Hépato-Gastro & Oncologie Digestive
MENUEssai contrôlé et randomisé du biofeedback dans l’incontinence anale Volume 11, issue 3, Mai-Juin 2004
- Page(s) : 239
- Published in: 2004
Auteur(s) : Thierry Piche
Norton C, Chelvanayagam S, Wilson-Barnett J, Redfern S, Kamm MA. Randomized controlled trial of biofeedback for fecal incontinence. Gastroenterology 2003 ; 125 : 1320-9.La fréquence de l’incontinence anale dans la population générale
est certainement sous-estimée et atteindrait 1,4 % selon les
études. Le biofeedback est une thérapie comportementale qui repose
sur le principe d’un conditionnement opérant. Une contraction
volontaire du sphincter externe (SE) est demandée au malade dès la
perception de la distension rectale par un ballonnet de manométrie
anorectale. La perception de la distension peut être améliorée par
la visualisation des tracés par le malade. Cette procédure est
répétée régulièrement avec des volumes de distension de plus en
plus faibles. Quarante-six études publiées en anglais se sont
intéressées au traitement de l’incontinence anale par biofeedback.
Elles sont le plus souvent non contrôlées et ont concerné
1 364 malades. Parmi les données analysables, il apparaît
que 48,6 % des malades seraient guéris et 71,7 %
verraient leurs symptômes améliorés après biofeedback [1]. Une
augmentation de la pression de repos du SE est généralement
observée après biofeedback, mais cette élévation reste modeste et
n’est pas corrélée à l’amélioration des symptômes. En revanche,
dans la plupart des travaux, l’amélioration de la perception à la
distension est associée à l’amélioration symptomatique [2]. Ces
résultats discordants pourraient être expliqués par une procédure
de mauvaise qualité ou le recueil trop précoce des données de
manométrie après traitement [3]. Le but de la présente étude était
d’évaluer l’efficacité du biofeedback et de déterminer les facteurs
prédictifs de bonne réponse au traitement dans l’incontinence
anale.
Dans cette étude contrôlée, 171 malades incontinents étaient
randomisés en quatre groupes. Dans le premier groupe, une prise en
charge médicale était proposée avec des conseils réguliers
concernant l’alimentation et l’utilisation des médicaments
antidiarrhéiques. Dans le groupe 2, ces conseils simples étaient
associés à des exercices sphinctériens. Les malades devaient
effectuer au moins 50 contractions soutenues du SE par jour.
Dans le groupe 3, des séances régulières de biofeedback étaient
associées. Enfin, les malades du groupe 4 devaient poursuivre
le biofeedback à domicile assisté par électromyographie. Les
résultats indiquent que le biofeedback n’amenait aucun bénéfice
comparé au traitement médical standard (53 % d’amélioration
dans le groupe 3 versus 54 % dans le groupe 4,
NS). La qualité de vie des malades (SF 36, HADS), la pression de
repos du SE et la qualité de la contraction volontaire étaient
améliorées dans les quatre groupes, sans différence statistique
entre eux. Aucun facteur prédictif de bonne réponse n’a pu être
dégagé. Les résultats de cette étude montrent que la plupart des
malades atteints d’incontinence anale peuvent être améliorés par
une prise en charge médicale simple et que ce bénéfice est maintenu
à moyen terme. La mise en œuvre d’exercices sphinctériens ou de
biofeedback n’améliore pas cette stratégie thérapeutique. Les
résultats négatifs de ce travail doivent être tempérés par quelques
biais méthodologiques. Il est difficile de comparer ces résultats à
ceux d’études antérieures dans la mesure où la fréquence des
épisodes d’incontinence, c’est-à-dire la sévérité de la maladie,
n’était pas prise en compte comme critère d’inclusion. Par
ailleurs, une grande proportion de malades n’a pas bénéficié
d’évaluations répétées de la fonction anorectale. Enfin, ce travail
a été conduit dans un centre spécialisé, ce qui doit rendre
prudente la généralisation des résultats.
En conclusion, le biofeedback n’apporte pas de bénéfice
significatif comparé à une prise en charge médicale non opérante de
l’incontinence anale. Sa place dans l’incontinence anale se voit
donc considérablement limitée et sa mise en œuvre devrait être
mûrement réfléchie au regard de la lourdeur de la technique pour un
bénéfice qui semble modeste.
Références
1. Whitehead WE, Orr WC, Engel BT, Schuster MM. External anal sphincter response to rectal distension : learned response or reflex. Psychophysiology 1981 ; 19 : 57-62.
2. Wald A, Tunuguntla AK. Anorectal sensorimotor dysfunction in fecal incontinence and diabete mellitus. Modification with biofeedback therapy. N Engl J Med 1984 ; 310 : 1282-7.
3. Rao SS, Welcher KD, Happel J. Can biofeedback therapy improve anorectal function in fecal incontinence ? Am J Gastroenterol 1996 ; 91 : 2360-6.