Hépato-Gastro & Oncologie Digestive
MENUPhysiopathologie du syndrome de l‘intestin irritable : rôles de l‘inflammation et de la sérotonine Volume 10, issue 5, Septembre 2003
- Page(s) : 393-6
- Published in: 2003
Auteur(s) : Thierry Piche
Gwee KA, Collins SM, Read NW, Rajnakova A, Deng Y, Graham JC, et al. Increased rectal mucosal expression of interleukin 1b in recently acquired post-infectious irritable bowel syndrome. Gut 2003 ; 52 : 523-526Il est maintenant bien établi que des épisodes infectieux du
tube digestif peuvent favoriser la survenue de troubles
fonctionnels intestinaux sur un terrain prédisposé [1]. Les malades
qui développent un syndrome de l'intestin irritable (SII) après une
gastro-entérite ont des scores d'anxiété et de dépression souvent
plus élevés que ceux dont l'état digestif se normalise [2, 3]. Chez
l'animal, une infection digestive transitoire modifie durablement
la motricité intestinale et ces anomalies sont réversibles sous
corticoïdes et associées à une forte expression muqueuse de
cytokines pro-inflammatoires [4, 5]. Un infiltrat inflammatoire
muqueux a également été mis en évidence chez des malades atteints
de SII post-infectieux, ce qui suggère que l'inflammation a un rôle
important dans la genèse des troubles fonctionnels [1]. Une étude
préliminaire a montré que certains malades porteurs d'un SII
pourraient être génétiquement prédisposés aux effets néfastes de
l'inflammation sur la motricité digestive [6]. Dans la présente
étude, les auteurs ont formulé l'hypothèse que certains malades
atteints de SII avec diarrhée avaient des niveaux élevés
d'interleukine (Il)1b dans la muqueuse colique.
Dans cette étude prospective, des biopsies de la muqueuse rectale
étaient réalisées chez 15 patients pendant et 3 mois
après la survenue d'une gastro-entérite aiguë. Huit malades
conservaient des symptômes digestifs à distance de l'épisode
infectieux (INF-SII) et 7 normalisaient leur état digestif
(INF-CON). Dix-huit volontaires sains qui n'avaient pas eu de
gastro-entérite depuis au moins deux ans constituaient le groupe
témoin (CON-NOR). L'expression des gènes de l'Il1b et de son
antagoniste naturel (Il1ra) était évaluée par RT-PCR et quantifiée
par densitométrie optique et électrophorèse sur gel d'agarose. Les
malades INF-SII avaient une plus forte expression d'ARNm de l'Il1b
dans leurs biopsies rectales que les malades INF-CON pendant ou
3 mois après l'épisode infectieux. Trois mois après la
gastro-entérite, l'expression de l'ARNm de Il1b avait augmenté chez
les malades INF-SII mais pas chez les malades INF-CON. À
3 mois, l'expression de l'ARNm de l'Il1b était
significativement plus forte chez les malades INF-SII que chez les
témoins sains NOR-CON, mais il n'existait pas de différence entre
les groupes INF-CON et NOR-CON. Il n'existait pas de différence
significative entre les trois groupes en ce qui concerne
l'expression de l'Il1ra.
Ces données suggèrent que les malades qui développent un SII
post-infectieux ont une plus forte expression d'ARNm de l'Il1b
pendant et après l'infection comparés à ceux qui ne développent pas
de SII. L'inflammation semble jouer un rôle déterminant dans
la physiopathologie des troubles fonctionnels digestifs qui
surviennent dans les suites d'une gastro-entérite.
Références
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Les récepteurs de la sérotonine de type 5HT4 sont impliqués dans
la régulation de la motricité et de la sensibilité digestive et
constituent une cible pharmacologique d'intérêt pour le traitement
du syndrome de l'intestin irritable (SII) [1]. Le tégaserod est un
agoniste sélectif partiel des récepteurs 5HT4 qui s'est montré
efficace pour restaurer la motricité gastro-intestinale et dont les
propriétés prokinétiques sont nettes au niveau de l'intestin et du
côlon [2, 3]. Les essais de phase II ont montré que 2 à 6 mg
de tégaserod deux fois par jour étaient des posologies efficaces
pour lever la constipation chez des malades atteints d'un SII. Ces
résultats encourageants ne peuvent pourtant pas être extrapolés à
l'ensemble des malades porteurs d'un SII puisque la plupart des
travaux ont été menés dans des pays occidentaux avec des critères
de sélection très stricts.
Le but de cette étude était de déterminer l'efficacité et la
tolérance du tégaserod chez des malades d'origine asiatique
porteurs d'un SII dont le symptôme dominant était la constipation.
Dans cet essai randomisé, 520 malades atteints d'un SII
recevaient 6 mg de tégaserod deux fois par jour
(n = 259) ou un placebo (n = 261) pendant
12 semaines. Le critère de jugement essentiel était le degré
de satisfaction des malades à 4 semaines de traitement. Une
évaluation des symptômes digestifs était également effectuée à la
fin du traitement (12 semaines). Comparé au placebo, le nombre
de malades satisfaits était significativement plus élevé dans le
groupe tégaserod (56 versus 35 % à
4 semaines, p < 0,0001 et 62 versus
44 %, p < 0,0001 à 12 semaines). Le
tégaserod était efficace dès la première semaine et pendant toute
la durée du traitement. L'effet secondaire le plus fréquent était
les céphalées (12 % sous tégaserod versus 11,1 %
sous placebo). La diarrhée avait fait interrompre le traitement par
tégaserod dans 2,3 % des cas. Cette étude suggère que le
tégaserod à la posologie de 6 mg deux fois par jour est un
traitement efficace et bien toléré de la constipation chez des
malades d'origine asiatique ayant un SII. Cette étude permet de
s'affranchir du biais de sélection des travaux antérieurs et
confirme le bénéfice de cet agoniste partiel des récepteurs 5HT4
pour traiter la constipation au cours du SII.
Références
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Chez les malades porteurs d'un SII, les symptômes digestifs sont
souvent exacerbés par l'ingestion des repas. Cette aggravation
postprandiale des symptômes est plus marquée chez les sujets de
sexe féminin qui ont des scores d'anxiété élevés et/ou après
l'ingestion d'aliments riches en graisses ou en sucres
indigestibles [1]. Au cours du SII, une augmentation de la
motricité colique en réponse au repas a été observée chez certains
malades. Une augmentation de la sensibilité jéjunale à la
distension ou après instillation de lipides a également été mise en
évidence.
La sérotonine (5HT) est produite essentiellement au niveau du tube
digestif par les cellules entérochromaffines (95 %) et les
neurones entériques (5 %). Elle joue un rôle majeur dans la
régulation de la motricité et de la sensibilité intestinale [2, 3].
Dans le compartiment sanguin, la 5HT est stockée essentiellement
par les plaquettes et elle est métabolisée au niveau du foie et du
rein en 5 hydroxyindole acide acétique (5HIAA). Une étude
préliminaire a montré que ses concentrations plasmatiques
postprandiales étaient plus élevées chez des femmes atteintes de
SII à prédominance diarrhéique que chez des témoins sans SII, ce
qui suggère que la sérotonine pourrait intervenir dans la genèse de
symptômes fonctionnels postprandiaux [4].
Les buts de la présente étude étaient de comparer les
concentrations plasmatiques pré- et post-prandiales de 5HT et de
son métabolite, le 5HIAA, chez des femmes atteintes de SII et leurs
témoins sans SII, et de déterminer des relations entre les
symptômes postprandiaux et le ratio 5HT/5HIAA. Les concentrations
plasmatiques de 5HT et de 5HIAA étaient mesurées toutes les
60 minutes à jeun pendant 2 heures puis toutes les
30 minutes pendant 4 heures après l'ingestion d'un repas
chez 39 femmes (19-52 ans, 33 ans d'âge moyen)
atteintes d'un SII à prédominance diarrhéique (SII-d) et
20 femmes (20-46 ans, 28 ans d'âge moyen) sans SII
qui servaient de témoins. Les concentrations plaquettaires de 5HT
étaient déterminées en situation de jeûne. Les douleurs
abdominales, la survenue de flatulences et les impériosités étaient
évaluées pendant toute la durée de l'étude.
Les concentrations plasmatiques de 5HT des malades SII-d et des
témoins n'étaient pas modifiées significativement par l'ingestion
du repas. En revanche, en ne tenant pas compte des valeurs de
jeûne, les concentrations plasmatiques postprandiales de 5HT des
malades SII-d étaient significativement plus élevées que celles des
témoins (p = 0,04). Les malades SII-d dont les symptômes
étaient exacerbés par l'ingestion du repas avaient des taux
plasmatiques postprandiaux de 5HT significativement plus élevés que
les sujets SII-d dont les symptômes n'étaient pas modifiés par le
repas. Chez ces malades, une augmentation significative des taux
plasmatiques de 5HIAA et une réduction du ratio 5HT/5HIAA étaient
observées. Enfin, les sujets SII-d avaient des concentrations
plaquettaires de 5HT significativement plus élevées que celles des
témoins.
Ces résultats suggèrent que la sérotonine est impliquée dans la
genèse des symptômes fonctionnels postprandiaux chez des malades
atteints d'un SII-d. L'augmentation des concentrations de 5HT
plaquettaire chez les malades atteints de SII-d pourrait constituer
un marqueur intéressant pour le diagnostic et le suivi des malades
porteurs d'un SII. Les rôles respectifs de l'inflammation et de la
sérotonine dans la physiopathologie du SII constituent des voies de
recherches intéressantes qui pourraient déboucher sur des
traitements spécifiques des troubles fonctionnels digestifs.
Références
1. Simren M, Mansson A, Langkilde AM, Svedlund J, Abrahamsson H, Bengtsson U, et al. Food-related gastrointestinal symptoms in the irritable bowel syndrome. Digestion 2001 ; 63 : 108-15.
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Le syndrome de l'intestin irritable (SII) est classé dans les
pathologies fonctionnelles du tube digestif. Il n'existe pas de
cause identifiable et sa physiopathologie reste discutée. Parmi les
hypothèses avancées dans la littérature, celles d'anomalies
motrices ou sensitives ont été décrites avec un intérêt croissant
pour un processus inflammatoire (infectieux ou non) précédant et
favorisant l'apparition du SCI [1, 2]. Dans l'article que nous
analysons, les auteurs ont fait l'hypothèse que, s'il existait une
anomalie identifiable au cours du SII, elle devait se
localiser préférentiellement dans les plexus entériques de la paroi
digestive en raison de leurs rôles fondamentaux dans les phénomènes
de régulation neuro-immunologique du tube digestif. Le but de
l'étude était de mettre en évidence des anomalies histologiques
(inflammatoires et neuromusculaires) dans des biopsies
transpariétales de l'intestin grêle de malades avec SII. Dix
patients (8 femmes, 2 hommes) répondant aux critères
stricts de SII sévère (critères de Rome I, manométrie du grêle
normale, retentissement sur la vie professionnelle) ont accepté une
laparoscopie avec biopsie transpariétale de 1 cm2
du jéjunum proximal. Après suture et 24 heures d'observation,
ils sont tous ressortis sans complication de l'hôpital. L'analyse
histologique a porté dans la muqueuse sur le nombre de lymphocytes
intraépithéliaux (LIE) exprimés en nombre de lymphocytes pour
100 cellules épithéliales et dans la paroi digestive sur
l'infiltration lymphocytaire dans les plexus entériques, les signes
de dégénérescence neurologique, les mastocytes, les cellules de
Cajal et l'épaisseur de la couche musculaire longitudinale. Une des
difficultés d'une telle étude était d'obtenir des groupes témoins.
Pour ce faire les auteurs ont utilisé : 1) pour le nombre de
lymphocytes intraépithéliaux deux groupes témoins (un groupe
constitué de 20 biopsies iléales réalisées au cours de
coloscopies pour adénomes coliques et un groupe de 10 biopsies
jéjunales transpariétales effectuées chez des patients opérés pour
neuropathie digestive dégénérative), 2) un groupe de
15 biopsies jéjunales autopsiques chez des patients indemnes
de maladie digestive. Les résultats montrent que les LIE étaient
significativement plus élevés chez 4 patients (sur 10) par
rapport aux témoins (respectivement 4 % versus
13,9 %). Dans les plexus myentériques, une infiltration
lymphocytaire péri- ou intraganglionnaire était retrouvée chez
9 patients sur 10. Alors que les témoins (série autopsique)
avaient en moyenne 0,17 (± 0,6) lymphocytes par ganglion, les
patients avaient des extrêmes allant de 1,9 à 7,1 par ganglion. Par
ailleurs, des signes de dégénérescence neurologique (vacuolisation,
fragmentation du noyau, cellule picnotique, cariorrhexie...)
étaient présents chez 7 de ces 9 patients. Le nombre de
mastocytes était normal dans les différentes couches tissulaires.
Six patients présentaient des anomalies des cellules de
Cajal comprenant soit une diminution de leur nombre autour des
plexus myentériques (n = 2), soit une hyperplasie avec
hypertrophie (n = 4). Une hypertrophie de la couche
musculaire longitudinale a été retrouvée chez 9 patients sur
10.
Les résultats de ce travail ont une importance considérable même
si leur interprétation est prématurée. Ils montrent l'existence
d'anomalies objectives dans le SII. Peu de travaux ont recherché
des anomalies histologiques en dehors de la muqueuse dans le SII.
Dès 1962, Hiatt et al. [3] avaient montré, sur 4 pièces
de colectomie réséquées pour un « côlon spasmodique »,
une augmentation des mastocytes dans la muscularis, ce qui n'est
pas confirmé dans ce travail. Plus récemment, Wahnshuffe et
al. [4] chez des patients avec SII diarrhéique, ont montré une
augmentation du nombre des LIE renforçant la théorie du
hyperactive gut after antigenic provocation. En ce qui
concerne l'hypertrophie musculaire, celle-ci avait déjà été notée
dans les travaux de Hadzijahic et al. [5] sur un modèle
animal de destruction chimique des plexus et par Blennerhassett
et al. [6] au cours d'une infection aiguë par Trichenella
spiralis. Dans le travail de Tornblom et al.,
l'hypertrophie musculaire est également présente chez les patients
sans infiltration lymphocytaire, ce qui serait plutôt en faveur
d'une neuropathie. Ce travail suggère qu'une inflammation et/ou une
pathologie neurologique pourrait être un dénominateur commun au
groupe de patients avec SII quelle que soit la diversité de leur
phénotype clinique. Les critères de Rome I et II, basés sur les
symptômes, devront-ils être remplacés ou complétés par des critères
histopathologiques, peut-être les futurs critères de
Rome III ?
Références
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