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Hématologie

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L’essai ICARIA-MM : un nouveau standard de traitement pour le myélome multiple en rechute ou réfractaire au lénalidomide et aux inhibiteurs du protéasome ? [1] Volume 26, issue 1, Janvier-Février 2020

Malgré les récents progrès thérapeutiques concernant la prise en charge des patients atteints d’un myélome multiple, ce dernier reste incurable et la rechute est inévitable. Lorsqu’elle survient après plusieurs lignes de traitement et chez des patients réfractaires au lénalidomide et aux inhibiteurs du protéasome (deux des principales classes thérapeutiques utilisées), les options thérapeutiques sont limitées et le pronostic des patients sombre [2, 3]. L’isatuximab, un anticorps monoclonal anti-CD38, a montré des résultats encourageants lors d’une phase 1b, en association avec le pomalidomide et des faibles doses de dexaméthasone chez des patients souffrant de myélome multiple en rechute ou réfractaire (MMRR), en obtenant environ 65 % de réponse globale [4]. L’essai multicentrique, randomisé et de phase III ICARIA, a évalué l’efficacité de l’association isatuximab, pomalidomide et dexaméthasone en comparaison au traitement de référence pomalidomide-dexaméthasone, chez des patients atteints d’un MMRR.

De janvier 2010 à février 2018, 307 patients ont été inclus, en intention de traiter, avec une randomisation de 1:1. Cette randomisation était stratifiée selon le nombre de lignes thérapeutiques précédentes (2-3 versus > 3) et selon l’âge (< 75 ans versus ≥ 75 ans). Étaient inclus, les patients naïfs de toute exposition à un anticorps monoclonal anti-CD38 et ayant reçu au moins deux lignes thérapeutiques précédentes incluant du lénalidomide et un inhibiteur du protéasome. Les patients des deux bras de randomisation, recevaient du pomalidomide selon le schéma standard (4 mg/j 21 jours sur 28 jours) et de la dexaméthasone hebdomadaire soit par voie orale (PO) ou intraveineuse (IV) à la dose de 40 mg (ou 20 mg chez les plus de 75 ans). Les 154 patients randomisés dans le bras expérimental, recevaient, en complément de l’association pomalidomide-dexaméthasone, l’isatuximab 10 mg/kg IV selon un schéma hebdomadaire au premier cycle puis bimensuellement (J1-J15) à partir des cycles suivants. Le critère de jugement principal de l’étude était la survie sans progression (SSP), la survie globale (SG) était évaluée comme objectif secondaire, tout comme le taux et le niveau de réponse obtenu.

Avec un suivi médian de 11,6 mois (IQR : 10,1-13,9), la survie médiane sans progression était de 11,5 mois (95%IC : 8,9-13,9) dans le bras isatuximab, pomalidomide, dexaméthasone (IPd) contre 6,5 mois dans le bras contrôle (Pd) (HR : 0,596, 95%IC : 0,44-0,81 ; p = 0,001). Ce bénéfice significatif en SSP a été constaté chez les patients ayant reçu plus de trois lignes de traitement, chez ceux qui étaient réfractaires au lénalidomide ou aux inhibiteurs du protéasome ou aux deux, et également chez les patients âgés de plus de 75 ans. Le taux de réponse globale était plus important dans le bras IPd par rapport au bras Pd (respectivement 60 % contre 35 %, OR 2,795, p < 0,0001). De plus, la profondeur de la réponse était meilleure dans le groupe IPd avec 49 patients (32 %) obtenant au moins une très bonne réponse partielle contre seulement 13 patients (9 %) dans le groupe contrôle (p < 0,0001). Cependant, l’analyse intermédiaire de cet essai n’a pas permis de mettre en évidence un bénéfice significatif en survie globale à 12 mois (SG à 72 % dans le bras IPd contre 63 % pour le bras Pd, HR 0,687, 95%IC 0,46-1,02 ; p = 0,063), avec une médiane de survie globale non atteinte pour les deux groupes. Le profil de tolérance était acceptable pour les patients traités dans le bras expérimental, avec certes, 38 % de réaction à l’injection de l’isatuximab mais seulement 2 % de grade 3-4, ainsi qu’un nombre plus important d’infections des voies respiratoires hautes (28 versus 17 %) et de diarrhées (26 versus 20 %). L’utilisation de facteur de croissance granulocytaire était nécessaire chez 69 % des patients dans le groupe IPd contre 53 % dans le groupe Pd. La mortalité liée au traitement était similaire dans les deux bras avec respectivement 8 % des patients recevant le schéma IPd (n = 12) contre 9 % des patients du groupe contrôle (n = 14).

En conclusion l’ajout de l’isatuximab à l’association pomalidomide et dexaméthasone, améliore significativement la survie sans progression des patients atteints d’un MMRR avec un profil de tolérance acceptable, y compris chez les sujets âgés et les patients multiréfractaires. Cette association triple peut s’imposer comme un standard de traitement des patients en rechute réfractaires au lénalidomide et aux inhibiteurs du protéasome, une ATU de cohorte est d’ores et déjà disponible pour ces patients.

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