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Iliac artery stent fracture complicated by pseudoaneurysm treated by covered endoprosthesis Volume 30, issue 5, September-October 2018

Figures


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

  • Figure 5

  • Figure 6

  • Figure 7

L’iliaque et l’Odyssée

Nous présentons le cas d’un patient, âgé de 48 ans, aux facteurs de risque cardiovasculaires marqués par un tabagisme sevré, qui avait été pris en charge, il y a sept ans, dans un contexte de claudication invalidante bilatérale des membres inférieurs prédominante à droite (Rutherford III). L’angiographie réalisée à l’époque avait mis en évidence, du côté droit, une sténose serrée de l’artère iliaque primitive droite suivie d’une occlusion chronique de l’artère iliaque externe avec une réentrée au niveau de la bifurcation fémorale. Du côté gauche, il était retrouvé une sténose serrée de l’artère iliaque primitive gauche (figure 1). Le patient avait bénéficié, par voie fémorale gauche, d’une recanalisation de l’occlusion chronique de l’artère iliaque externe droite avec mise en place d’un seul stent auto-expandable de 8 × 150 mm, couvrant également la sténose iliaque primitive (Maris Plus 8 × 150 mm, Medtronic), et d’une angioplastie de l’artère iliaque primitive gauche avec mise en place d’un stent ballon-expandable de 8 × 30 mm (Express Ld 8 × 30 mm, Boston Scientific). Le patient est resté asymptomatique avec des contrôles écho-doppler annuels strictement normaux.

Sept ans après le geste initial, le patient demeurant asymptomatique, l’écho-doppler systématique de surveillance a mis en évidence un pseudo-anévrisme circulant partiellement thrombosé au contact du stent auto-expandable de l’artère iliaque externe droite avec suspicion de fracture du stent (figure 2). Le bilan a été complété par un angioscanner qui a confirmé les données de l’écho-doppler, avec un aspect de fracture du stent iliaque à deux niveaux ainsi qu’un pseudo-anévrisme circulant de 6 cm (figure 3). Il a été décidé une prise en charge endovasculaire de cette complication, précédée d’une opacification qui objectivait le volumineux pseudo-anévrisme associé à l’aspect de fracture du stent grade IV (figure 4). Le traitement endovasculaire a consisté en l’implantation, par voie fémorale controlatérale, de deux stents nitinol auto-expandables couverts d’ePTFE (poly-tétra-fluoro-éthylène expansé) jointifs (Covera-Bard 8 × 80 mm et 8 × 60 mm) permettant d’exclure le pseudo-anévrisme (figure 5). Le bon résultat angiographique a été confirmé par angioscanner (figure 6).

Commentaires

L’implantation de stents a permis de pallier aux inconvénients historiques de l’angioplastie au ballon, permettant notamment d’éviter le recoil, de diminuer le taux de resténose/ré-occlusion et de couvrir les dissections post-angioplastie au ballon.

Néanmoins, un des risques inhérents liés à l’utilisation de stent est celui de fracture, qui peut se compliquer de resténose, ré-occlusion, pseudo-anévrisme, perforation et embolisation distale. Les fractures de stent sont habituellement classifiées en cinq grades [1, 2] détaillés au niveau de la figure 7. Le traitement n’est pas codifié [3, 4] : surveillance simple, renforcement du traitement anti-thrombotique, angioplastie au ballon, implantation d’un nouveau stent. Il n’existe pas de recommandation sur la prise en charge mais, en règle générale, les types I et II ne nécessitent pas de traitement en l’absence de complication. Les types III, IV et V sont en général traités par la mise en place d’un nouveau stent (stent-in-stent).

La fracture de stent est le résultat d’un processus complexe dépendant de plusieurs facteurs [3].

Tout d’abord, la composition du stent (acier inoxydable, nickel chrome, titane, nitinol). Le nitinol est très élastique et présente la caractéristique d’avoir une mémoire de forme, ce qui lui confère une propriété a priori protectrice des fractures de stent. La technologie des stents en nitinol a bénéficié de profondes transformations et améliorations au cours du temps, grâce aux moyens modernes de fabrication laser et de polissage électronique. L’impact du design des stents sur leur performance est maintenant mieux appréhendé, et la transition s’est faite au cours de ces dernières années vers la création de stents aux mailles plus connectées entre elles avec de plus petites unités cellulaires permettant une meilleure couverture de la zone traitée. De même, les stents de dernière génération ont une meilleure stabilité « longitudinale » (résistance à l’étirement lors de leur déploiement), ce qui facilite la précision de leur placement. Surtout, la disposition hélicoïdale des mailles améliore notablement les performances des stents soumis à des contraintes importantes de charge axiale, radiale, de torsion ou dans les courbes. Des études de modélisation biomécanique ont ainsi montré que, lors de la locomotion, l’on notait jusqu’à 23 % de raccourcissement axial de l’axe artériel fémoro-poplité, avec une corrélation très nette entre importance du raccourcissement et amplitude de flexion du genou. Les tests de fatigue chronique (10 millions de cycles de déformation) réalisés lors d’expérimentations sur des stents classiques commercialisés, placés dans des tubes siliconés et soumis aux conditions de contraintes simulant la marche, ont confirmé que 5 % de raccourcissement et/ou 50 % de courbure imposés produisaient, selon les modèles de prothèse, entre 0 et 100 % de fracture...!  [5].

L’architecture du stent [3] influence également le taux de fractures : les stents à cellules fermées avec une force radiaire augmentée s’avèrent plus sujets aux fractures. À l’inverse, les stents à cellules ouvertes sont plus flexibles, mais avec une moindre force radiaire, ce qui les rend enclins à des phénomènes de compression ou élongation pouvant favoriser également les fractures.

Le mode de déploiement du stent intervient également : stents ballons-expandables, généralement constitués d’acier inoxydable, qui ont une force radiaire plus forte mais sans mémoire de forme, ce qui les rend sensibles à la compression extrinsèque ; et stents auto-expandables, généralement en nitinol, qui s’adaptent à la forme du vaisseau, diminuant le risque de fracture.

À noter néanmoins que sur une période de dix ans, tous les stents sont soumis à 108 cycles de systole/diastole qui peuvent favoriser des micro-fractures [6], d’autant plus fréquentes que l’épaisseur des mailles est faible (< 250 μm).

Les facteurs de risque de fracture de stent sont [3, 4] : le nombre élevé de stents, la grande longueur de la zone stentée (> 8 cm au niveau fémoro-poplité) – car exposant le stent à davantage de contraintes de forces radiaires –, l’hyperexpansion du stent fragilisant les mailles, le chevauchement de stents (overlap) créant des points de rigidité avec possibilité de création d’une « charnière », la technique du crush (coronaires), le caractère tortueux de la lésion et une forte angulation.

Enfin, le taux de fractures dépend évidemment du territoire anatomique [6]. Au niveau du territoire fémoro-poplité, le taux des fractures est variable [7], allant de 2 % à 65 % selon les essais. Il existe à ce niveau anatomique d’importantes contraintes de compression, torsion et élongation [4]. Les segments situés sur les plis de flexion (fémorale commune, poplitée) sont les plus exposés. Avec la nouvelle génération de stents en nitinol, le taux de fracture serait compris entre 0 % [8] et 8,1 % [9] à un an. Au niveau du territoire rénal, les fractures sont rares et possiblement liées au fait que l’ostium des artères rénales est fixe au niveau de l’aorte tandis que les reins sont mobiles avec la respiration [10]. Au niveau carotidien, les fractures de stent sont également rares avec quelques cas rapportés dans des case reports[11]. Elles seraient en relation avec les contraintes de torsion, flexion et extension liées aux mouvements du cou. Enfin au niveau iliaque, les fractures sont beaucoup plus rares qu’au niveau fémoro-poplité [6]. Cette moindre incidence s’expliquerait par plusieurs facteurs [12]. Tout d’abord, l’artère iliaque est entourée non pas de muscles mais de graisse au sein de l’espace rétro-péritonéal ce qui amortirait les contraintes mécaniques. Ensuite, les lésions iliaques sont en général plus courtes, ce qui permet de limiter la longueur prothésée, et l’utilisation de plusieurs stents chevauchés (overlap), qui constituent un facteur de risque de fracture [3, 4]. Néanmoins, les axes iliaques restent soumis à des contraintes mécaniques, plus particulièrement l’artère iliaque externe lors de la flexion de la hanche, tandis que l’artère iliaque commune est soumise à des mouvements complexes liés à l’interaction entre la colonne vertébrale et la hanche. Enfin, les axes iliaques étant des vaisseaux plus proximaux que les axes fémoro-poplités, il est possible qu’au niveau iliaque les stents soient soumis à davantage de contraintes internes liées au flux sanguin pulsatile. La prévalence de ces fractures est mal connue. Dans une étude rétrospective [13] utilisant des stents auto-expandables, elle a été évaluée à 3,6 %. Le facteur favorisant dans cette étude était le caractère chronique de l’occlusion. Cela est probablement expliqué par le caractère sous-intimal de recanalisation dans certains cas, pouvant induire des contraintes de compression sur les stents placés dans l’espace sous-intimal. En dehors de cette étude rétrospective, quelques rapports de cas ont également été publiés. Sacks et al.[14] ont décrit la fracture d’un stent ballon-expandable Palmaz en position iliaque externe dans un contexte de stents chevauchés (overlap). Sawhaney et al.[15] ont rapporté un cas de fracture d’un stent ballon-expandable à 2,5 ans de l’implantation, chez un patient de 37 ans, possiblement favorisée par des exercices vigoureux de stretching. Ichihachi et al.[12] ont étudié un cas de fracture bilatérale de stents ballons-expandables iliaques primitifs possiblement favorisée par des massages quotidiens shiatsu dans la région ombilicale. Higashura et al.[16] ont analysé un cas de fracture d’un stent auto-expandable au niveau de l’artère iliaque commune, compliquée de ré-occlusion, à 18 mois de l’implantation chez un patient de 80 ans. Bonne et al.[17] ont rapporté le cas d’un patient de 71 ans présentant une fracture de stent auto-expandable en nitinol en position iliaque externe, à 15 ans de l’implantation, qui s’est compliquée d’anévrisme. Plus récemment, le cas d’une fracture de stent ballon-expandable en position iliaque primitive à sept ans de l’implantation chez un patient de 72 ans, qui s’est compliquée de pseudo-anévrisme et a été traitée en utilisant une extension de jambage d’une endoprothèse, a été exposé par Kim et al.[18].

Pour revenir à notre cas, aucun facteur favorisant n’a été retrouvé (stent unique, stent auto-expandable, pas d’exercice physique particulier pouvant favoriser des fractures) en dehors de la grande longueur du stent (150 mm) et du caractère chronique de l’occlusion.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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