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Cahiers d'études et de recherches francophones / Santé

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Des difficultés économiques à la souffrance sociale des personnes vivant avec le VIH au Burkina Faso Volume 18, numéro 4, octobre-novembre-décembre 2008

Auteurs
Institut de recherche en sciences de la santé, Centre national de recherche scientifique et technologique (IRSS-CNRST), 03 BP 7192 Ouagadougou, Burkina Faso, UMR 145, institut de recherche pour le développement (IRD), BP 1386, 18524 Dakar, Sénégal, Centre de recherche culture, santé et société (CReCSS), université Paul-Cézanne d’Aix-Marseille (UPCAM), bureau A 284, MMSH, 5, rue du Château-de-l’Horloge, 13094 Aix-en-Provence cedex 02, France

Une étude qualitative, réalisée fin 2006, montre qu’au Burkina Faso de nombreuses personnes vivant avec le VIH (PvVIH) et placées sous traitement antirétroviral (ARV) expriment des difficultés à faire face aux frais liés à leur prise en charge. Cette analyse anthropologique explicite leurs perceptions, les causes et les répercussions sociales de ces difficultés économiques. Cette recherche a reposé sur des entretiens semi-structurés auprès de 35 personnes infectées par le VIH, contactées à travers des structures de prise en charge à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Ouahigouya. Les entretiens enregistrés et transcrits ont été indexés puis traités. Même lorsqu’elles ne devaient pas payer le traitement ARV, presque toutes les personnes interrogées expriment des difficultés à faire face aux frais de suivi bioclinique, de transport ou d’autres dépenses. Ces difficultés arrivent alors que les PvVIH ont déjà été éprouvées financièrement du fait de la longueur, de la complexité et du caractère onéreux des itinéraires thérapeutiques avant le test qui a permis de diagnostiquer l’infection à VIH. Les nouvelles exigences alimentaires associées au traitement ARV augmentent également leurs dépenses. De plus, les difficultés professionnelles, souvent induites par la maladie (baisse des rendements au travail, incapacité à travailler, perte d’un emploi), ont déjà réduit les revenus des personnes lorsqu’elles sont mises sous traitement. Il ne leur est pas facile de retrouver des ressources équivalentes à celles dont elles disposaient avant la maladie, même lorsque le traitement leur permet de retrouver une activité professionnelle. Un point important reste l’épuisement financier qui conduit à la fréquente exclusion des PvVIH de leurs anciens réseaux de solidarité, notamment parce qu’elles ne peuvent plus participer aux contributions collectives ou rendre ce qui leur a été donné lorsqu’elles étaient dans une situation de dépendance absolue. L’analyse de ces discours montre la pertinence de la notion de « souffrance sociale » pour rendre compte des effets sociaux provoqués par les difficultés économiques de nombreuses PvVIH sous traitement ARV, même quand celui-ci est subventionné.