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Prophylaxie précoce de la rechute au niveau du système nerveux central en association à de la chimiothérapie intensive des patients atteints de lymphome B diffus à grandes cellules, une étude nordique Volume 26, issue 4, Juillet-Août 2020

Figures


  • Figure 1

Les patients présentant un lymphome B diffus à grandes cellules (LBDGC) ont un risque de rechute au niveau du système nerveux central (SNC) ; ce risque est évalué selon plusieurs facteurs tels que les atteintes rénales et surrénaliennes, l’existence de plus d’une atteinte extraganglionnaire et un taux élevé de lactate déshydrogénase (LDH) [1]. Le traitement des LBDGC repose sur des combinaisons de chimiothérapies [2]. Chez les patients à haut risque de rechute, un protocole intensif d’un groupe nordique associant la combinaison rituximab, cyclophosphamide, hydroxyadriamycine, vincristine, prédnisone et étoposide (R-CHOEP) 14 à une prophylaxie tardive du SNC a montré 4,5 % de rechute au niveau du SNC [3]. Cette étude du groupe nordique lui fait suite et évalue l’efficacité et la tolérance d’une prophylaxie précoce par méthotrexate haute dose (Mtxt) et l’injection intrathécale de cytarabine liposomale (IT) [4]. Les patients inclus présentaient un LBDGC ou un lymphome folliculaire, sans atteinte du SNC (analyse du liquide céphalo-rachidient [LCR], imagerie). Les patients présentaient un index pronostique international (IPI) ajusté à l’âge de 2-3, ou des facteurs de risque de rechute au niveau du SNC (plus d’une atteinte extraganglionnaire, atteinte testiculaire, atteinte sinusale ou orbitale avec destruction osseuse, infiltration médullaire).

Traitement : les patients étaient traités de façon intensive selon le schéma décrit en figure 1. Le critère de jugement principal était la survie sans événement (progression, toxicité, absence de réponse, décès) (SSE) ou sans progression (SSP), ainsi qu’une rechute au niveau du SNC. L’objectif secondaire était la survie globale. Cent quarante-trois (143) patients ont été inclus entre mars 2011 et décembre 2014 ; 96 % avaient un LBDGC, un âge médian de 56 ans, un stade avancé, des taux élevés de LDH, plus d’une lésion extraganglionnaire et des symptômes B ; 37 % des patients présentaient une masse bulky, 45 % avaient un score CNS IPI (pour central nervous system IPI) élevé et 8 % présentaient une atteinte du SNC sur leur LCR ; 54 % étaient de type GC, 15/38 prélèvements présentaient une double positivité (BCL2 et cMyc). Neuf prélèvements sur 77 étaient double hit, tous de phénotype GC avec un stade avancé et des taux de LDH élevés. Quatre-vingt-seize pour cent (96 %) des patients ont reçu la totalité du traitement ; 34 % ont bénéficié d’une réduction de dose ou n’ont pas reçu leur deuxième Mtxt (toxicité rénale) ; 61 % ont reçu des IT (arrêt de production pour les autres). Trente-six patients ont présenté un échec (neuf pour toxicités, 20 pour progression, cinq pour autre néoplasie et un inconnu). Cent-dix-neuf (119) patients ont bénéficié d’une évaluation en tomographie par émission de positons (TEP-scanner), 77 % étaient en réponse complète. Après un suivi médian de 60 mois, 23 patients ont rechuté, dont trois en SNC ; 23 patients sont décédés (16 décès imputables au lymphome)

Les taux de SSE, de progression au niveau du SNC, de SSP et de SG à trois ans étaient respectivement de 77, 2,3, 81 et 86 %, et à cinq ans de 74, 2,3, 81 et 83 %. Le seul facteur de risque de progression identifié était un score de Deauville à 5 en fin de traitement. Les patients ayant reçu > 3 g/m2 de Mtxt présentaient de meilleures SG et SSP. Ceux ayant reçu moins de Mtxt étaient plus altérés (peformance status), avec des scores IPI ajusté à l’âge plus élevés, et présentaient plus d’échecs du traitement liés aux toxicités. L’ajustement de l’impact du Mtxt à ces facteurs ne modifiait pas son effet bénéfique. Inversement, la SSP et la rechute au niveau du SNC n’étaient pas corrélées au nombre d’IT.

Cette observation est la plus grande étude prospective étudiant l’efficacité et la sécurité d’une prophylaxie précoce et systémique du SNC chez les patients < 65 ans présentant un LBDGC. L’administration précoce de Mtxt associé à une chimiothérapie intensive permettait de réduire l’incidence des rechutes au niveau du SNC, et d’améliorer la SSE et SSP.

Le score CNS IPI est paru après l’initiation de cet essai [1], 53 % des patients présentaient un risque CNS IPI élevé, ou un autre groupe décrit comme à risque (doubles expresseurs) avec un risque de rechute estimé entre 10 et 12 %. Parmi ces patients, seuls 2,3 % ont présenté une rechute au niveau du SNC. Quarante-sept pour cent (47 %) présentaient un score CNS IPI faible ou intermédiaire, avec un risque de rechute attendu au niveau du SNC < 5 % et la question de la prophylaxie demeure. Cependant, les meilleurs résultats systémiques obtenus avec l’ajout du Mtxt peuvent réduire le nombre de rechutes. En termes de tolérance, il semble adapté aux patients < 60 ans : au-delà, le risque toxique peut limiter son effet bénéfique. Dans cette étude, les résultats des patients doubles hit sont comparables aux autres, ce qui peut laisser supposer que l’intensification par Mtxt pourrait profiter à ce sous-groupe de pronostic péjoratif [5]. Cette étude reste limitée, par la comparaison à une cohorte historique et le manque de puissance.

En conclusion, les auteurs démontrent l’intérêt de l’ajout de Mtxt à une chimiothérapie intensive chez des patients atteints de LBDGC de haut risque en termes de SSE, de SSP et de prévention de rechute au niveau du SNC.

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