JLE

e-VEGF-IMMUNO-actu

MENU

Dual-action combination therapy enhances angiogenesis while reducing tumor growth and spread Volume 11, issue 3, Juillet 2016

Figures






On sait depuis longtemps que la néo-vascularisation intra-tumorale est anormale, anarchique, sans distinction possible du réseau d’artérioles et de veinules, avec de nombreux culs-de-sac, des anastomoses, une maigre couverture péricytaire et une inefficience globale. Je montre régulièrement à mes étudiants ces images de microvaisseaux normaux et intra-tumoraux (Figure 1, extraite de [2]). L’argumentation « finaliste » invoque d’une part le fait que les tumeurs aiment volontiers l’hypoxie, que les cellules tumorales se blottissent dans des niches pré-métastatiques de la moelle osseuse, près des cellules souches hématopoïétiques avec lesquelles elles ont tant d’affinités ; et d’autre part le fait que, afin que les agents chimio­thérapeutiques atteignent la cellule tumorale, il vaut mieux une vascularisation riche et efficiente qu’une vascularisation pauvre et à peine suffisante. Cela est bien corroboré par le fait que le bévacizumab n’est pas utilisé en monothérapie mais toujours en association avec une chimiothérapie.

Un travail récent [3] – un an déjà, j’ai du retard dans mes lectures – vient apporter des arguments expérimentaux directs supplémentaires, qui montrent paradoxalement qu’une stimulation de l’angiogenèse et du flux sanguin peut favoriser la délivrance de la gemcitabine dans les cellules tumorales et, partant, augmenter son efficacité. Les auteurs ont décidé d’étudier sur des modèles in vivo l’association de deux molécules ayant un effet positif sur la vascularisation : le cilengitide et le vérapamil.

• Le cilengitide est un pentapeptide cyclique mimant la structure du peptide RGD présent dans la séquence de la fibronectine et reconnu par les intégrines αVβ3/5 (voir VEGF Actu 2011 ; n°23 : pp. 10-12). Il a été conçu comme un médicament anti-métastatique et anti-angiogénique destiné à empêcher l’adhésion des cellules tumorales ou endothéliales à un nouveau support matriciel. Les essais cliniques sont allés jusqu’en phase III dans les glioblastomes mais furent interrompus pour manque d’efficacité. À faible dose, le cilengitide a montré une activité pro-angiogénique lors d’expérimentations précliniques [4].

• Le vérapamil, quant à lui, est un inhibiteur des canaux calciques voltage-dépendants, utilisé en thérapeutique comme antihypertenseur pour augmenter le flux sanguin en favorisant la dilatation vasculaire. Il a connu un heure de gloire en cancérologie il y a bien longtemps lorsque Tsuruo montra que c’était un excellent inhibiteur de la glycoprotéine P [5] et par conséquent un agent « réversant » la multidrug resistance, selon un mécanisme indépendant de son action sur les canaux calciques comme nous l’avons montré en 1988 dans mon laboratoire [6].

Les résultats obtenus sur des modèles de cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) et pancréatiques (CP) sont démonstratifs et on ne peut présenter la totalité de l’expérimentation réalisée. Sur le modèle du Lewis lung carcinoma (tumeur murine) (Figure 2), le cilengitide à faible dose (ldCil) en monothérapie stimule la croissance tumorale, le vérapamil (Ver) seul n’a pas d’effet significatif sur la croissance tumorale, la gemcitabine a un effet anti-tumoral dose-dépendant. L’association ldCil + Ver conserve l’effet stimulant du ldCil ; chacun d’eux associé séparément à la gemcitabine ne majore pas son action anti-tumorale ; mais la combinaison des trois molécules (ldCil + Ver + Gem) bloque complètement la croissance tumorale.

Les auteurs montrent en outre que le ldCil augmente significativement la densité vasculaire et le taux de perfusion de la tumeur, et que le Ver augmente significativement le diamètre des vaisseaux tumoraux dans ce modèle (Figure 3) alors qu’aucune altération de ces paramètres n’est observée dans les vaisseaux de la peau des souris de l’expérience. Les deux molécules, et plus encore leur association, entraînent une diminution de l’hypoxie, mesurée par divers indicateurs, en particulier l’expression du transporteur de glucose Glut1 mesurée par immunohistochimie (Figure 4) et l’action combinée du ldCil et du Ver entraîne une augmentation de la concentration intra-tumorale de gemcitabine, mais pas de sa concentration intra-hépatique (Figure 5). Des résultats tout à fait analogues sont obtenus sur le modèle du cancer pancréatique KPC de la souris et ne peuvent être présentés en détail dans cette analyse.

Que conclure de cette étude ? La “promotion vasculaire” obtenue par la combinaison de cilengitide et de vérapamil, en augmentant la densité vasculaire, le flux sanguin et la dilatation des vaisseaux, accroît l’accessibilité de la tumeur à la chimiothérapie et réduit l’hypoxie, facteur favorisant la métastase et la résistance des cellules tumorales à la radio- et à la chimiothérapie. Les auteurs militent pour la prise en compte de leurs travaux pour développer des approches pro-angiogéniques en cancérologie. Ils affirment que « [leurs] données ouvrent un nouveau champ de recherche où l’exploitation de la “promotion vasculaire” peut être une méthode efficace d’améliorer le traitement des cancers. »

Je serais personnellement enclin à un peu de prudence dans le maniement de ces combinaisons : les doses, le timing des administrations, les stades évolutifs au cours desquels elles peuvent se montrer synergiques, ou – pourquoi pas – antagonistes, devront être définis de façon précise, mais sur quel modèle ? Ces paramètres, parmi d’autres, peuvent poser de réels problèmes lors d’une éventuelle application clinique…

Liens d’intérêts : L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec cet article.