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NFκB et angiogenèse Volume 10, issue 2, Juillet-août 2015

Figures



Petit rappel sur le NFκB

Le NFκB (Nuclear factor of kappa light polypeptide gene enhancer in B-cells) est un facteur de transcription situé à un carrefour important : il est activé en aval de plusieurs voies de signalisation dont il est l’aboutissement principal ou accessoire : voie des Toll-like receptors (TLR), et de l’interleukine-1 (IL-1), voie du Tumor necrosis factor (TNF), voie de la PI3 kinase, via l’activation d’AKT, voie des récepteurs lymphocytaires (figure 1). En réponse à cette activation, NFκB permet à son tour la transcription d’un grand nombre de gènes, impliqués dans les voies de l’apoptose (codant les protéines anti-apoptotiques BCL2, BCLXL, CIAP1 et CIAP2, XIAP, survivine) ; dans les voies de la prolifération cellulaire (cycline D, MYC) ; dans les voies de l’adhésion et de la motilité cellulaires (ICAM, VCAM, fibronectine, métallo-protéinases) ; dans les voies de l’inflammation (IL-6) ; dans les voies de l’angiogenèse (VEGF, COX2). Il exerce donc essentiellement des effets positifs sur la survie cellulaire et la prolifération.

Le NFκB est un hétérodimère associant un facteur NFκB proprement dit, NFκB1 (p50) ou NFκB2 (p52), et un facteur REL (Reticulo-endotheliosis viral oncogene homolog), RELA (p65), RELB ou REL. Ces deux types de protéines sont caractérisés par un domaine de dimérisation et de liaison à l’ADN, les facteurs REL possédant en outre un domaine d’activation de la transcription. Après association dans le cytoplasme, ces hétérodimères migrent dans le noyau et induisent la transcription de leurs gènes cibles. Leur activation est assurée par rupture de leur liaison avec une protéine inhibitrice, IκB (Inhibitor of NFκB). Leur libération est obtenue par phosphorylation d’IκB par une kinase, ce qui la conduit vers le protéasome, et par clivage protéolytique des précurseurs des facteurs kNFκB, qui démasque des sites de localisation nucléaire.

En amont, la phosphorylation d’IκB est réalisée par un complexe trimérique de trois protéines, les IκB kinases ou IKK (α, β et γ), la troisième, régulatrice, portant le nom de NEMO (NFκB essential modulator). L’activation des IKK peut être réalisée par diverses kinases, surtout des MAP3 kinases comme MEKK7 (TAK1, TGFβ-activated kinase 1) en aval du récepteur de l’IL-1 et des Toll-like receptors, ou NIK (NFκB-inducing kinase) et RIPK1, en aval des récepteurs de la superfamille du récepteur du TNF (TNFRSF), guidées par des protéines adaptatrices TRAF (TNF receptor associated factor), formant avec les kinases des complexes transitoires variables (figure 2). Signalons enfin le rôle, immédiatement en aval des Toll-like récepteurs et du récepteur de l’IL-1, de la protéine adaptatrice MYD88 (Myeloid differentiation primary response gene 88) et de la kinase IRAK1 (IL-1 receptor-associated kinase), responsable de la phosphorylation de la MAP3 kinase TAK1. NFκB apparaît comme le modulateur des effets pro-oncogéniques de ces voies de signalisation, en raison de son action favorisant la survie et la prolifération. Plusieurs mécanismes d’activation de NFκB dans des tumeurs humaines ou dans des lignées cellulaires tumorales ont été décrits :

– Surexpression ou hyperactivité des différents récepteurs dont l’activation induit, entre autres, celle de NFκB (EGFR, ERBB2, MET, TNFR, intégrines, récepteurs des cytokines) ;

– Surexpression ou hyperactivité des ligands de ces récepteurs (IL-1β, IL-6, TNF, HGF, etc.) ;

– Hyperactivité de kinases cytoplasmiques comme JAK, ABL (en liaison avec la translocation BCR-ABL), AKT (en liaison avec le caractère oncogénique de la voie de la PI3 kinase) ;

– Mutations activatrices de la protéine MYD88 ;

– Mutations des protéines IκB, accompagnées de la perte de l’allèle non muté, selon les processus classiques d’activation des gènes suppresseurs de tumeurs ;

– Mutations et réarrangements des gènes codant les protéines constitutives des complexes NFκB, en particulier du gène REL, dont des amplifications, délétions et mutations ont été décrites dans les lymphomes B.

Ciblage du facteur de transcription NFκB

Le ciblage de NFκB fait l’objet de recherches importantes, avec des applications thérapeutiques envisagées en rhumatologie et en oncologie. D’abord, le blocage des récepteurs de l’IL-1, des TLR ou du TNF, exerce un effet majeur sur la formation du NFκB. Ensuite, le grand nombre de voies de signalisation activant NFκB explique que de multiples agents aient un effet sur ce facteur de transcription : inhibiteurs de PI3K, d’AKT, de MAP kinases, etc. Indirectement, l’inhibition du protéasome ralentit la destruction d’IκB en réponse à sa phosphorylation et diminue l’activation de NFκB ; ce pourrait être un des mécanismes principaux de l’activité du bortezomib. Les inhibiteurs des histone désacétylases pourraient empêcher, de façon aspécifique, l’exécution des programmes transcriptionnels de NFκB. Par ailleurs, les antioxydants, les corticostéroïdes, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc., peuvent interagir avec les fonctions de transcription du NFκB au niveau de ses cibles sur l’ADN.

On peut envisager le ciblage de l’activité sérine/thréonine kinase des IKK, en amont de NFκB ; ces kinases entraînent en effet la destruction d’un inhibiteur de NFκB. Plusieurs molécules ont été développées dans ce sens, seule la première d’entre elles ayant fait d’objet d’un essai clinique : CHS-828, SC-514, BMS-345541, PS-1145, MLN-120B, BAY-117085.

Au niveau de NFκB, en revanche, des approches plus complexes doivent être envisagées : il est toujours très difficile de cibler un facteur de transcription. Dans tous les cas, spécifiques ou aspécifiques, c’est sans doute par potentialisation de la chimiothérapie cytotoxique plus que par leur action isolée que ces approches pourront trouver des applications en clinique.

• Des petites molécules issues de produits naturels, comme la curcumine, le resvératrol, la guggulstérone, la plumbagine, la gossypine, la withanolide ou la génistéine, agiraient au niveau de l’assemblage de NFκB ou de sa translocation nucléaire ; cependant, le mécanisme d’action exact de ces composés à l’action pléïotrope reste à démontrer.

• Des peptides perméants mimant la structure de NFκB ou des IKK, NEMO en particulier, ont fait preuve d’une activité potentielle ; ils agissent en particulier à l’interface entre les différentes IKK, ou entre IKK et IκB, ou encore au niveau de la translocation nucléaire de NFκB. La difficulté de formuler des peptides thérapeutiques efficaces n’a pas permis, à l’heure actuelle, de tenter des applications cliniques.

• L’interférence ARN et les oligonucléotides antisens dirigés contre les messagers de NFκB, des IKK ou de TAK1 (MEKK7) sont capables expérimentalement d’inhiber la formation de ces protéines et d’induire un effet antiprolifératif.

• La thérapie génique à l’aide de constructions codant des formes non phosphorylables ou non ubiquinylables d’IκB, par mutations de ses résidus sérine 32 et 36 ou de ses résidus lysine 21 et 22, a été expérimentée avec succès dans des modèles animaux.

NFκB et angiogenèse

L’action de la voie du NFκB sur l’angiogenèse passe vraisemblablement par la stimulation de la transcription du gène VEGFA par les facteurs NFκB une fois activés, comme l’ont montré des travaux déjà anciens [1, 2]. Un travail récent revient sur ce problème, en se focalisant sur les cancers de l’ovaire et en montrant l’efficacité potentielle d’un inhibiteur d’IKKβ dans ces cancers, via une diminution de l’expression du VEGFA [3].

Plusieurs essais ont montré l’intérêt d’ajouter le bévacizumab à la chimiothérapie classique des cancers de l’ovaire, et nous nous en sommes fait l’écho à plusieurs reprises dans VEGF Actu. La question posée par les auteurs est de savoir si un lien existe entre l’inhibition de la voie du NFκB et l’expression du VEGFA, et surtout si l’inhibition de cette voie peut contribuer au ciblage thérapeutique des cancers de l’ovaire. Ils montrent dans un premier temps, dans une série de 94 patientes, que la présence d’IKKα/β phosphorylé dans le tissu tumoral est un facteur indépendant de mauvais pronostic. De même, l’expression élevée de VEGFA dans le tissu tumoral est associée à un mauvais pronostic, et il existe une corrélation entre phosphorylation d’IKK et expression du VEGFA.

Une petite molécule, l’IMD-0354 [N-(3,5-bistrifluorométhyl-phényl)-5-chloro-2-hydroxy-benzamide], s’est révélée in vitro être un inhibiteur spécifique d’IKKβ, inhibant la formation de son substrat IκBα et, par voie de conséquence, la translocation nucléaire du facteur RELA. Ce composé n’a pas d’action cytotoxique directe sur les lignées de cancer ovarien comme SKOV3, mais il inhibe l’adhésion cellulaire sur la fibronectine et le collagène de type I, ainsi que les propriétés invasives des cellules. Toujours dans ce modèle, les auteurs montrent que l’IMD-0354 entraîne une diminution de l’expression de VEGFA en inhibant la transcription du gène VEGFA : la délétion des séquences promotrices annule l’effet sur l’expression.

Enfin, dans une série d’expériences in vivo, les auteurs montrent que l’IMD-0354 inhibe la dissémination péritonéale des cellules SKOV3 xénogreffées chez la souris nude. Il est intéressant de noter que les effets de cette molécule sont indépendants de la prolifération et de la survie cellulaires (le marqueur KI-67 et le clivage de la caspase 3 ne sont pas modifiés par le traitement). Cependant, le nombre de vaisseaux intratumoraux détectés en immunohistochimie par le marqueur CD31 est fortement diminué : l’activité de l’IMD-0354 passe bien par une inhibition de l’angiogenèse.

Ce travail intéressant porte sur une molécule actuellement en phase I ; il aura ou n’aura pas d’avenir, mais il est à mon sens exemplaire de la démarche de recherche translationelle : à partir d’une observation clinique rétrospective (immunohistochimie de tumeurs de patientes traitées dont le devenir clinique est connu), les aspects mécanistiques explicatifs sont étudiés in vitro sur un modèle cellulaire adéquat, puis validés in vivo chez la souris nude ; le retour vers la clinique est alors envisageable avec des arguments pertinents pour le choix des patientes qui peuvent bénéficier de la molécule et l’identification de biomarqueurs d’activité de la molécule.

Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.