JLE

ANALYSE D'ARTICLE

Exposition aux PM2,5 et glycémie dans une population âgée non diabétique : association et médiation épigénétique

Dans cette population d’hommes âgés non diabétiques, l’exposition aux PM2,5 est associée au niveau de la glycémie à jeun et au risque d’une valeur dans la fourchette « pré-diabétique ». Cette association apparaît en partie médiée par l’augmentation du niveau d’expression d’un gène de l’inflammation induite par l’exposition.

In this population of older non-diabetic men, PM2.5 exposure is associated with fasting blood glucose levels and risk of impaired fasting blood glucose. This appears to be in part mediated by the higher expression of an exposure-induced inflammatory gene.

Si la pollution particulaire a récemment été identifiée comme un facteur de risque possible de diabète, cette étude est la première à décrire la relation entre l’exposition aux particules fines (PM2,5) et la glycémie dans une population non diabétique (glycémie à jeun < 126 mg/dL). Son autre intérêt notable est d’offrir un éclairage mécanistique sur l’association observée.

 

Hypothèses de travail

La première hypothèse examinée était celle d’une association entre l’exposition à des niveaux élevés de PM2,5 et l’hyperglycémie modérée à jeun (HMJ), définie par une glycémie comprise entre 100 et 125 mg/dL, prédictrice du risque de diabète mais aussi de maladies cardiovasculaires et de démence selon certaines études. La seconde hypothèse était celle d’une surexpression de gènes de l’inflammation due à des modifications épigénétiques (niveau de méthylation de l’ADN) induites par l’exposition. Divers travaux indiquent en effet le rôle pivôt de l’inflammation, à la fois dans la physiopathologie du diabète et dans la toxicité des particules atmosphériques.

En accord avec les données de la littérature, quatre gènes impliqués dans les processus inflammatoires ont été sélectionnés : IFN-γ et IL-6 (codant pour des cytokines, respectivement l’interféron de type II et l’interleukine 6), ICAM-1 (glycoprotéine d’adhésion intercellulaire) et TLR-2 (protéine trans-membranaire). Pour considérer que leur niveau de méthylation (déterminé ici dans l’ADN de leucocytes circulants) pouvait être un facteur intermédiaire dans la relation entre l’exposition et l’effet, il devait être associé, en amont au niveau des PM2,5, et en aval à celui de la glycémie.

Population incluse

L’étude a été conduite dans une sous-population de la Normative Aging Study, cohorte masculine de vétérans américains (principalement de la seconde guerre mondiale et de la guerre de Corée) résidant dans la région de Boston. La cohorte a été établie en 1963 avec un suivi individuel tous les 3 à 5 ans (questionnaire de santé, examen clinique, prélèvement d’un échantillon sanguin à jeun). L’exposition résidentielle aux PM2,5 a commencé à être estimée à partir de l’année 2000 à l’aide d’un modèle hybride alimenté par des données satellitaires (épaisseur optique de l’aérosol déterminée quotidiennement à une résolution spatiale de 10 × 10 km par le radiomètre multispectral MODIS) et des données de mesure au sol (concentration journalière des PM2,5 fournie par 26 stations de surveillance et variables météorologiques).

La relation entre l’exposition aux PM2,5, le niveau de méthylation des quatre gènes sélectionnés et la glycémie a été examinée dans une population de 551 participants non diabétiques au départ (année 2000) réunissant toutes les informations nécessaires. L’âge moyen était de 73,3 ans et la prévalence de l’HMJ était de 18 %. Plusieurs observations successives ont pu être recueillies pour 365 sujets ayant participé à une (n = 163) ou au moins deux (n = 202) autres visites de suivi jusqu’en 2011, parmi lesquels 52 ont été diagnostiqués diabétiques (la dernière observation retenue était alors celle de la visite précédant le diagnostic). Les analyses portent sur un nombre total de 1 152 observations.

Exposition aux PM2,5 et glycémie

L’effet à court et moyen termes de l’exposition aux PM2,5 sur la glycémie a été estimé en considérant trois périodes d’exposition précédant le jour de la mesure : la veille, la semaine (moyenne des concentrations journalières des sept jours précédents) et le mois (moyenne des 28 jours). Le modèle statistique tenait compte des corrélations entre les observations réalisées à plusieurs reprises chez un même sujet et était ajusté pour l’âge, l’indice de masse corporelle, l’origine ethnique, le niveau d’activité physique, la consommation d’alcool et de tabac, le niveau d’études, les traitements par statines, la température et la saisonnalité.

L’augmentation d’un intervalle interquartile (IIQ) du niveau des PM2,5 est associée à une élévation de la glycémie aux trois intervalles de temps considérés : + 0,57 mg/dL (IC95 = 0,02-1,11 ; p = 0,04), 1,02 mg/dL (0,41-1,63 ; p = 0,001) et 0,89 mg/dL (0,32-1,47 ; p = 0,003) respectivement pour une augmentation d’un IIQ des concentrations du jour précédant la mesure (+ 5,73 μg/m3), des sept jours (4,28 μg/m3) et des 28 jours (3,09 μg/m3) précédents. Dans une analyse catégorielle, ces mêmes incréments du niveau des PM2,5 se traduisent respectivement par une augmentation du risque d’HMJ de 13 % (OR = 1,13 [0,97-1,33]), 27 % (OR = 1,27 [1,06-1,52]) et 32 % (OR = 1,32 [1,10-1,58]).

Médiation épigénétique

Des quatre gènes candidats, seul ICAM-1 présente un degré de méthylation associé à la fois au niveau des PM2,5 et à celui de la glycémie, ces deux associations étant négatives et formant un ensemble biologiquement plausible pour une action sur la régulation glycémique.

L’exposition aux PM2,5 entraînerait ainsi une déméthylation d’ICAM-1 dont l’effet attendu est une régulation à la hausse de son expression, la méthylation de l’ADN rendant généralement un gène silencieux. La glycoprotéine ICAM-1 est responsable de l’adhésion des leucocytes circulants aux cellules endothéliales, première étape de leur transmigration vers le tissu cible. Dans le cas du tissu adipeux, un lien a été établi entre l’inflammation chronique à bas bruit et la résistance à l’insuline. Alternativement, une inflammation du pancréas pourrait affecter la sécrétion d’insuline.

Les résultats d’une analyse de médiation indiquent que, sur la fenêtre temporelle la plus longue prise en compte (28 jours), la diminution de la méthylation d’ICAM-1 associée à l’augmentation de l’exposition aux PM2,5 pourrait expliquer 9 % de l’effet observé sur la glycémie. Des analyses de sensibilité (exclusion des fumeurs, des participants avec une élévation de la protéine C-réactive témoignant d’une inflammation aiguë, ajustements supplémentaires sur les apports alimentaires en termes de calories et d’indice glycémique) aboutissent à un résultat voisin : proportion de l’association entre les PM2,5 et la glycémie médiée par la méthylation d’ICAM-1 égale à 10 %.

Des modifications épigénétiques d’autre nature que la méthylation de l’ADN (qui n’est pas la seule à contrôler le niveau d’expression génique) et/ou touchant d’autres gènes que les quatre étudiés ici pourraient contribuer à expliquer l’effet de la pollution particulaire sur la glycémie. Des travaux de type « étude d’association pan-épigénomique » sont nécessaires pour déterminer dans quelle mesure des altérations épigénétiques peuvent médier les effets d’expositions environnementales sur le métabolisme glucidique.

 


Publication analysée :

* Peng C1, Bind MC, Colicino E, et al. Particulate air pollution and fasting blood glucose in nondiabetic individuals: associations and epigenetic mediation in the Normative Aging Study, 2000-2011. Environ Health Perspect 2016; 124: 1715-21. doi.org/10.1289/EHP183

1 Department of Environmental Health, Harvard T.H. Chan School of Public Health, Boston, États-Unis.