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Environnement, Risques & Santé

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Pharmaceutical residues in the marine environment Volume 17, supplement 1, April 2018

Tables

La consommation mondiale de médicaments tant à usages humains que vétérinaires a été estimée à plusieurs centaines de milliers de tonnes par an [1]. Les différentes utilisations thérapeutiques et diagnostiques des médicaments conduisent au rejet de résidus qui rejoignent à terme le milieu marin, un milieu récepteur sensible soumis aux changements globaux (pressions anthropiques, acidification et changement de température). L’origine de la contamination du milieu marin par les résidus de médicaments, que l’on appellera produits pharmaceutiques (PP), est principalement continentale, véhiculée par les fleuves mais aussi par les eaux usées des villes côtières, traitées ou non, rejetées directement en mer à travers des émissaires. À cette contamination, viennent s’ajouter des activités pratiquées in situ, comme l’aquaculture [2], qui polluent ponctuellement les zones côtières où les fermes d’élevage sont implantées. Ces pressions sur les zones côtières ne cessent de croître. Des estimations situent entre 50 et 60 % le pourcentage de la population mondiale vivant dans la grande zone côtière qui représente 2 % de la surface terrestre. Environ 3,8 à 4,0 milliards de personnes résident à moins de 150 km du rivage. Huit des dix plus grandes agglomérations de la planète se situent sur la côte [3]. Dans ce contexte de pression grandissante sur les écosystèmes côtiers et marins, les PP représentent un stress supplémentaire à prendre en considération.

L’état des connaissances sur le devenir des PP dans l’environnement s’est fortement amélioré au cours de ces dernières années. En France, c’est le Programme national d’écotoxicologie (PNETOX), lancé en 1996 par le ministère chargé de l’Environnement, pour répondre à la demande des pouvoirs publics en matière d’expertise, de conseil et de recherche sur l’évaluation des dangers et des risques dus à la présence de polluants dans l’environnement, qui a financé le premier projet français sur les PP en 2002 [4]. Il était alors question d’identifier et de quantifier des substances à visée thérapeutique ou diagnostique dans les stations d’épuration afin d’évaluer les apports aux milieux récepteurs. Un colloque intitulé « Risques écologiques et sanitaires des résidus de médicaments dans les eaux – Rapprocher science et décision » a fait le point, au niveau national, sur les connaissances acquises en termes d’évaluation et de gestion des risques en 2005 dans les milieux aquatiques continentaux [4]. Au niveau international, quelques études se sont intéressées à certains PP entre les années 1950 et 1980, mais c’est seulement à partir des années 2000 que la thématique scientifique concernant les PP a été identifiée pour aboutir à un corpus commun « pharmaceuticals in the environment » (PiE) [5]. L’identification du milieu marin comme un compartiment concerné par l’exposition aux PP est apparu plus récemment. Ainsi, la première étude sur les contaminants émergents incluant des PP dans les eaux littorales françaises lancée à un niveau institutionnel a vu le jour en 2012 [6]. Elle faisait suite à des résultats précurseurs ayant mis en évidence la présence de PP en zone côtière [7] et à des résultats issus des premiers projets de recherche sur les PP en milieu marin soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), i.e. PEPSEA et PHARMECOTOX, initiés en 2009 et 2011 respectivement.

L’objectif de cet article est de présenter les principaux éléments mis en évidence dans la littérature sur la contamination du milieu marin par les PP et de proposer quelques pistes de réflexion pour la prise en compte de cette problématique pour des actions futures.

Présence de produits pharmaceutiques dans les eaux marines

Deux revues de la littérature ont récemment fait la synthèse de l’état des connaissances sur la contamination par les PP du milieu marin [8, 9], milieu pour lequel les publications disponibles restent bien moins nombreuses que celles consacrées à l’étude des PP dans les eaux continentales. Parmi les quelques 4 000 médicaments répartis en 15 classes thérapeutiques disponibles aujourd’hui sur le marché [10], seules environ 200 substances ont été recherchées dans l’ensemble des études consacrées au milieu marin. Le travail publié par Arpin-Pont et al. [8] synthétise les résultats de 71 articles publiés de 2002 à début 2014 sur la contamination de l’eau, des sédiments et des organismes marins ; celui de Gaw et al. [9] s’intéresse à une petite centaine d’articles pour déceler les sources, les impacts ou effets et les concentrations dans le milieu marin.

Ces deux revues de la littérature scientifique soulignent plusieurs éléments à considérer pour l’analyse des résultats des travaux de recherche conduits en milieu marin.

Un des premiers éléments à considérer concerne les stratégies d’échantillonnage appliquées pour l’étude des concentrations dans l’eau. Elles varient fortement d’une étude à l’autre en fonction de l’objectif recherché. Les prélèvements ponctuels sont les plus couramment utilisés mais quelques données sont obtenues à partir d’échantillonneurs passifs, qui présentent l’avantage d’intégrer le prélèvement dans le temps et qui permettent aussi d’atteindre des concentrations mesurables pour certains composés et leurs métabolites [11]. L’échantillonnage passif est ainsi retenu pour répondre aux enjeux de dilution en milieu marin et de niveaux de concentrations attendus plus faibles [12]. Cependant, ces dispositifs nécessitent une calibration de leurs taux de prélèvement pour assurer la fiabilité des résultats, ce qui devient un point critique lorsque peu de standards analytiques ou composés de référence (performance reference compounds [PRC]) sont disponibles pour les PP [13].

L’essentiel des travaux est réalisé à partir d’un échantillonnage de la phase dissoute, privilégiant la filtration comme méthode de séparation. Ainsi, les substances véhiculées par les matières en suspension ne sont pas prises en considération dans l’analyse globale de la contamination de la colonne d’eau. Dans les estuaires et les milieux de transition entre eau douce et eau de mer, le pH évolue progressivement vers la valeur typique de l’eau de mer (pH = 8), ce qui influence le comportement des molécules possédant des groupes fonctionnels ionisables avec des constantes de dissociation (pKa) proches de cette valeur. En même temps, l’augmentation de la salinité participe à une modification des équilibres chimiques avec une plus forte ou plus faible affinité de ces molécules pour les matières en suspension et les organismes planctoniques (exemple de la tétracycline [14]).

En raison des difficultés à multiplier les échantillonnages, les études prennent rarement en considération les distributions spatiales et temporelles. Des paramètres qui influencent la distribution spatio-temporelle de la contamination, comme l’hydrodynamique, la conformation du site, la profondeur de prélèvement, sont essentiels à la compréhension de la distribution des PP dans l’eau et mériteraient d’être plus largement renseignés et discutés, comme le montrent les travaux de Bayen et al. [15] et de Fenet et al. [16].

Au-delà de ces considérations sur les stratégies d’échantillonnage, Arpin-Pont et al. [8] procèdent à une sélection des études en se basant sur la qualité de la méthode analytique utilisée ; seuls les articles utilisant des méthodes de dosage spécifiques adaptées à des analyses de traces environnementales (i.e. chromatographie liquide ou gazeuse couplée à la spectrométrie de masse), et procurant des informations sur les performances analytiques desdites méthodes telles que les limites de détection et quantification, des rendements d’extraction compris entre 70 et 120 % et une précision avec un coefficient de variation inférieur à 20 %, sont pris en considération. Avec cette sélection, quelques molécules apparaissent fréquemment recherchées et trouvées, comme par exemple des antibiotiques : l’érythromycine (recherchée dans 220 sites, détectée dans 77 % des échantillons sur sept études) ou le sulfaméthoxazole (recherché dans 251 sites, détecté dans 71 % d’entre eux dans neuf études) et le triméthoprime. D’autres molécules issues d’autres classes de médicaments, comme l’antiépileptique carbamazépine (recherchée dans 88 sites et trouvée dans 23 % des échantillons sur cinq études), l’anti-inflammatoire ibuprofène (recherché dans 79 sites, trouvé dans 38 % des échantillons sur cinq études) ou encore l’antalgique acétaminophène (recherché dans 65 sites, trouvé dans 81 % des échantillons sur trois études) présentent également des fréquences de détection importantes. Sur la centaine de PP recherchés, la moitié a été détectée au moins une fois. D’après Gaw et al. [9], les concentrations des 113 PP détectés dans les eaux côtières varient entre 0,01 et 6 800 ng/L et, pour 69 d’entre eux, les concentrations maximales mesurées dépassent le seuil de concentration environnementale prédit (predicted environmental concentration [PEC])* fixé par l’Agence européenne du médicament (EMA) à 0,01 μg/L. Vingt substances sont détectées dans plusieurs études : acétaminophène, aténolol, carbamazépine, clarithromycine, diclofénac, 17α-éthinylestradiol, érythromycine-H2O, gemfibrozil, ibuprofène, kétoprofène, naproxène, norfloxacine, ofloxacine, propranolol, roxithromycine, sulfadiazine, sulfadimidine, sulfaméthoxazole, tétracycline et triméthoprime. Quelques données plus récentes sur des environnements particuliers (sous des climats extrêmes et dans des sites confinés) attirent l’attention, en raison des niveaux de concentrations élevés rarement retrouvés dans des climats tempérés, qui sont largement les plus étudiés. Ainsi, González-Alonso et al. [17] ont mis en évidence des concentrations en acétaminophène, diclofénac et ibuprofène largement supérieures au microgramme par litre, avec des concentrations allant respectivement jusqu’à 48, 15 et 10 μg/L, dans le nord de la péninsule antarctique. Dans un environnement très contrasté par rapport au précédent, soit les eaux côtières de l’Arabie saoudite sur la mer Rouge, Ali et al. [18] ont trouvé de l’acétominophène et de la metformine à des concentrations de 2 379 ng/L et dépassant les 3 000 ng/L, respectivement. Ces concentrations extrêmes se retrouvent dans des milieux confinés, directement impactés par des rejets d’eaux usées et, pour le premier, avec des conditions de lumière, température et salinité qui ne favorisent pas la dégradation. Ils ne sont donc pas la norme. Cependant, ces deux cas mettent en évidence que des écosystèmes peuvent se retrouver ponctuellement face à des concentrations en PP qui vont largement au-delà de celles qui sont considérées comme des « concentrations environnementales » (comprises entre le ng/L et le μg/L) et montrent les limites de nos connaissances en milieu marin où la diversité des écosystèmes est grande.

Présence de produits pharmaceutiques dans les sédiments marins

Les sédiments marins peuvent être contaminés par des PP en fonction de la capacité de sorption de ces molécules, qui est déterminée par leurs propriétés physicochimiques (pKa, log Kow), et de la nature du sédiment (capacité d’échange cationique [CEC], teneur en matière organique et en argiles). Ainsi, certaines molécules (cationiques, par exemple) se retrouveront plus adsorbées sur le sédiment en milieu marin qu’en eau douce, pour des CEC de sédiments similaires, phénomène qui peut être amplifié pour des molécules ayant les log Kow les plus élevés. D’après Arpin-Pont et al. [8], environ un tiers des 150 molécules recherchées a été retrouvé dans les sédiments marins. Les antibiotiques sont les molécules présentant les teneurs les plus élevées dans les sédiments souvent dans des sites proches de fermes aquacoles, comme par exemple les 184 ng/g de poids sec pour des antibiotiques de la famille des tétracyclines retrouvés par Chen et al. [19] en 2015. Le 17α-éthinylestradiol atteint 129 ng/g dans les sédiments marins [9]. Gaw et al. rapportent également la présence de métabolites et produits de transformation de PP dans les sédiments, comme le α-hydroxy-métoprolol ou la simvastatin hydroxy-carboxylic acid, à des concentrations de quelques ng/g.

Les sources des apports de PP au milieu marin sont maintenant connues. Différents travaux montrent des concentrations en PP dans l’eau, plus élevées à proximité des rejets d’eaux usées, dans des ports, baies et estuaires, concentrations qui diminuent à mesure que l’on s’éloigne de ces sources. Cependant, le résultat de ces apports sur les teneurs en PP dans les sédiments mériterait d’être mieux documenté. Les modalités de mélange entre ces apports et l’eau de mer et les conditions hydrodynamiques participant au transport solide, la sédimentation ou la remise en suspension modifient les équilibres de sorption des PP dans les sédiments. Cette dynamique de mélange et de remise en suspension est accentuée dans certaines régions en fonction des variations saisonnières du climat ou quand il y a des périodes sèches et humides très contrastées. Ainsi, des événements pluvieux de forte intensité ont pour conséquence une diminution des concentrations en PP dans l’eau dans un estuaire urbain [20], alors que c’est durant la période humide que la probabilité de détecter de l’acétaminophène augmente dans un autre [21]. La prise en compte du transport solide viendrait probablement apporter des éléments de compréhension sur la dynamique de ces systèmes, car des flux d’eau considérables apportent incontestablement dans les eaux côtières des charges en matières en suspension non négligeables, avec leur part de PP adsorbés. D’autres informations expliquent les variations temporelles des concentrations des PP dans les milieux côtiers. Il s’agit des performances de traitement des stations de traitement des eaux usées, lorsqu’elles sont présentes et fonctionnelles, et le ruissellement des bassins versants [9]. Dans tous les cas, l’ensemble des processus mis en œuvre rend particulièrement complexe la prédiction des concentrations en PP dans les sédiments, principalement dans les zones de transition comme les lagunes littorales ou les estuaires, et nécessite des approches au cas par cas.

Présence de produits pharmaceutiques dans les organismes marins

L’une des raisons pour lesquelles il est nécessaire de connaître la distribution spatio-temporelle des PP dans les milieux marins est l’estimation du risque toxique qu’ils représentent pour la faune et la flore de ces milieux. Quelques études consacrées à l’étude de la présence de PP dans les organismes du milieu marin ont mis en évidence que certains PP sont biodisponibles pour la faune sauvage de ce milieu et que des effets néfastes au niveau de l’organisme sont mesurables à des concentrations environnementales [22]. Ces études ont nécessité la mise en place de méthodes analytiques lourdes, car des méthodes d’extraction et d’analyse performantes doivent être utilisées pour limiter les effets de la matrice et atteindre des seuils de détection et de quantification suffisants [23, 24]. L’interprétation des résultats est également complexe car elle doit être faite au regard des modes de vie des organismes étudiés, des distributions d’âge et de taille et d’autres paramètres comme le sexe participant également à des taux d’accumulation différents. Les PP, à quelques exceptions près, sont des substances de lipophilie faible à modérée, avec un potentiel de bioaccumulation négligeable au regard du seuil proposé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’un log Kow de plus de 3 [25]. Des études en laboratoire montrent en effet que les facteurs de bioconcentration sont faibles, comme par exemple 51 L/kg de poids sec pour le diazépam et 3,9 L/kg de poids sec pour la carbamazépine chez Mytilus galloprovincialis, la moule méditerranéenne [26, 27]. Des études en milieu naturel ont cependant mis en évidence des bioaccumulations plus élevées, variant par exemple pour la carbamazépine entre 90 et 322 [28]. Les voies d’exposition (respiratoire, alimentaire, etc.) vont ainsi être déterminantes dans le milieu naturel, certains organismes étant exposés majoritairement par la respiration (poissons pélagiques) alors que d’autres le seront également par ingestion de colloïdes (poissons benthiques et mollusques). De plus, et comme c’est le cas pour la répartition entre l’eau, les sédiments et les matières en suspension, le pH doit être mesuré car il détermine la forme, ionisée ou neutre, prépondérante dans l’eau et en conséquence disponible pour les organismes. Enfin, le transfert trophique est également à prendre en considération, comme il a déjà été démontré dans les eaux continentales [29].

Le lien entre l’historique d’exposition des organismes sauvages et les concentrations mesurées lors des échantillonnages est difficile à établir. Pour pallier à cette problématique, la méthode d’encagement d’organismes, comme les mollusques bivalves, a été utilisée dans différentes études. Cette méthode est couramment utilisée dans les programmes de surveillance du milieu marin pour des contaminants autres que les PP. Ainsi, Dodder et al. [30] ont appliqué cette technique pour analyser les PP accumulés sur la côte californienne et ont mis en évidence la bioaccumulation de loméfloxacine jusqu’à des concentrations de 50 ng/g de poids sec. Sur la côte belge, la même approche a permis de détecter cinq PP dont l’acide salicylique bioaccumulé jusqu’à 490 ng/g de poids sec [31]. Les moules, organismes sessiles, ont également été collectées à l’état sauvage sur la côte californienne, dans la baie de San Francisco [28]. Parmi les molécules fréquemment détectées dans l’eau de la baie (aténolol, gemfibrozil, sulfaméthoxazole, méprovalate, valtarsan), aucune n’était détectée dans les moules qui contenaient en revanche de la carbamazépine et de la sertraline [29].

Cette différence d’affinité des PP pour l’eau, les sédiments et les organismes a été renseignée dans différents contextes climatiques et milieux (lagunes, estuaires) [32] et met en évidence la nécessité de disposer de scénarios d’exposition pour déterminer le risque de la présence des PP dans les milieux marins.

Au vu de ces informations, il est raisonnable de conclure aussi que nos connaissances sur le devenir des PP en milieu marin restent parcellaires. L’analyse de la littérature permet en effet de mettre en évidence la présence de nombre de résidus de médicaments dans l’eau, les sédiments et les organismes marins, mais ce avec des études non exhaustives compte tenu du nombre de PP commercialisés et de la diversité des milieux existants. Des informations plus complètes sur leur présence dans ces milieux (par exemple, au niveau des matières en suspension, qui participent à leur dispersion) et sur la variabilité spatio-temporelle restent à acquérir pour une meilleure détermination des impacts potentiels de ces substances.

Les effets des produits pharmaceutiques sur les organismes du milieu marin

La revue de la littérature menée par Fabbri et Franzellitti [22] met en évidence la présence de PP dans différentes espèces marines et des effets, soit au niveau moléculaire, soit au niveau de l’organisme, pour des concentrations rencontrées dans l’environnement. Les marqueurs étudiés vont de la mesure de la toxicité aiguë jusqu’à celle d’altérations biochimiques, moléculaires, physiologiques et morphologiques avec des effets qui se manifestent à des concentrations inférieures à 100 ng/L [33]. Quelques exemples des effets mesurés à ces faibles niveaux d’exposition et à différents niveaux d’organisation biologique figurent dans le tableau 1.

Au total, au cours de ces études écotoxicologiques en laboratoire, 55 espèces différentes appartenant à 20 classes taxonomiques ont été étudiées [22]. Les bivalves sont la classe la plus étudiée, suivie de celle des gastéropodes, des actinoptérygiens et des malacostracés. Les organismes utilisés pour ces études ont été collectés principalement dans l’hémisphère nord (Espagne, États-Unis d’Amérique, Portugal, France, Italie – les mers Adriatique et Méditerranée – et Suède). Les temps d’exposition aux PP varient entre 20 minutes et 126 jours, et seules neuf études dépassent 30 jours d’exposition. Les concentrations d’exposition varient entre 0,03 ng/L et 500 mg/L et, dans 95,9 % de ces études, une concentration pertinente pour l’environnement est utilisée [34].

Ces auteurs élargissent l’analyse aux écosystèmes marins et différencient l’état des connaissances sur la côte (zones intertidales et subtidales), au large, sur les récifs ou les zones benthiques. Souvent, les effets mesurés au niveau subcellulaire ne servent pas comme indicateurs des effets écologiques et peu de résultats sont disponibles pour pouvoir interpréter les résultats obtenus au niveau individuel en termes d’effets au niveau écologique. De plus, aucune étude d’effets n’a été réalisée sur des mammifères marins, la flore intertidale ou les réseaux microbiens. Ces difficultés ont fait émerger le concept d’Adverse Outcome Pathway (AOP) ou chemin de l’effet néfaste [35], qui s’oriente vers la caractérisation détaillée des voies de toxicité (à différents niveaux d’organisation biologique partant du niveau moléculaire pour arriver au niveau populationnel) conduisant à des effets néfastes et qui nécessite, pour les espèces marines, une identification préalable des modes d’action, comme celle présentée pour la fluoxétine par Fabbri et Franzellitti [22].

Discussion et perspectives

Les rivages naturels sont artificialisés et perdent leur rôle de tampon entre terre et mer. On estime ainsi que 5 à 10 km de littoral sont touchés par le développement urbain tous les jours. Des zones de nourriceries, vasières côtières ou mangroves sont polluées, détériorées ou détruites. Les écosystèmes marins, qui sont touchés par cette anthropisation des côtes, subissent des changements globaux de pH et de température, ainsi que la contamination par des contaminants historiques connus, en plus des PP et autres contaminants émergents. La recherche de l’impact des PP sur ces milieux reste à développer au regard de leur contribution possible aux perturbations écologiques déjà à l’œuvre dans ces milieux comme les dynamiques des nutriments sur les réseaux trophiques, la composition des communautés et la biodiversité, la structure des habitats et la dynamique des maladies. Une interaction constante entre différentes disciplines, au bénéfice d’une vision globale et pertinente de la problématique, reste donc nécessaire. Elle couvre la connaissance des apports en contaminants (PP, pesticides, hydrocarbures aromatiques polycycliques [HAP] et autres contaminants historiques) en provenance des bassins versants et celle de leurs apports directs en mer (eaux usées, microplastiques, etc.), la caractérisation de la composition et les ordres de grandeur des flux de ces apports, et la dynamique spatio-temporelle des teneurs en contaminants. Les informations issues de ces caractérisations sont à mettre en parallèle avec la distribution des espèces vulnérables et la dynamique générale des écosystèmes menées par l’océanographie et la biologie marine. Ces études seront à mettre au regard d’autres problématiques environnementales (prolifération d’espèces envahissantes, disparition d’espèces sensibles, apparition des zones d’hypoxie, etc.). Il s’agit d’établir une surveillance intelligente et pérenne de notre environnement, intégrant l’observation des milieux vis-à-vis des micropolluants, dont les résidus de médicaments. Cette approche intégrée, incluant les écosystèmes, leur biodiversité, mais aussi l’évolution de la société dans les territoires, permettra une meilleure évaluation et anticipation des risques (associant les risques climatiques et naturels), tout en considérant ce milieu marin comme une ressource naturelle critique à préserver.

Aussi, au-delà de la recherche, il apparaît indispensable d’intégrer la composante PP au management de ces écosystèmes marins et de dialoguer avec les usagers et producteurs de médicaments, les gestionnaires locaux et nationaux et les autres parties prenantes. Sur ce dernier point, les échanges déjà commencés pour aller vers une amélioration de la situation dans les eaux de surface sont à élargir au milieu marin. Il s’agit d’aider à prioriser les questions en intégrant des aspects historiques, des outils de concertation entre acteurs et des outils de prospective. L’étude et la gestion du milieu marin sont des thèmes transverses et interdisciplinaires qui nécessitent l’intégration de différents défis : les problèmes d’aménagement, d’urbanisme, d’agriculture, de tourisme, tout en respectant les éléments constituant de la santé et du bien-être.

Remerciements et autres mentions

Programme Environnement-Santé-Travail de l’Anses avec le soutien des ministères chargés de l’Écologie et du Travail (2015/1/091).

Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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