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ANALYSE D'ARTICLE

Importance de la verdure dans l’environnement du début de vie et pression artérielle à l’âge adulte jeune

En montrant une relation entre le niveau de la pression artérielle de jeunes adultes et l’importance de la surface verte dans leur environnement de vie initial, cette étude dans une petite population contribue à la recherche sur les origines développementales de la santé et des maladies.

Une littérature émergente indique un effet favorable de la végétation environnante sur la pression artérielle (PA). En particulier, une étude transversale dans une population de 3 416 femmes enceintes de la ville de Kaunas (Lituanie) rapporte une association entre la proximité résidentielle d’un parc et la probabilité d’une valeur de PA normale ou normale-haute. Une relation entre l’indice de végétation (Normalized Difference Vegetation Index – NDVI) dans un rayon de 500 m autour du domicile et la PA mesurée à l’âge de 10 ans a par ailleurs été mise en évidence dans deux cohortes de naissances allemandes (régions de Munich et de Wesel).

Les données longitudinales collectées dans diverses populations montrent que la PA dans l’enfance est fortement corrélée à la PA à l’âge adulte. La PA de la mère au troisième trimestre de la grossesse a par ailleurs été identifiée, dans une cohorte états-unienne, comme l’un des facteurs prédictifs de la PA du nouveau-né, avec l’âge maternel et le poids de naissance. Ces éléments incitent à rechercher les déterminants précoces de la trajectoire individuelle de la PA, paramètre important de la santé cardiovasculaire future. Cette étude s’inscrit dans cette démarche. L’hypothèse examinée est celle d’une influence de la verdure dans l’environnement de vie initial sur la PA du sujet devenu adulte.

 

Présentation

La East Flanders Prospective Twin Study est une cohorte de naissances multiples de la province belge de Flandre-Orientale. L’impact sur l’adiposité à l’âge adulte du type de gémellité (zygocité pour les facteurs génétiques et chorionicité [nombre de placentas] pour l’environnement intra-utérin des fœtus monozygotes) y a précédemment été étudié dans un échantillon de 424 paires de jumeaux nés entre 1964 et 1982. Les auteurs ont extrait de cette population les 278 sujets nés à partir de 1975 (les derniers grands travaux d’infrastructures routières de la province datant de 1974) réunissant toutes les données nécessaires à leur analyse.

L’exposition à la verdure en début de vie a été estimée sur la base des données du programme satellite européen CORINE Land Cover qui produit, depuis l’année 2000, une cartographie de l’occupation des sols à l’échelle 1:1 million (1 cm sur la carte représentant 10 km sur le terrain). Deux des cinq grandes catégories de couverture (forêts et milieux semi-naturels à végétation arbustive ou herbacée, territoires agricoles) constituaient l’environnement vert, qui a été quantifié dans la zone de naissance. Les auteurs ont considéré différentes aires (d’un rayon de 100 m à un rayon de 5 000 m) centrées sur l’adresse maternelle géocodée.

Les données relatives à la PA provenaient d’une mesure ambulatoire sur 24 heures réalisée entre 1997 et 2000 chez des sujets alors âgés de 18 à 25 ans, qui avaient pour consigne de vaquer à leurs activités domestiques habituelles, mais d’éviter un exercice physique intense. L’appareil était programmé pour mesurer la PA toutes les 15 min en période diurne (de 8 h à 22 h) et toutes les 30 minutes de nuit. Si la mesure échouait, une nouvelle tentative avait lieu deux minutes plus tard. Les valeurs extrêmes étaient automatiquement rejetées (PA systolique [PAS] < 70 ou > 220 mmHg ; PA diastolique [PAD] < 40 ou > 140 mmHg). Les sujets ont été écartés de l’analyse en cas d’absence de mesure valide durant deux heures. Pour éliminer la variabilité interindividuelle due à la diversité des profils d’activité des début et fin de journée, les périodes de 6 à 10 h et de 20 h à minuit ont été exclues.

La relation entre l’importance de la verdure dans l’environnement du début de vie et la PA (PAS et PAD diurnes et nocturnes) a été examinée avec un modèle ajusté sur des variables obstétricales et maternelles (âge gestationnel, sexe, poids de naissance, type de gémellité, année de naissance, âge maternel, tabagisme durant la grossesse), ainsi que sur des données issues de l’examen réalisé à l’âge adulte : indice de masse corporelle, tabagisme, niveau d’activité physique, concentrations urinaires de sodium et de potassium et gamma GT sanguines (marqueur biologique de la consommation d’alcool). Le niveau d’études de la mère et le revenu moyen des foyers de son quartier d’habitation (statistiques de l’année 1994) ont été utilisés pour construire un indicateur du statut socio-économique. Le modèle incluait également l’exposition de la résidence maternelle au bruit nocturne du trafic routier et ferroviaire (niveau d’intensité sonore moyen sur la plage 23 h à 7 h par modélisation) et prenait en compte la parenté entre jumeaux.

Les analyses ont été réalisées, d’une part, dans la sous-population des sujets résidant toujours à leur adresse de naissance (n = 97), d’autre part, dans celle des sujets ayant déménagé (n = 181).

Associations observées

Dans la sous-population résidentiellement stable, l’exposition à la verdure apparaît inversement associée à la PAS nocturne, ainsi qu’à la PAD diurne et nocturne. L’influence de la surface verte est significative jusqu’à 1 000 m autour du domicile pour la PAS nocturne (augmentation d’un intervalle interquartile [IIQ] associée à une diminution moyenne de 3,59 mmHg [IC95 : - 6 à - 1,23]), tandis que l’association avec la PAD est limitée à l’environnement de proximité (baisse de 4 mmHg de la PAD nocturne [- 6,6 à - 1,3] et de 3,8 mmHg de la PAD diurne [- 6,8 à - 0,9] par augmentation d’un IIQ de la surface verte dans un rayon de 300 m).

Les analyses dans la sous-population des sujets ayant déménagé suggèrent une influence persistante de l’environnement du début de vie sur la PA. Après avoir quantifié l’exposition actuelle à la verdure sur la base de l’adresse du jeune adulte de la même manière que pour l’exposition passée, les deux sont associées au niveau de la PAS nocturne, mais l’effet de l’exposition actuelle disparaît après prise en compte de l’exposition passée. En revanche, après ajustement sur l’exposition actuelle, l’association entre la PAS nocturne et l’importance de la verdure dans l’environnement du début de vie persiste pour toutes les aires considérées (diminution de 2,47 mmHg [- 4,7 à - 0,2] par incrément d’un IIQ de la surface verte dans un rayon de 5 000 m autour de la résidence maternelle). L’exposition passée est également associée à la PAD nocturne (- 2,4 mmHg [- 4,2 à - 0,6]) par incrément d’un IIQ dans un rayon de 300 m).

Le fait de ne disposer que des deux adresses extrêmes (celles de la naissance et du moment de la mesure) limite la possibilité d’interpréter ces résultats comme un effet déterminant de l’exposition à la verdure en début de vie sur la PA adulte. L’histoire résidentielle doit être précisément reconstituée pour une investigation plus poussée.

 


Publication analysée :

* Bijnens E1, Nawrot T, Loos R, et al. Blood pressure and residential greenness in the early life environment of twins. Environ Health Perspect 2017; 16: 53. doi: 10.1186/s12940-017-0266-9

1 Centre for Environmental Sciences, Hasselt University, Diepenbeek, Belgique.