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ANALYSE D'ARTICLE

Pollution atmosphérique urbaine : corrélations entre les différents polluants du mélange

Les résultats de cette campagne de mesures des polluants atmosphériques dans la ville de Montréal indiquent que la composition du mélange varie de manière importante d’une saison à l’autre et d’un endroit à l’autre. Les corrélations entre les polluants varient également dans le temps et l’espace et aucun polluant ne s’avère un indicateur idéal de la pollution pour les études épidémiologiques. La valeur indicative des oxydes d’azote, et en particulier du NO2, apparaît toutefois relativement bonne.

The results of this campaign to measure air pollutants in Montreal, Canada, indicate that the composition of the mix varies considerably according to season and neighborhood. Correlations between the pollutants also vary according to time and space and no single pollutant was a perfect indicator of pollution for epidemiological studies. Nitrogen oxide species, and particularly NO2, seem to be relatively good indicators.

Bien que la pollution atmosphérique urbaine soit un mélange complexe de polluants, les études sur les effets sanitaires de l’exposition à long terme utilisent souvent les données de concentration d’un seul polluant pris comme indicateur du mélange (généralement le dioxyde d’azote [NO2]), ou s’appuient sur des modélisations de la distribution spatiale de quelques polluants couramment mesurés (le NO2, les oxydes d’azote [NOX] et le carbone suie par exemple). Les données entrées dans les modèles proviennent de campagnes de mesures ponctuelles (sur 2 semaines habituellement) et ne sont pas forcément représentatives de la variabilité saisonnière ou annuelle.

Ces pratiques peuvent générer des erreurs dans l’attribution de l’exposition, dont l’ampleur est méconnue, qui nuisent à l’établissement de la relation exposition-effet et, in fi ne, à la compréhension de l’impact sanitaire de la pollution. Afin d’améliorer la connaissance des relations entre les différents polluants et de leurs variations temporospatiales, des mesures de 23 polluants ont été réalisées pendant 34 jours dans la ville de Montréal, au cours de l’hiver (11 jours), de l’été (17 jours) et de l’automne (6 jours) de l’année 2009. Les polluants étaient mesurés simultanément à une fréquence comprise entre 0,5 secondes et 2 minutes, par une station mobile géolocalisée en permanence qui se déplaçait le long d’axes routiers, dans l’est de la ville (où se situe la majorité des sites industriels, notamment pétrochimiques) ou dans sa partie ouest et centre. Pour chaque segment de route et chaque polluant, les valeurs de concentration journalières et saisonnières moyennes ont été calculées, et les corrélations aux autres polluants ont été déterminées.

 

 

Variations saisonnières

Les concentrations de tous les polluants étaient plus élevées en hiver qu’en été (jusqu’à 2 fois plus pour les particules ultrafines [PUF = PM1]), sauf pour l’ozone (O3) et les composés organiques volatils (COV : benzène, isopropylbenzène, toluène et xylènes). Les corrélations entre les niveaux du NO2 et des PUF étaient similaires au cours des deux saisons (r = 0,71 en hiver et 0,77 en été), mais l’augmentation d’1 partie par milliard par volume (ppbv) de la concentration du NO2 était associée à une plus grande augmentation du nombre des PUF en hiver (2 281/cm3) qu’en été (1 384/cm3), ce qui signifie que dans les zones où le NO2 est élevé, les quantités de PUF sont plus importantes en hiver qu’en été.

La corrélation entre le NO2 et le carbone suie était supérieure en été (r = 0,80 versus 0,55 en hiver) et, à l’inverse des PUF, l’augmentation d’1 ppbv du NO2 était associée à une plus grande augmentation de la concentration de carbone suie en été (0,181 μg/m3) qu’en hiver (0,059 μg/m3). La concentration médiane de matières organiques était supérieure en hiver (3 vs 2,2 μg/m3 en été) et moins bien corrélée au NO2 (r = 0,28 vs 0,72 en été). La concentration médiane de composés organiques hydrocarbonés (HOA) était également plus élevée en hiver qu’en été (0,82 vs 0,40 μg/m3) mais le coefficient de corrélation était identique pour les deux saisons (r = 0,53). Comme pour les PUF, l’augmentation du niveau du NO2 était associée à une plus grande augmentation de celui des HOA en hiver (0,035 μg/m3) qu’en été (0,018 μg/m3). Ces résultats indiquent que les relations entre le NO2 et les autres polluants sont sujettes à des variations saisonnières.

 

Corrélations multipolluants

Sur la base de toutes les mesures (données des 34 jours combinées), l’étude montre des corrélations spatiales élevées (r allant de 0,70 à 0,99) entre les différentes espèces d’oxydes d’azote (monoxyde [NO], NO2, NOX [NO + NO2], composés très oxygénés [NOz incluant notamment le nitrate de peroxyacétyle, l’acide nitrique et le pentoxyde de diazote] et espèces totales [NOy = NOX+ NOz]). D’une manière générale, le NO et les NOy sont plus fortement corrélés aux autres polluants que le NO2 et les NOX, ce qui suggère qu’ils constitueraient de meilleurs indicateurs de la pollution globale. Ainsi, les coefficients de corrélation avec les PUF sont respectivement de 0,63, 0,80 et 0,89 pour le NO2, les NOX et le NO comme les NOy. Les autres polluants issus de la combustion (CO, O3, PUF, HOA, matières organiques [MO]) sont bien corrélés avec la plupart des polluants (r compris entre 0,46 et 0,55) sauf avec le dioxyde de soufre (SO2) et les COV dont les émissions sont plus de nature industrielle que liées au trafic routier. Les différentes fractions des matières en suspension (PM10, PM2,5 et PM1) sont bien corrélées entre elles (r compris entre 0,56 et 0,85) et moins bien avec les espèces azotées (r compris entre 0,29 et 0,59). Les corrélations spatiales entre les polluants ont été examinées plus précisément dans trois quartiers de la ville offrant des contrastes en termes de sources d’émissions (importances variables du trafic, des activités industrielles et du chauffage au bois résidentiel). Elles diffèrent notablement d’un quartier à l’autre, mais les espèces azotées sont partout celles qui sont les mieux corrélées aux autres polluants (r compris entre 0,40 et 0,54 pour le NO2, entre 0,44 et 0,55 pour les NOX et entre 0,43 et 0,54 pour les NOy. Les PUF sont relativement bien corrélées aux autres polluants (r compris entre 0,38 et 0,51), contrairement aux PM2,5. Si aucun polluant n’apparaît pouvoir jouer le rôle de parfait traceur de la pollution globale, les résultats de cette étude indiquent, dans leur ensemble, que les espèces azotées, faciles à mesurer et couramment disponibles (NO, NO2, NOX) peuvent être considérées comme de relativement bons indicateurs, ainsi que, dans une moindre mesure, les PUF.

 

Laurence Nicolle-Mir


Publication analysée :

Levy I1, Roy A, Mihele C, Lu G, Narayan J, Brook JR. Evaluating multipollutant exposure and urban air quality: pollutant interrelationships, neighborhood variability, and nitrogen dioxide as a proxy pollutant. Environ Health Perspect 2014; 122: 65-72.

doi: 10.1289/ehp.1306518

 

1 Air Quality Processes Research Section, Environment Canada, Downsview, Canada.