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Commission d’enrichissement de la langue française Volume 17, issue 6, November-December 2018

Figures


  • Figure 1

Les lecteurs(trices) de la revue ERS connaissent l’importance du vocabulaire et du sens des mots ou expressions.

Il est essentiel de bien définir les choses pour bien se comprendre. Personne ne sous-estime l’importance des dictionnaires. Mais ce travail indispensable est loin d’être simple. Les deux derniers « Mot à mot » publiés par ERS[1, 2], Services écosystémiques, valeur des écosystèmes et Complexe, compliqué, pernicieux, le montrent.

Par ailleurs, la langue française bouge et s’enrichit en permanence, d’où l’existence d’une Commission d’enrichissement de la langue française. La terminologie est au centre de ce processus. Le Petit Robert la définit comme « le vocabulaire particulier utilisé dans un domaine de la connaissance ou un domaine professionnel ». C’est « l’étude systématique des termes ou mots, syntagmes, spéciaux, servant à dénommer classe d’objets et concepts ».

Les commissions de terminologie existent dans divers ministères, par exemple au ministère de la Transition Écologique et Solidaire qui s’intitule Collège d’experts environnement durable de la Commission d’enrichissement de la langue française.

Il est intéressant de lire ce que dit le Dictionnaire historique de la langue française à propos de « terme » [3]. Entre autres, ce mot « désigne l’expression d’une idée par le langage et, au pluriel, de l’ensemble de mots et d’expressions choisis pour communiquer un contenu de pensée ».

Le sens moderne de terminologie s’est répandu au milieu du XIXe siècle.

Des documents édités par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) nous permettent de mieux appréhender la manière dont les mots sont définis [4]. Il est possible de recevoir la liste des termes dès leur parution au Journal Officiel sur France Terme, et toutes les publications à propos de l’enrichissement de la langue française sont disponibles en ligne sur : www.culture.fr/Ressources/FranceTerme/Librairie.

Les termes et expressions très précis utilisés dans les domaines scientifiques et techniques se comptent en millions, alors qu’un dictionnaire général comprend moins de 100 000 mots.

Comment faire face à cet afflux de mots pour les comprendre et les nommer en français ? D’autant plus que nous sommes incités, à juste titre, à parler et écrire en français et à diffuser et employer des termes nouveaux français.

C’est la mission du dispositif d’enrichissement de la langue française qui date d’un décret du 3 juillet 1996, publié « en vue de favoriser l’enrichissement de la langue française, de développer son utilisation notamment dans la vie économique, les travaux scientifiques et les activités techniques et juridiques, améliorer sa diffusion en proposant des termes et expressions nouveaux pouvant servir de référence, de contribuer aux rayonnements de la francophonie » [4]. C’est en 1966 qu’a été créé un Haut Comité pour la défense et l’expansion de la langue française. C’est donc le résultat d’un protocole assez récent qui ne cesse de prendre de l’ampleur compte tenu du mouvement des outils, des idées, des connaissances, de la diffusion des informations et des échanges internationaux.

Notre revue, comme la Société française de santé et environnement (SFSE), ne peuvent que s’intéresser à cela et participer à ces échanges et innovations. Les termes à définir autour des notions de santé, d’environnement et de risque sont en progression rapide. De développement durable à écotoxicologie, en passant par bioamplification, audit environnemental, cindynique, empreinte eau, étude de danger, recyclage valorisant, principe de précaution, résilience, bioénergie, etc., les exemples sont très nombreux et le travail de définition à effectuer est considérable.

Dans ce contexte, le rôle de l’État est essentiel. Il a une mission d’exemplarité (pas toujours réalisée !) pour enrichir le vocabulaire, promouvoir la langue française. Il est d’ailleurs obligé d’utiliser les termes publiés au Journal Officiel dans ses services.

C’est la DGLFLF qui doit coordonner l’élaboration de la liste des termes à définir, assurer les navettes entre les groupes d’experts et les échanges entre la Commission d’enrichissement de la langue française et l’Académie française.

Cette commission est placée auprès du Premier ministre et présidée par un membre de l’Académie française. Cette dernière est centrale dans le dispositif car elle est la référence pour les questions d’usage de la langue française. Sa commission comprend des groupes d’experts, des membres du service du dictionnaire, etc.

C’est au bout de ce cheminement parfois long de discussions et d’échanges que sont approuvées les définitions de termes par l’Académie française, après examen de la Commission du dictionnaire. Le rôle de la Commission d’enrichissement de la langue française, nommée pour quatre ans avec dix membres, est essentiel dans un processus très rigoureux.

Pour y voir plus clair, la liste qui suit présente succinctement cette organisation :

  • la DGLFLF placée sous l’autorité du ministre de la Culture, qui assure le secrétariat de la Commission d’enrichissement et la diffusion de la terminologie ;
  • les hauts fonctionnaires chargés de la terminologie et de la langue française dans chaque ministère ;
  • les groupes d’experts intitulés « Collège » dans les ministères, qui sont bénévoles et au cœur du travail effectué. Ils sont nommés au titre de représentants des services de l’administration et en fonction de leurs compétences dans tel ou tel secteur ;
  • les partenaires qui sont des organismes scientifiques et techniques régulièrement consultés ;
  • l’Académie des sciences ;
  • l’Association française de normalisation (AFNOR) ;
  • des organismes d’autres pays francophones ;
  • des laboratoires universitaires ;
  • la Direction générale de la traduction de la Commission européenne.

Quelques principes de travail sont retenus par la Commission d’enrichissement. Plusieurs exemples peuvent être cités.

La concertation entre tous les spécialistes et la recherche du consensus sont permanents.

Selon les besoins et l’urgence, il existe une procédure accélérée pour définir tel ou tel mot. Environ 3 000 mots, termes, sont publiés par an au Journal Officiel.

Tout organisme, association, individu peut proposer des termes à définir.

La commission peut faire des recommandations à propos de termes largement utilisés dans plusieurs domaines (souvent en anglais), alors qu’il y a des équivalents français. C’est un rappel de la variété et de la richesse de notre vocabulaire (par exemple, le mot « coach » signifie autant entraîneur que moniteur, etc.).

L’usage est aussi à vérifier, dans la mesure où les termes définis par la commission doivent être obligatoirement utilisés à la place d’expressions étrangères dans un certain nombre de cas (loi du 4 août 1994 dite Loi Toubon).

Par ailleurs, certains efforts sont entrepris pour utiliser le français et promouvoir la francophonie. Il est regrettable de constater que la diffusion des connaissances se fait le plus souvent en anglais. Même des revues en français sont passées en totalité à l’anglais. Par ce fait – ce n’est pas le seul – la situation de l’édition scientifique en français est en difficulté. Le mérite et l’intérêt de la revue ERS n’en sont que plus notables ; son existence mériterait un soutien important de la part des ministères et des agences concernées par la santé et l’environnement. Ce n’est pas une conception de clocher mais une nécessité de sauvegarder le multilinguisme qui est une richesse culturelle à protéger.

La science ne peut se tenir à l’écart d’une politique linguistique qui aide également à développer les services de traduction.

Il existe un guide des bonnes pratiques à l’usage des experts de la Commission d’enrichissement de la langue française [5]. Il définit les domaines de compétences des groupes d’experts qui doivent assurer la veille, à partir de leurs propres réseaux, auxquels s’ajoutent les boîtes à idées de France Terme, les demandes venant des administrations, etc.

Il faut consulter en permanence des partenaires, des organismes de normalisation, et organiser la concertation entre les différents groupes d’experts. Par exemple, des mots comme « biomasse ou éolien » intéressent à la fois l’environnement et l’énergie. Il y a un travail à organiser entre deux réunions et des règles à suivre pour élaborer une bonne fiche terminologique.

En voici une (Journal Officiel du 18 mai 2018, texte 140) :

  • Immission, n.f ;
  •  Domaines : Environnement.
  •  Définition : Incorporation et accumulation d’une substance, notamment d’un polluant, dans un milieu récepteur.
  •  Note :
  • 1.  Les résultats de l’immission peuvent être analysés en termes de concentration de substances dans les milieux récepteurs.
  • 2.  L’atmosphère, l’eau, les sols et les organismes vivants sont des exemples de milieux récepteurs.
 Équivalent étranger : Immission (ALL), immission.

La figure 1 illustre le dispositif d’enrichissement de la langue française [4].

La pratique montre que cette organisation est efficace et contribue à « enrichir », notamment les individus qui s’en occupent. Elle favorise les visions multidisciplinaires des choses et des idées, implique écoute, réflexion et beaucoup de lectures.

La diffusion des travaux de cette commission est essentielle. Il est donc indispensable d’inviter le public et les scientifiques à participer à cette veille terminologique.

Je profite de cette note pour inciter les membres du comité de rédaction de notre revue à le faire, en regardant bien les termes utilisés dans leurs domaines de compétences. La lecture des articles d’ERS est un véritable gisement de ce point de vue : expologie, exposome, toxicologie environnementale, facteur de risque, impact sanitaire, toxicovigilance, éco-santé, etc.

Il y a des mots sur la planche !

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