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ANALYSE D'ARTICLE

Implication des structures cérébrales sous-corticales lors d’une stimulation olfactive chez des sujets « hypersensibles » aux produits chimiques

S’intéressant au syndrome de sensibilité aux produits chimiques (multiple chemical sensitivity – MCS), des chercheurs italiens ont tenté d’évaluer les changements métaboliques sous-corticaux liés à une stimulation olfactive chez des sujets sains et des sujets MCS, en utilisant une technique nouvellement validée.

This study, focusing on multiple chemical sensitivity (MCS), aims to assess by a recently validated technique subcortical metabolic changes relating to olfactory stimulation in healthy subjects and MCS patients.

En Occident, la prévalence des symptômes de sensibilité auto déclarée aux produits chimiques varie de 9 à 33% alors que les médecins rapportent une prévalence de la sensibilité chimique multiple (MCS) diagnostiquée beaucoup plus faible, de l’ordre de 0,5% à 6,3%.

Les personnes MCS réagissent habituellement à une large gamme de produits comme le pétrole, les parfums, les pesticides, et se plaignent de symptômes variés (maux de tête, fatigue, problèmes respiratoires, vertiges, nausées, troubles de l’odorat). L’étiologie du syndrome MCS reste sujette à de nombreux débats et diverses hypothèses ont été suggérées : une inflammation neurogène ou une rupture biochimique, une hyper-réactivité pathologique de neurones des zones olfactive et limbique du cerveau ou encore du système nerveux central (SNC), les réponses altérées du SNC étant supposées être parallèles à l’anxiété accrue, à l’évitement, au stress d’anticipation vis-à-vis d’une exposition à des produits chimiques. Cependant, les divergences entre les résultats d’études peuvent tout autant refléter des comportements intempestifs, qu’un engagement sensoriel spécifique de différentes régions du cerveau ou encore des écarts méthodologiques. De plus, il pourrait être utile de démêler les possibles interférences impliquant des voies olfactives neurales particulières avant d’atteindre le niveau cortical.

Méthode

Ont été inclus dans l’étude les patients MCS admis au centre régional pour le diagnostic, la prévention, et le traitement de MCS à l’université Tor Vergataà Rome.

Les critères de « diagnostic » étaient : des symptômes nez-gorge-oreilles présents depuis au moins six mois ; des symptômes apparaissant en réponse à une exposition à au moins deux parmi 11 produits chimiques volatils ; une co-occurrence d’au moins un symptôme venant du SNC avec un symptôme d’un autre d’organe ; des symptômes provoquant un changement du mode de vie ; des symptômes apparaissant à l’exposition et diminuant ou cessant à la disparition de l’exposition ; des symptômes déclenchés à des niveaux d’exposition qui n’engendrent aucun symptôme chez les autres individus.

Les sujets témoins, sains (healthy controls – HC) étaient appariés sur l’âge et le sexe.

Étaient exclus du groupe MCS et du groupe HC les sujets ayant les pathologies suivantes : diabète, cancers, infection par le VIH, troubles neurologiques ou psychiatriques, chirurgie ou traumatisme ou radiation au cerveau, troubles qui pourraient développer un dysfonctionnement olfactif, etc.

Tous les sujets ont été soumis à une stimulation olfactive neutre (NC : masque facial contenant un aérosol avec 5 ml de chlorure de sodium) et à une stimulation olfactive pure (OC : solution de 1,5 ml de vanilline avec 5 ml de chlorure de sodium), les deux stimulations étant administrées de manière aléatoire avec un décalage d’un mois.

Dans les deux groupes, la performance olfactive (seuil d’odeur, discrimination d’odeur, identification d’odeur) a été évaluée au moment de l’inclusion dans l’étude. De plus, les sujets ont rempli un questionnaire pour évaluer les troubles olfactifs, l’intensité subjective et le désagrément subjectif de la perception olfactive, ainsi que le degré d’anxiété général.

L’activité du cerveau après stimulation olfactive a été examinée par PET scan.

Les différences de réponses ont été analysées par région sous-corticale.

Résultats

Parmi les 31 patients MCS initialement recrutés, seuls 26 ont finalement été inclus dans l’étude (20 femmes et six hommes - âge moyen : 46,7 ans). Le groupe témoin (HC) était constitué de 11 personnes (6 femmes et cinq hommes – âge moyen : 45,7 ans).

Un métabolisme diminué a été observé aussi bien chez les MCS que chez les HC dans le putamen bilatéral (ganglions de la base du cortex) et l’hippocampe après stimulation olfactive (OC) en comparaison à la stimulation neutre (NC). Inversement, le métabolisme était augmenté dans l’amygdale, le noyau caudé et le cortex olfactif après stimulation olfactive par rapport à la stimulation neutre, et ce, dans les deux groupes MCS et HC.

De plus, en comparaison des témoins, les sujets MCS avaient un métabolisme significativement plus élevé dans le cortex olfactif pendant la stimulation neutre.

L’article ne fait en revanche aucun commentaire sur les éventuels écarts de métabolisme entre témoins HC et sujets MCS pendant une réelle stimulation olfactive, et notamment ne mentionne pas si l’écart de métabolisme entre les deux groupes est diminué, conservé ou augmenté.

Si l’on rassemble les différentes données en un tableau (ci-dessous), on constate que les valeurs présentées, qui ne sont pas très explicites (notamment en termes d’unités), apparaissent globalement du même ordre de grandeur entre sujets MCS et sujets sains.

  Stimulation neutre Stimulation olfactive
  Sujets MCS Sujets témoins Sujets MCS Sujets témoins
Amygdale gauche 0,77 ± 0,03 0,79 ± 0,05 0,87 ± 0,06 0,86 ± 0,05
Amygdale droite 0,76 ± 0,04 0,77 ± 0,05 0,87 ± 0,03 0,86 ± 0,05
Noyau caudé gauche 0,78 ± 0,06 0,81 ± 0,05 1,13 ± 0,07 1,14 ± 0,04
Noyau caudé droit 0,78 ± 0,05 0,80 ± 0,04 1,12 ± 0,05 1,13 ± 0,04
Cortex olfactif gauche 0,78 ± 0,04 0,76 ± 0,06 1,11 ± 0,05 1,11 ± 0,05
Cortex olfactif droit 0,77 ± 0,04 0,74 ± 0,06 1,10 ± 0,06 1,11 ± 0,05
Pallidum gauche 0,87 ± 0,03 0,87 ± 0,03 1,12 ± 0,04 1,14 ± 0,02
Pallidum droit 0,86 ± 0,04 0,86 ± 0,04 1,11 ± 0,05 1,13 ± 0,05
Putamen gauche 0,89 ± 0,04 0,90 ± 0,06 0,77 ± 0,05 0,79 ± 0,06
Putamen droit 0,88 ± 0,05 0,89 ± 0,06 0,76 ± 0,06 0,78 ± 0,06
Hippocampe gauche 0,93 ± 0,03 0,94 ± 0,05 0,75 ± 0,06 0,76 ± 0,05
Hippocampe droit 0,92 ± 0,04 0,94 ± 0,05 0,74 ± 0,04 0,75 ± 0,05

Les auteurs de l’article indiquent cependant, comme signalé plus haut, que le métabolisme serait significativement plus élevé dans le cortex bilatéral olfactif chez les sujets MCS que chez les sujets sains durant la stimulation neutre (voir les chiffres en gras). Durant la stimulation olfactive, aucun commentaire n’a été fait pour comparer les métabolismes des deux groupes MCS et témoins. Bien que nous ne disposions pas de tests appropriés, les chiffres présentés apparaissent très similaires sans différence significative.

Ces éléments auraient mérité d’être commentés.

Les questionnaires indiquent des scores significativement plus élevés chez les MCS en termes de troubles olfactifs, de seuils d’odorat, d’intensité subjective de perception et d’anxiété générale. Inversement, sur le désagrément subjectif de la perception d’odeurs les scores sont significativement plus élevés chez les témoins.

L’article fait également état de corrélations diverses entre le désagrément subjectif de la perception d’odeurs et l’activation de zones particulières du cerveau, différentes entre sujets MCS et témoins, pendant la stimulation olfactive :

  • corrélation positive entre désagrément subjectif de la perception d’odeurs et l’activation du putamen chez les sujets MCS ;
  • corrélation négative entre désagrément subjectif de la perception d’odeurs et l’activation bilatérale de l’amygdale et de l’hippocampe chez les sujets témoins.

Publication analysée :

* Alessandrini M1, Micarelli A, Chiaravalloti A, et al. Involvement of sub-cortical brain structures during olfactory stimulation in multiple chemical sensitivity. Brain Topogr 2016; 29: 243-52.doi: 10.1007/s10548-015-0453-3

1 Department of Clinical Sciences and Translational Medicine, Tor Vergta university, Rome, Italie.