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Environnement, Risques & Santé

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Review of wastewater, surface water and groundwater contamination by pharmaceuticals Volume 17, supplement 1, April 2018

Figures


  • Figure 1

  • Figure 2

Tables

Depuis une vingtaine d’années, la présence des substances pharmaceutiques dans les milieux aquatiques est un sujet d’intérêt croissant. D’abord focalisées sur les eaux de rejets des stations d’épuration urbaines, les recherches se sont progressivement étendues à tous les compartiments, des milieux considérés comme principaux « émetteurs » (eaux usées), vers les plus directement impactés (eaux superficielles), puis vers les milieux considérés initialement comme plus préservés (eaux souterraines). La figure 1 reprend les principales voies d’introduction et de transfert des substances pharmaceutiques dans les milieux aquatiques.

Si le schéma global des voies d’introduction dans l’environnement est connu depuis plusieurs dizaines d’années, la part relative attribuée à chaque voie d’introduction reste encore en évolution. Les avancées analytiques, qui donnent accès à des nouveaux compartiments ou à des niveaux de concentration de plus en plus faibles, permettent une constante amélioration des connaissances sur le devenir et le transfert de ces substances dans les écosystèmes aquatiques.

Méthodologie de la revue

L’objectif de cette revue est d’avoir une vision large et non exhaustive des niveaux de contamination dans les eaux souterraines, les eaux superficielles et les eaux usées. Pour cela, une recherche bibliographique par compartiment a été réalisée au niveau mondial, puis une sélection des données de concentration ainsi que des molécules étudiées a été effectuée afin de présenter la plus grande diversité de composés et de gammes de concentration pour chaque compartiment. Sur la base de ces résultats, une recherche spécifique des données françaises a été menée afin de pouvoir comparer les niveaux de concentration.

Introduction des substances pharmaceutiques dans les écosystèmes aquatiques d’eau continentale par les effluents

Apports des émissions d’industries pharmaceutiques

Il existe actuellement peu de campagnes de mesures globales sur cette question. Elles sont rares au niveau européen et n’ont pas montré un important apport de composés via les installations de production, celles-ci étant majoritairement équipées d’un prétraitement de leurs rejets avant envoi dans la station de traitement urbaine. En France, néanmoins, des stéroïdes synthétiques ont été quantifiés en aval d’un rejet d’usine [2]. Cette problématique est principalement étudiée en Inde et en Chine, principaux lieux de fabrication de la production mondiale de médicaments. Fick et al. et Larsson et al.[3, 4] ont réalisé un suivi sur une station de traitement d’eaux usées collectant les rejets d’environ 90 usines de fabrication dans la région d’Hyderabad en Inde, ce qui représente un volume d’approximativement 1 500 m3 d’eaux usées à traiter par jour. Les concentrations mesurées sont très élevées sur les composés sélectionnés (essentiellement des antibiotiques ainsi qu’un antihistaminique, la cétirizine, et un antidépresseur, le citalopram). La comparaison de deux études, en 2007 et 2009 [3, 4], permet néanmoins de noter une diminution significative des teneurs en substances pharmaceutiques dans les rejets entre les deux années. D’autres suivis, en Égypte et en Chine [5, 6], sur différentes substances présentent les mêmes ordres de grandeur de concentration en entrée des systèmes de traitement.

Une prise de conscience de certains acteurs de l’industrie pharmaceutique a entraîné la mise en place d’actions correctives (amélioration des procédés, traitements supplémentaires des rejets, etc.) visant à diminuer l’apport par les rejets industriels au milieu naturel [7]. Le tableau 1 recense les différentes mesures des composés pharmaceutiques effectuées dans les effluents industriels.

Apports des effluents domestiques

Les effluents domestiques sont la principale source d’introduction de produits pharmaceutiques d’origine humaine dans les milieux naturels. Le traitement incomplet de ces composés dans les stations entraîne une introduction de fortes teneurs de composés dans le milieu récepteur, le plus souvent les eaux de surface. Le nombre de revues sur le sujet est très important, et ces dernières sont parfois très globales, comme les travaux regroupant les analyses sur plus de 160 stations d’épuration [8] ou focalisées sur des composés (parents et produits de dégradation) comme les travaux sur la carbamazépine et ses produits de transformation [9]. L’efficacité des stations de traitement des eaux usées est variable selon les substances et les méthodes de traitement mises en œuvre [10, 11], ce qui définit un taux d’abattement, correspondant aux taux de dégradation lors du traitement. Certaines substances sont très sensibles aux différentes modalités de traitement comme le chloramphénicol (tableau 2) avec des valeurs d’abattement variant de moins de 14 % (peu dégradée) à plus de 99 % (très bien dégradée) ; d’autres composés sont quasi systématiquement éliminés comme le paracétamol ou l’ibuprofène. Par ailleurs, des molécules sont considérées comme réfractaires à la grande majorité des méthodes conventionnelles, comme la carbamazépine ou le diclofénac [12]. Le tableau 2 présente une vue non exhaustive des gammes de concentration et des valeurs d’abattement obtenues dans diverses études. Les études françaises y sont présentées en parallèle et sont en adéquation avec les études internationales, tant au niveau des classes de substance, que des concentrations retrouvées et de l’efficacité des systèmes de traitement.

Autres apports des substances pharmaceutiques à l’environnement

D’autres apports à l’environnement ont été identifiés, notamment via l’assainissement non collectif, qui désigne les installations individuelles de traitement des eaux domestiques. Très peu étudiés jusqu’alors, les niveaux de contamination mesurés semblent assez faibles car les installations sont individuelles et les rejets diffus, comme le montre l’étude de Schaider et al. [18] comparant différents types d’assainissements non collectifs et illustrés par le tableau 3, focalisé sur les rejets de fosses septiques.

Les effluents, industriels ou urbains, sont une source majeure de substances pharmaceutiques dans les écosystèmes aquatiques. Des nouvelles approches de traitement sont explorées, malgré leurs coûts élevés, afin d’améliorer l’élimination des polluants des effluents [19, 20]. Notamment, dans les régions où la réutilisation des eaux usées est rendue nécessaire par la raréfaction des ressources en eaux, le coût de traitements alternatifs devient un critère secondaire, ce qui permet d’envisager de nouveaux usages de l’eau traitée, de l’irrigation [21] à l’alimentation en eau potable [22]. Les polluants émergents, dont les substances pharmaceutiques, ont été particulièrement étudiés dans ce contexte de réutilisation depuis quelques années, comme sur le site de Shafdan (Israël) où la réutilisation des eaux usées est développée depuis plus de 40 ans [23]. Ces sites en usage ont permis d’accélérer l’acquisition des connaissances sur le devenir des substances pharmaceutiques dans les sols [24], l’effet de l’atténuation naturelle sur leur dégradation ou les variations de températures des milieux récepteurs [25].

Suivis des composés pharmaceutiques dans les eaux de surface

Principal milieu récepteur des eaux usées traitées, les eaux de surface ont fait l’objet de nombreuses études sur la présence de résidus pharmaceutiques depuis une vingtaine d’années. En France, plusieurs actions d’ampleur ont permis d’avoir une vision assez exhaustive des niveaux de contamination des eaux superficielles, au travers des travaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), sur les eaux brutes (dont les eaux superficielles) destinées à la consommation humaine [26], ou la campagne exceptionnelle organisée par l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et le ministère de l’Environnement [27]. Vingt-deux médicaments ont été suivis dans les eaux de la métropole et des départements et régions d’outre-mer (tableau 4).

L’objectif de cette campagne exceptionnelle était de réactualiser la surveillance des masses d’eaux superficielles en recherchant pour la première fois, à large échelle, des composés émergents (qui étaient des composés encore non réglementés), pour lesquels le niveau de connaissance (en termes de concentration dans les milieux ou de toxicité) était jugé insuffisant, dont des substances pharmaceutiques. Réalisée sur des stations de mesures représentatives des masses d’eaux françaises, la présence récurrente de certains composés a été mise en évidence, comme la carbamazépine, l’acide niflumique ou l’oxazépam, présents dans plus de 60 % des cours d’eau investigués. Cette campagne revêtant un caractère exceptionnel (deux campagnes de mesures sur 500 stations), les composés les plus fréquemment retrouvés ont été par la suite introduits au niveau national dans la liste des substances pertinentes à surveiller (SPAS). Ainsi, un suivi régulier est mis en œuvre, permettant une meilleure évaluation de leur présence dans les eaux superficielles.

Au niveau européen, cette même démarche a été initiée par la mise en place de la liste de vigilance européenne intégrant sept substances pharmaceutiques (tableau 5). Leur suivi pendant un minimum de deux ans, à partir de 2016, permettra d’avoir une vision plus exhaustive des niveaux d’imprégnation des eaux de surface à l’échelle européenne.

Occurrence des substances pharmaceutiques dans les eaux souterraines

Le niveau d’imprégnation des eaux souterraines est très variable selon les types d’aquifères considérés. Les nappes alluviales en forte interaction avec les rivières sus-jacentes ou les réseaux karstiques sont plus fortement contaminées que des eaux souterraines plus profondes et moins exposées.

L’utilisation récente des eaux usées plus ou moins traitées pour l’irrigation entraîne dans certaines régions une augmentation de la contamination des eaux souterraines. Ainsi, des composés pharmaceutiques, utilisés comme traceurs des eaux usées, ont été retrouvés dans des zones agricoles, comme en Tunisie [28] où la carbamazépine a été quantifiée jusqu’à 910 ng/L.

En France, les recherches sur la présence de substances pharmaceutiques dans les eaux souterraines sont encore peu nombreuses et très localisées [16, 29]. En 2011, une campagne nationale a été mise en œuvre pour le suivi des polluants émergents. Ainsi, 411 composés dont 132 composés pharmaceutiques ont été recherchés sur 494 stations lors de deux campagnes de mesures [30]. Les stations d’échantillonnage ont été sélectionnées afin d’obtenir une vision représentative des masses d’eaux du territoire (contextes hydrogéologiques, pressions anthropiques, etc.). Les résultats sont présentés sur la figure 2, et montrent que certains composés pharmaceutiques sont quantifiés dans plus de 10 % des échantillons (carbamazépine et acétaminophène), et parfois à des concentrations supérieures à 100 ng/L comme la metformine (médicament contre le diabète), l’acétaminophène (autre nom du paracétamol) ou l’érythromycine (antibiotique).

Conclusions

Cette revue de la bibliographie montre que les informations sur l’occurrence des substances pharmaceutiques se multiplient, et ce pour tous les compartiments environnementaux. Certains composés entrent désormais dans le champ réglementaire, en termes d’obligation de suivi et non de limitation de concentration, que ce soit au niveau national (SPAS) ou européen (liste de vigilance).

L’évolution des techniques de gestion de la ressource en eau, comme la multiplication de la recharge artificielle des eaux souterraines, à partir d’eaux de surface, mais aussi d’eaux usées traitées, entraîne l’augmentation de la dissémination des polluants dont les substances pharmaceutiques, dans des milieux qui étaient jusqu’alors relativement préservés [31]. Les autorités nationales et européennes s’attachent actuellement à mieux encadrer ces nouvelles méthodes et à améliorer la surveillance de la qualité des eaux pour les prendre en compte, afin de mieux anticiper des impacts potentiels ou avérés sur la qualité des milieux naturels.

Remerciements et autres mentions

Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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