaires, saison estivale ou hivernale) aboutissent également à des résultats hétérogènes.

Les auteurs précisent que la petite taille de la population incluse et sa particularité limitent les conclusions qui peuvent être tirées de leur étude et appellent à poursuivre les efforts méthodologiques pour mieux caractériser l’utilisation des téléphones et examiner la relation temporelle avec la qualité du sperme.


Publication analysée :

* Lewis R1, Minguez-Alarcón L, Meeker J, et al. Self-reported mobile phone use and semen parameters among men from a fertility clinic. Reprod Toxicol 2017; 67: 42-47. doi : 10.1016/j.reprotox.2016.11.008

1 Center for Health Sciences, Exponent, Inc., Oakland, États-Unis.