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Médecine thérapeutique

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Vaccins antipaludiques : l’heure des paris raisonnables serait-elle venue ? Volume 6, numéro 4, Avril 2000

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La liste est longue des incertitudes conceptuelles, obstacles et limitations au développement d’un vaccin antipaludique : haut degré de polymorphisme antigénique des quelque 5 000 antigènes plasmodiaux du parasite, complexité du cycle, variabilité extrême du comportement du parasite chez des hôtes distincts, faible pertinence des modèles expérimentaux, absence de tests reflétant la protection, et enfin déficience criante de moyens financiers (10 000 fois moins de moyens que pour le sida). Après une longue période caractérisée par des tentatives, relativement nombreuses, réalisées dans des modèles hôte-parasite variés et, de ce fait, difficiles à interpréter, l’abondante publicité faite dans la presse aux essais menés avec la substance de Manuel Patarroyo a incité plusieurs groupes à procéder, à leur tour, à des expérimentations chez l’homme. Heureusement, la recherche en ce domaine a profité des progrès récents en vaccinologie, en particulier en ce qui concerne les différents modes de présentation des antigènes, et des connaissances acquises durant ces dernières années sur la biologie du parasite et sur les réactions immunitaires de l’homme contre les Plasmodium : une certaine rationalité se fait jour qui pourrait, espérons-le, tempérer l’empirisme qui, jusqu’à présent, dominait. Bien que les stades érythrocytaires, seuls responsables de la pathologie, aient été les plus étudiés, on peut distinguer six voies vaccinales. Avant de les étudier individuellement, avec leurs contraintes et leurs limites, et de rapporter les développements récents de la recherche, il convient de rappeler la problématique générale du développement d’un vaccin contre le paludisme, un agent infectieux strictement inféodé à l’homme. Même si aucun objectif pratique n’a été encore atteint à travers un travail très descriptif, de réels progrès ont été accomplis : on a beaucoup appris sur la biochimie et la biologie du parasite ainsi que sur les réponses de l’homme à l’impaludation ; d’une façon générale, l’approche du problème vaccin a considérablement évolué, de manière globalement positive, nous semble-t-il, malgré les restrictions citées plus haut. L’outillage technologique nécessaire aux travaux futurs demeure incomplet, mais s’est remarquablement enrichi. Si les applications pratiques tardent, c’est aussi, à notre avis, en raison d’un cloisonnement excessif de la recherche entre les différents protagonistes, chercheurs de laboratoires, primatologues, cliniciens, épidémiologistes, etc. Aussi un point positif est-il la prise de conscience récente des excès du passé, de la nécessité d’une meilleure collaboration entre les différentes disciplines concernées et d’une meilleure concertation au niveau international. Il demeure bien sûr impossible de faire des pronostics en termes de durée, d’autant que les annonces à 5 ans ont fait la preuve de leur inutilité, voire de leur nocivité. Nous pensons qu’un message objectif qui ne gomme pas les difficultés très réelles de cette recherche, mais prenne en compte les progrès indiscutables, qui conserve un minimum de prudence dans l’approche clinique, et qui rappelle également l’obligation pour toute société développée de ne pas ignorer un problème qui concerne une grande partie de l’humanité et de maintenir un potentiel de recherche décent sur ce thème, est celui qu’il faut délivrer aujourd’hui au public et aux financeurs.