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Hématologie

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Mini-allogreffe et myélome : réponses mais aussi toxicité élevées Volume 7, issue 3, Mai - Juin 2001

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  • Published in: 2001

Malgré les avancées récentes dans le traitement du myélome, les patients présentant des facteurs de mauvais pronostic (délétion du chromosome 13 et/ou beta2-microglobuline élevée) ne tirent pas bénéfice de l'intensification thérapeutique avec support de cellules souches autologues. Plusieurs équipes testent d'autres approches thérapeutiques chez ces patients réfractaires, en particulier l'effet immunologique des greffes allogéniques. L'allogreffe de moelle « conventionnelle » a mauvaise réputation dans le cas particulier du myélome à cause de sa toxicité (environ 40 % de décès toxiques) et du faible nombre de malades éligibles pour cette procédure lourde. Cependant, l'obtention de rémissions prolongées après allogreffe ou après infusion de donor lymphocyte infusion (DLI) à la rechute, suggèrent fortement l'existence d'un effet allogénique greffon contre myélome. Depuis peu les procédures de conditionnements immunosuppresseurs non myélo-ablatifs suivis de réinjections de cellules souches allogéniques (dites mini-greffes) permettent une prise de greffe stable et semblent moins toxiques que la procédure conventionnelle. Ceci explique l'extension actuelle des indications des mini-greffes à des patients multitraités et plus âgés qui jusqu'à présent n'étaient pas éligibles pour une allogreffe standard.
L'article de Badros [1] a évalué l'effet de la mini-greffe chez 16 patients (42 à 70 ans) ayant un myélome de mauvais pronostic (délétion du chromosome 13, caryotype complexe, myélodysplasie associée) et déjà lourdement traités. Le conditionnement ne comportait que du melphalan (100/mg.m 2) à J–1 associé à la ciclosporine. Quatorze malades sur 16 ont reçu une greffe géno-identique alors que les deux restants ont reçu un greffon familial partiellement compatible sur un locus HLA classe II. Les cellules souches ont été collectionnées après mobilisation par du G-CSF (10 mug/kg/j). La dose médiane de CD34/kg injectée était de 5,5.106. Le schéma initial de l'étude prévoyait, en l'absence de GVH, l'arrêt de la ciclosporine à partir de J60 et l'injection des lymphocytes du donneur à J21, J42 et J112 pour établir un chimérisme donneur. Mais en raison de la constatation d'une incidence élevée de GVH, le schéma a été modifié et les DLI utilisées seulement : (i) en cas de chimèrisme mixte après un mois d'arrêt de la ciclosporine, (ii) devant la persistance d'une maladie résiduelle ou progressive (toujours après un mois d'arrêt de la ciclosporine), (iii) en association avec une chimiothérapie après échec d'une première DLI. Tous les patients ont reçu une prophylaxie anti-microbienne à large spectre et ont été traités par ganciclovir en cas d'antigénémie CMV positive. Les enseignements de cette étude sont les suivants :
1. Un conditionnement par melphalan seul (sans fludarabine, ni TBI) permet dans la plupart des cas d'obtenir un chimérisme donneur (12/16 à J30, 15/16 après DLI, 1 échec) chez ces patients déjà immunodéprimés par les traitements antérieurs. Ce conditionnement est mieux toléré que les conditionnements classiques (absence de TRM précoce (treatment related mortality), et TRM tardive de 18 % après 100 j). Un taux normal de lymphocytes CD4 est obtenu, en médiane à 6 mois.
2. La procédure reste cependant hautement toxique par l'incidence élevée de GVH (aiguë, n = 9 et chronique, n = 7 dont quatre extensives). Les complications infectieuses sont également nombreuses, puisque l'on dénombre 12 réactivations CMV, six bactériémies, deux sepsis et deux aspergilloses.
3. Le taux de réponse est pourtant remarquablement élevé (75 % de réponse globale) dont 30 % de réponse complète (RC) chez des patients ayant déjà reçu une (9/16) voire deux autogreffes (7/16) et ayant déjà eu un traitement de rattrapage par thalidomide (11/16). Sur les cinq patients en RC, quatre étaient en réponse partielle avant la mini-allogreffe (le plus souvent après autogreffe). Les réponses observées sont relativement retardées par rapport au conditionnement et surviennent, chez les patients réfractaires, uniquement en cas de GVH, dans un délai médian de 14 j. Ceci suggère un effet greffon contre myélome, mais on ne peut totalement exclure le rôle du melphalan dans le conditionnement surtout après traitement par le thalidomide. Au total, avec un suivi médian de un an, 11 patients sont en vie, cinq sont décédés (progression de la maladie : n = 2 ; TRM tardive : n = 3). Sur les huit patients ayant obtenu une RC ou une très bonne rémission, deux sont décédés de complications liées à la GVH et six demeurent en rémission stable.
S'il existe donc un réel effet allogénique anti-tumoral, celui-ci semble associé à une toxicité importante par GVH. De nombreux efforts sont donc encore nécessaires pour améliorer les résultats de l'immunothérapie adoptive en trouvant les moyens d'améliorer les réponses anti-tumorales et de limiter la réaction du greffon contre l'hôte (définition de la dose optimale, cytotoxic T lymphocytes (CTL) spécifiques d'antigènes mineurs des cellules hématopoïétiques, CTL génétiquement modifiés, déplétion en cellules CD8...).

1. Badros A, Barlogie B, Morris C, Desikan R, Martin SR, Munshi N, et al. High response rate in refractory and poor-risk multiple myeloma after allotransplantation using a nonmyeloablative conditioning regimen and donor lymphocyte infusions. Blood 2001 ; 97 : 2574-9.