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ANALYSE D'ARTICLE

Exposition au mercure et risque d’asthme chez l’enfant d’âge scolaire

Cette étude coréenne montre une association entre le niveau de la concentration plasmatique de mercure, mesurée à l’âge de 7-8 ans, et le risque d’apparition d’un asthme dans les quatre ans qui suivent. Elle appelle à la réalisation d’autres études dans différentes populations, afin d’explorer le lien entre l’exposition au mercure et l’asthme de l’enfant et de déterminer, le cas échéant, une fenêtre de vulnérabilité.

This Korean study shows an association between blood mercury concentrations, measured in children aged 7-8, and the risk of asthma onset within four years. It calls for further studies of different populations, to explore the possible link between mercury exposure and childhood asthma and to identify any possible window of vulnerability.

Bien que des études toxicologiques aient rapporté des effets du mercure sur le système immunitaire, l’hypothèse qu’une exposition environnementale au mercure, même de faible niveau, puisse favoriser la survenue d’un asthme, n’avait jamais été étudiée auparavant. La relation entre l’exposition au mercure et le risque de manifestations allergiques a fait l’objet de deux études, l’une coréenne, chez des adultes, qui montre une association avec la dermatite atopique, l’autre japonaise, dans une population de 582 paires mères-enfants (âgés de 29 à 39 mois), qui n’indique pas d’association entre le sifflement respiratoire (wheezing) ou l’eczéma de l’enfant et la concentration de mercure dans ses cheveux ou dans ceux de sa mère.

Cette étude a inclus une population plus nombreuse d’enfants plus âgés, dont l’exposition au mercure a été estimée par la mesure des concentrations plasmatiques. Elle présente l’intérêt d’un schéma longitudinal avec une durée de suivi totale de quatre ans et une évaluation intermédiaire, mais elle souffre d’un nombre important de perdus de vue, ce qui a pu introduire un biais de sélection. Les auteurs en ont tenu compte en effectuant une analyse de sensibilité par la méthode des pondérations (dans laquelle les observations des sujets participants sont pondérées en fonction de leur probabilité de participation prédite). Par ailleurs, des erreurs de classement sont possibles, l’asthme étant défi ni par une réponse positive à la question du questionnaire parental : « Un médecin a-t-il diagnostiqué un asthme chez votre enfant ? ». Toutefois, la validité des questionnaires dans les études sur l’asthme est jugée raisonnablement bonne, et la couverture santé universelle en République de Corée réduit la possibilité que des enfants asthmatiques ne bénéficient pas de soins médicaux.

 

Population participante

La population de départ est celle de la Children’s Health and Environment Research Study, qui a été conduite entre 2005 et 2010 dans le but d’explorer les relations entre des facteurs environnementaux et les troubles neurodéveloppementaux ainsi que les maladies allergiques chez des enfants d’âge scolaire. Les 5 826 enfants de 7 à 8 ans inclus ont été recrutés dans 33 écoles primaires de 10 villes. Après exclusion des enfants asthmatiques (n = 963) et des quelques cas de diabète, trouble du développement et cancer, ainsi que des enfants chez lesquels le mercure plasmatique n’avait pas été mesuré au départ (n = 502), la population analysable s’élevait à 4 350 enfants (avec un équilibre entre les deux sexes).

Les antécédents d’asthme chez la mère (2 % des enfants) et le père (2 % également) ont été recueillis via le questionnaire administré aux parents, qui rapportait également une exposition in utero et postnatale à la fumée de tabac chez respectivement 22 et 32 % des enfants, et la présence d’un chien ou d’un chat dans 29 % des foyers. Les autres covariables prises en compte en tant que facteurs de confusion potentiels ont été le sexe de l’enfant et le niveau d’études de chaque parent, ainsi que, dans des analyses de sensibilité, la ville de recrutement et la fréquence de consommation de poisson, qui était le plus souvent d’une fois par semaine (48 % des enfants) ou de deux à trois fois/semaine (43 %).

À l’entrée, la valeur moyenne du mercure plasmatique était de 2,02 μg/L et sa distribution était la suivante : premier quartile jusqu’à 1,42 μg/L, deuxième quartile jusqu’à 2,17 μg/L et troisième quartile jusqu’à 3,24 μg/L. Les mesures ont été répétées deux ans après (enfants âgés de 9-10 ans) puis de nouveau deux ans plus tard (enfants âgés de 11-12 ans). Les concentrations de mercure aux différents âges étaient bien corrélées (valeurs moyennes respectivement égales à 1,79 et 1,96 μg/L lors des évaluations intermédiaire et finale).

Les auteurs ont examiné l’association entre la concentration plasmatique de mercure à l’âge de 7-8 ans et l’asthme aux âges de 9-10 ans (n = 3 197 participants, 129 nouveaux cas d’asthme) et de 11-12 ans (n = 2 179 participants, 191 cas). Ils ont également déterminé l’odds ratio (OR) de réponse positive aux deux autres questions du questionnaire parental intéressant l’asthme : « Votre enfant a-t-il eu une respiration sifflante au cours des 12 derniers mois ? » et « Votre enfant a-t-il pris des médicaments contre l’asthme au cours des 12 derniers mois ? ».

 

Effets sur le profil biologique

Dans l’objectif d’ouvrir des pistes mécanistiques, les auteurs ont également étudié la relation entre la concentration plasmatique de mercure à l’âge de 7-8 ans et différentes variables biologiques à l’âge de 11-12 ans : la numération formule sanguine (NFS), le taux de protéine C-réactive (CRP, marqueur de l’inflammation) et celui des immunoglobulines E (IgE) totales. Cette analyse identifie des associations positives avec le taux de CRP et le pourcentage de polynucléaires neutrophiles segmentés, ainsi qu’une association négative avec le pourcentage de lymphocytes, dans la population des enfants chez lesquels un asthme était apparu au cours du suivi.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Kim K-N, Bae S, Park HY, Kwon H-J, Hong Y-C. Lowlevel mercury exposure and risk of asthma in schoolage children. Epidemiology 2015; 26: 733-9.

Department of Preventive Medicine, Seoul National University College of Medicine, Seoul, République de Corée.

doi : 10.1097/EDE.0000000000000351